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En quoi est-il important que les soignants, et notamment les psychiatres

B. L’impact de la révélation des agressions sexuelles sur la santé psychique

X. En quoi est-il important que les soignants, et notamment les psychiatres

Que les psychiatres connaissent les mythes autour du viol et leur prévalence dans la société est important pour la prise en charge. Cela permettra au clinicien de poser des « questions factuelles ». En effets ce sont des questions qui portent sur la situation réelle du patient, de ses symptômes et de ses problèmes. Comme lorsque l’on demande à un patient présentant un épisode dépressif caractérisé « avez-vous du mal à vous endormir ? » ou « avez-vous perdu l’appétit ? ». Donc interroger la victime subtilement si elle a fait face aux principaux mythes autour du viol pourrait entrer dans le registre des questions factuelles. L’utilité de ces questions c’est qu’elles sont capable de suggérer de manière discrète mais efficace la compétence du clinicien. Toutes ces metacommunications contribuent à renforcer la confiance de la victime dans les compétences de clinicien et dans son aptitude de l’aider. Cela pourrait atténuer l’impression qu’ont les personnes présentant un TSPT qui est qu’une personne n’ayant pas vécu l’évènement n’est pas en mesure de reconnaitre ce qui est vécu.

De plus, le fait de connaitre et reconnaitre les mythes sur le viol peut permettre de les interroger à différents niveaux.

Tout d’abord, interroger ces mythes chez les patientes peut être primordial dans la prise en charge thérapeutique que ces mythes soient préexistants à l’agression ou en lien avec des pensées dysfonctionnelles que l’on retrouve

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fréquemment après. En effet, ces idées reçues font le lit des résistances psychotraumatiques.

De plus, interroger ces mythes chez l’entourage peut avoir une importance majeure dans la qualité du soutien d’une part mais aussi dans la recherche de conséquences en lien avec ce dernier. Prenons l’exemple d’une jeune femme, victime d’un viol alors qu’elle rentrait chez elle à pied une nuit après avoir passé la soirée avec des amis. Elle porte plainte immédiatement mais n’en parle pas à ses parents qui n’habitent pas la région. Nous travaillons avec elle l’importance de pouvoir le leur dire, ce qu’elle fait plusieurs semaines après. Plusieurs mois après, elle nous dit la première phrase de son père lors de l’annonce (elle n’a jamais osé l’aborder avant) : « Qu’est-ce que j’ai raté dans ton éducation pour que tu rentres seule la nuit comme ça ». Elle nous explique que cette phrase tourne en boucle, qu’elle majore les sentiments de honte et de culpabilité. Mais elle a bien conscience que cette réaction n’est pas malveillante, et sous le coup de la colère et du désarroi suite à l’annonce.

Cette situation clinique illustre ce dont on avait discuté précédemment sur le fait que peu de victimes de viol bénéficieraient du soutien social attendu de la part de leur entourage. Cela illustre également le fait que les comportements de soutien négatif sont davantage prédicteurs de la sévérité des réactions suite à l’agression sexuelle.

Le père de cette victime sur le coup de la colère la responsabilise bien qu’il soit très étayant. Le père s’en est excusé par la suite mais l’impact négatif sur la victime

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reste majeur. Cette situation illustre que même les personnes aidantes (que ce soit l’entourage ou les professionnels) malgré toute la bienveillance qu’ils portent pour la victime, pourraient facilement basculer dans le soutien négatif. Ici le père de la victime a initialement reconnu l’agression, mais sur le coup de la colère a fait preuve de stigmatisation et d’absence de soutien positif. En effet comme nous l’avons déjà discuté, le manque de soutien n’est pas ouvertement négatif mais il peut être très néfaste pour quelqu'un qui attend ou cherche un soutien. Les études suggèrent que les personnes les plus durement touchées sont celles qui supportaient les coûts de recherche de soutien sans bénéficier d'un soutien réel(31). Un manque de soutien peut nuire particulièrement à l'adaptation(31). De plus, des données de recherche indiquent qu'une proportion notable (20%) des personnes bénéficiaires d’une révélation d’agression sexuelle estime ne pas en savoir suffisamment pour être utiles ou savoir quoi faire pour la victime, et un nombre important de ces personnes ont également signalé la détresse concernant l'expérience de la révélation(1). En effet cette détresse pourrait contribuer à la production de réactions égocentriques auxquelles les victimes de viol font face lorsqu’elles révèlent une agression sexuelle à un de leurs proches comme on voit dans cette situation.

Même un clinicien qui n’adhère pas aux mythes et n’a pas d’idée reçue autour de viol, si il ne connait pas les principaux mythes, pourrait à tort poser des questions qui lui semblent innocentes et bienveillantes mais qui pourraient majorer la culpabilité ressentie par la victime subtilement. Donnant l’impression à la victime que si elle s’était comportée autrement, l’agresseur aurait pu « se contrôler et se maitriser ». C’est la ou les programmes de sensibilisation et éducation qui visent les internes via à vis de ces mythes me semblent nécessaires.

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De plus, en connaissant les réactions négatives, cela nous permettra de travailler avec l’entourage sur les difficultés en lien avec le viol : comment l’aborder, quand en parler, respecter les victimes, les réactions et les réflexions négatives à éviter, l’importance du soutien, etc.