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Inégalités sociales de performances et structure du système

Chapitre III Les inégalités sociales de réussite d’un pays à l’autre

III.4. Les facteurs d’organisation du système éducatif et inégalités sociales

III.4.2. Inégalités sociales de performances et structure du système

La première variable mobilisée pour tester les relations entre

inégalités de réussite et structure du système éducatif est la présence de

filière à l’âge de 14 ans, variable qui est, rappelons-le, liée à des

performances plus médiocres. Il existe en moyenne des inégalités plus

élevées dans les pays à filières et cette relation est statistiquement

significative ; l’existence de filière, à elle seule explique 12% des variations

de notre indicateur d’inégalités.

Cela dit, parmi les pays qui ont des filières à l’âge de 14 ans, on

trouve à la fois l’Allemagne qui présente un fort degré d’inégalités sociales

de réussite et l’Espagne et l’Italie où celles-ci sont plus modérées et

comparables à des pays sans filières tels que la Norvège et la Suède. Ce

résultat mérite d’autant plus d’être souligné que, rappelons-le, l’existence

de filières dès 14 ans s’est avérée, de plus, associée à des performances

plutôt plus médiocres chez les élèves (l’écart n’étant certes pas significatif).

Cette relation vaut à PIB donné, puisque nous l’avons vu, la richesse

économique n’est pas corrélée avec l’ampleur des inégalités sociales.

De manière convergente, si l’on prend en compte la longueur du

tronc commun, on relève une corrélation significative avec l’ampleur des

inégalités sociales de réussite : plus le tronc commun est long, moins les

inégalités sont élevées et réciproquement, celles-ci tendent à être plus

marquées quand le tronc commun est bref (r = - 0,40). A nouveau, ce

constat doit être rapproché du fait que la durée du tronc commun s’est

révélée corrélée, certes de façon modérée, avec de meilleures performances

moyennes chez les élèves.

Un autre indicateur de la manière de regrouper les élèves concerne la

ségrégation scolaire entre établissements, variable dont nous avons vu

qu’elle était corrélée négativement avec la performance scolaire moyenne et

positivement avec la dispersion du niveau des élèves. Il s’avère que les

inégalités sociales de réussite entre élèves ont tendance à être plus

marquées dans les pays où il existe une forte ségrégation entre

établissements (r = +0,65). Cela signifie que l’homogénéité des

établissements préserve mieux une certaine égalité sociale des

performances que des établissements typés qui tendant à se hiérarchiser

autant socialement que scolairement (cf. graphique 38).

Rappelons que l’ampleur de la ségrégation entre établissements

s’était avérée corrélée avec le niveau moyen des élèves (celui-ci étant

d’autant plus faible que la ségrégation était marquée), et avec la dispersion

de leurs résultats (d’autant plus forte que la ségrégation l’était).

Variance des scores inter établissements 80 70 60 50 40 30 20 10 0 In é gal ir s s o c ia le s de per fo rm an c e s en éc ri t 3 2 1 0 -1 -2 -3 Allemagne Bulgarie R. Tchèque Hongrie Pérou Suisse Israël Etats Unis Belgique Chili

R. Uni Lux embourg Argentine

Pologne DanemarkAus tralie

Portugal Macédoine Nlle Zélande

Albanie

Mexique Aut riche

Grèce Brésil

CanadaIrlande F. Russie

Norvège Let tonie

Espagne Suède Italie Indonésie Thaïlande Finlande Islande Hong Kong Japon Corée

Graphique 38 : Relation entre la ségrégation scolaire dans les établissements

et les inégalités sociales de performances en écrit

Examinons enfin la variable agrégée exprimant la plus ou moins

grande différenciation du système (existence de redoublement et de filières,

établissements de niveaux différents). Le graphique ci-après montre une

relation significative et forte (r = +0,63) entre le caractère « tolérant à

l’hétérogénéité » des systèmes et la faiblesse des inégalités sociales de

réussite. En d’autres termes, plus les systèmes scolaires maintiennent un

niveau élevé d’hétérogénéité (peu de redoublements, tronc commun long,

établissements peu différenciés) moins les inégalités sociales de réussite

entre élèves sont importantes. Rappelons qu’en outre cette variable

synthétique s’est révélée corrélée positivement, pour le pôle « non

différencié », avec le niveau moyen de performances des élèves. Le fait que

la dimension différencié/non différencié du système s’avère spécifiquement

lié à l’ampleur des inégalités sociales, alors qu’il ne l’était pas concernant

les inégalités entre élèves, rappelle combien, dans les systèmes éducatifs,

toute différenciation est érigée en vecteur de distinction avant tout sociale,

alors que si le fonctionnement du système était de fait méritocratique, la

différenciation serait « calée » avant tout sur des facteurs scolaires.

