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l’importance de l’analyse des erreurs et des procédures

B. HERMANS

Licenciée en Logopédie et en Psychologie, Centre de revalidation neuropédiatrique, Cliniques universitaires Saint-Luc, avenue Hippocrate 10, 1200 Bruxelles.

RÉSUMÉ:Méthodes d’investigation : l’importance de l’analyse des erreurs et des procédures L’examen pédagogique est illustré à l’aide du test de Simonart qui évalue les performances du sujet par rapport à son niveau scolaire.

Les cas de 3 enfants de 2eprimaire sont présentés et montrent comment le résultat quantitatif ne permet en rien de conclure à la gravité des troubles mais comment une analyse des erreurs et des procédures de calcul utilisées permet d’orienter un diagnostic qui ensuite doit absolument être complété par des bilans multidisciplinaires approfondis (QI, langage, mémoire et attention).

Mots clés : Dyscalculie — Évaluation — Analyse des erreurs — Troubles associés.

SUMMARY : Methods for detecting calculation disorders (2nd part)

Academic achievement level is illustrated by Simonart’s test which evaluates the person’s perfor-mance according to his/her level at school. The study of 3 children in second grade is presented and shows that with a quantitative result, we cannot draw any conclusion on the gravity of the trouble.

However with an error analysis and looking at which procedures were used, it allows us to make a diagnosis. This one has absolutely to be completed by an extensive multidisciplinary evaluation (IQ, language, memory and attention).

Key words : Dyscalculia — Assessment — Error analysis — Associated disorders.

RESUMEN :Métodos de investigación de los trastornos del cálculo (IIª parte)

El examen pedagógico se ilustra mediante el test de Simonart que evalúa las capacidades del sujeto en relación con su nivel escolar.

Se muestran los casos de 3 niños de 2ode Primaria que demuestran que el resultado cuantitativo no permite en absoluto llegar a la conclusión de graves trastornos. En cambio, un análisis de los errores y de los procedimientos de cálculo utilizados permite orientar un diagnóstico que deberá después ser necesariamente completado con balances multidisciplinarios profundos (QI, lenguaje, memoria y atención).

Palabras clave : Discalculia — Evaluación — Análisis de errores — Trastornos asociados.

INTRODUCTION

Lorsqu’un enfant est amené en consultation pour suspicion de trouble d’apprentissage du calcul, l’examen pédagogique est généralement le premier outil utilisé. Ce bilan pédago-gique est nécessaire pour situer l’enfant par rapport à son niveau scolaire et objectiver ou non un retard.

Bien que cet examen soit indispensable, on se trouve vite confronté à ses limites. En effet la résolution d’opérations peut être réussie chez des enfants présentant des troubles spécifiques du calcul et échouée chez d’autres ayant un meilleur raisonnement mathématique mais des troubles associés. Il est donc indispensable d’interpréter les résul-tats avec prudence, d’effectuer une analyse des erreurs et de pratiquer des examens complémentaires si l’on suspecte

des troubles associés. Les examens complémentaires consistent en une évaluation neuropsychologique appro-fondie. Il est également indispensable de comprendre quel-les procédures ont été adoptées et quelquel-les difficultés ont été rencontrées. L’examen logopédique à l’aide du Teddi-math ou de Numérical complète bien sûr le bilan.

Les troubles du calcul peuvent être liés à de nombreux troubles connexes : troubles du langage, troubles visuo-spatiaux, troubles du raisonnement, troubles d’attention ou des fonctions exécutives.

Ces troubles connexes entraînent différents types de dys-calculie.

Depuis que les troubles du calcul sont étudiés en neuro-psychologie, plusieurs tentatives de classification ont été proposées pour essayer de répondre à la diversité des trou-bles observés.

A.N.A.E. No85 – DÉCEMBRE 2005-JANVIER 2006 309

A.N.A.E.,

2005 ; 85 ; 309-313 MÉTHODES D’INVESTIGATION DES TROUBLES DU CALCUL

Article soumis au Comité scientifique du Colloque, accepté le 1er mars 2006 – HERMANS B., Méthodes d’investigation : l’importance de l’analyse des erreurs et des procédure,ANAE (Approche Neuropsychologique des Apprentissages chez l’Enfant),2005,17, 309-313.