Indicateur de différenciation des systèmes

2.0 1.5 1.0 .5 0.0 -.5 -1.0 -1.5 In ég a lit és s o c ia le s d e p e rf o rm a nc e s en é c ri t 3.0 2.0 1.0 0.0 -1.0 -2.0 -3.0 Allemagne Bulgarie R. Tchèque Hongrie Pérou Suisse Israël Etats Unis Belgique Chili

R. Uni Lux embourgArgentine

Pologne DanemarkAus tralie

Portugal Macédoine

Nlle Zélande

Albanie

Mexique Aut riche

Grèce Brésil CanadaIrlandeF. Russie

Norvège Let tonie

Espagne Suède Italie Indonésie Thaïlande Finlande Islande Hong Kong Japon Corée

Graphique 39 : Relation entre la différenciation des systèmes éducatifs et les

inégalités sociales de performances en écrit

Ces conclusions peuvent se lire aussi par grandes régions, le

graphique 40 oppose des types de pays bien distincts avec aux deux

extrémités de la relation d’une part les pays germaniques, d’Europe de l’Est

et les pays d’Europe du Sud les plus pauvres (qui sont aussi les plus à l’Est)

et enfin ceux d’Amérique du Sud, d’autre part, à l’opposé, les pays

asiatiques et les pays d’Europe du Nord. On remarque que si, parmi les

pays qui cultivent l’homogénéité (ceux du premier groupe) les inégalités

sociales de réussite sont toujours importantes, la variété à cet égard est plus

importante parmi les pays du deuxième groupe : à niveau de différenciation

de leur système éducatif égal, les pays anglo-saxons restent bien plus

inégalitaires que les pays d’Asie. Ceci rappelle qu’à l’évidence, d’autres

caractéristiques socio-culturelles ou économiques des pays comptent

également pour expliquer les écarts dans les inégalités sociales de réussite à

l’école.

Indicateur de différenci ation des systèmes

1.0 .5 0.0 -.5 -1.0 In é gal ité s s o c ial es d e p e rf o rm a n c es e n é c ri t 1.5 1.0 .5 0.0 -.5 -1.0 -1.5 -2.0 -2.5 Israël Europe du sud 2 Asie du s ud Europe de l'Est Germaniques Europe du Sud 1 Europe du Nord

Anglo sax ons

Amérique du S ud

Asie du nord

Graphique 40 : Relation entre la différenciation des systèmes éducatifs et les

inégalités sociales de performances en écrit par région

III.4.3. Inégalités sociales de performances et modalités de centralisation

/ décentralisation

Après avoir observé précédemment que des scores élevés et de

faibles dispersion de résultats scolaires étaient associés à des organisations

institutionnelles complexes articulant l’intervention de différents pouvoirs

pour chacune des compétences, il restait à examiner les relations

éventuelles entre ces modes d’organisation des pouvoirs et l’ampleur des

inégalités sociales.

Les modèles estimés montrent tout d’abord que c’est le modèle d’un

Etat central prépondérant en charge de l’ensemble des activités

pédagogiques qui est associé à un moindre niveau d’inégalités sociales. La

création centralisée des contenus d’enseignement, de même que la

philosophie de conception des programmes que nous avons appelée

« unitaire », des examens nationaux, ou encore le choix encadré des

manuels scolaires sont associés significativement à des niveaux de

disparités sociales moindres. Le Japon et la Corée sont les archétypes de ce

modèle. L’existence d’une évaluation nationale qu’elle soit réalisée par le

biais d’examens, de tests standardisés nationaux (Suède, Finlande,

Norvège) ou d’une inspection puissante (Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni)

est également associée à de moindres inégalités sociales de performances. A

l’opposé, l’autonomie des établissements dans la création des contenus

pédagogiques, le choix des manuels et la certification sont fortement

associés à de hauts niveaux d’inégalités sociales.

On retrouve les mêmes résultats dans le domaine de la gestion du

personnel. De moindres inégalités sont corrélées avec une gestion

centralisée des ressources humaines enseignantes (Japon Corée…). A

l’opposé, là encore, une forte autonomie des établissements s’avère

particulièrement associée à l’ampleur des inégalités. Par ailleurs, un

financement mixte, à nouveau, comme en Finlande, au Japon, ou en

Nouvelle-Zélande (R² = 0,63 dans le cadre d’un modèle global) et une

gestion financière centralisée comme en Corée ou à Hong Kong se révèlent

également associés à de moindre inégalités.

Au total, les pays asiatiques (Japon, Corée, Hong Kong, et

Thaïlande) qui se caractérisent à la fois par de faibles disparités de résultats

et des inégalités sociales de performances très limitées sont donc

l’archétype de ce système (comme l’illustre le tableau ci-après).

Tableau 10 : Facteurs institutionnels associés à des faibles niveaux

d’inégalités sociales et sélection de pays parmi ceux présentant des situations

extrêmes en terme d’inégalités sociales de performances

Pays Hong

Kong

Japon Islande Hongrie Rep. Tchèque Chili Inégalités sociales de performances -1,62 -2,07 -1,55 +1,51 +1,57 +0,7 Programmes centralisés +++ +++ +++ 0 0 0 Evaluation nationale du système +++ +++ +++ +++ 0 +++

Gestion centralisée des ressources humaine enseignante

+++ +++ ++ ++ ** 0

Financement mixte ++ +++ ++ +++ 0 0 +++ : répartition des pouvoirs en adéquation avec le modèle global, pour la compétence désignée ++ : répartition des pouvoirs proche du modèle global, pour la compétence désignée

0 : répartition des pouvoirs en contradiction avec le modèle global, pour la compétence désignée

III.4.4. Une analyse globale des inégalités intégrant les différentes