MÉTHODES D’INVESTIGATION DES TROUBLES DU CALCUL B. HERMANS

Rourke [4] est un des premiers à avoir tenté une classifica-tion sur la base de la localisaclassifica-tion hémisphérique. Il a mené plusieurs études comparatives entre des enfants présentant soit un trouble de calcul seul, soit un trouble de langage écrit seul, soit les deux associés. Ces enfants ont été testés à l’aide de l’échelle de Weschler. Les résultats montrent que les enfants présentant des difficultés en calcul ont une altération des habiletés visuo-spatiales, tandis que les enfants présentant des difficultés en langage écrit ont une altération des fonctions verbales. Les enfants présentant des difficultés dans les deux domaines ont une diminution des résultats tant dans les fonctions langagières que dans les fonctions visuo-spatiales. Les auteurs distinguent ainsi les dyscalculies verbales liées à un dysfonctionnement de l’hémisphère gauche et les dyscalculies visuo-spatiales liées à un dysfonctionnement de l’hémisphère droit.

D’autres auteurs se basent sur les descriptions des trou-bles chez l’adulte et présentent des classifications liées à la nature des erreurs rencontrées. Ainsi Badian [1] dis-tingue :

– l’acalculie développementale ou anarithmétie qui serait une incapacité à réaliser les opérations arithmétiques ; – l’acalculie spatiale ;

– l’alexie et l’agraphie pour les nombres ;

– la dyscalculie attentionnelle séquentielle qui serait le trouble le plus fréquent et le plus spécifique chez l’enfant avec des omissions de chiffres, des négligences de reports et des difficultés pour passer d’un type d’opérations à un autre.

Une classification similaire a été proposée par Temple [6]

qui se base sur des analyses de cas et distingue :

– une dyscalculie du traitement numérique avec difficultés au niveau du traitement des nombres et des symboles numériques ;

– une dyscalculie des faits arithmétiques avec des difficul-tés pour maîtriser les faits arithmétiques tant pour les tables que pour les additions et soustractions simples ; – une dyscalculie procédurale avec des difficultés à planifier et conduire la séquence ordonnée des opérations.

Ces classifications ont été critiquées car elles ne permettent pas de déterminer les facteurs qui sont à la base de ces types de dyscalculie.

À mon point de vue toutefois, ces classifications permet-tent de garder à l’esprit les facteurs auxquels il faut être attentif lorsqu’on analyse les causes de l’échec à un test pédagogique et permettent aussi d’orienter une rééduca-tion selon le type de dyscalculie mis en évidence : il est évi-dent qu’un trouble de dyscalculie spatiale ne se rééduquera pas de la même manière qu’une dyscalculie des faits arith-métiques.

Gaillard [2] a tenté d’illustrer la sémiologie des dyscalcu-lies par des présentations cliniques utilisant principalement le test Numérical. Selon lui, comprendre les troubles du calcul d’un enfant demande un diagnostic de ses procédu-res naturelles, de ses incompréhensions, de ses peurs et de ses routines inefficaces.

Dans le même ordre d’idées, je vais illustrer ici l’analyse du bilan pédagogique par 3 cas d’enfants de même niveau scolaire mais dont les troubles numériques se manifestent de façon très différente.

LE BILAN PÉDAGOGIQUE

Le test de Simonart [5] est l’échelle d’évaluation du niveau pédagogique la plus utilisée en Belgique actuellement. Il se compose de 4 échelles étalonnées de la 1reà la 6eprimaire : – Noël 1re primaire ;

– fin 1re primaire ; – fin 2e primaire ; – 3eà 6e primaire.

L’étalonnage a été effectué entre 1991 et 1997 sur un échantillon de 200 à 300 enfants selon les niveaux.

Pour le test Noël 1re primaire, on évalue quelques opéra-tions simples et le passage du concret à l’écrit et de l’écrit au concret.

Pour la fin 1reet la fin 2eprimaire, trois domaines sont tes-tés : la maîtrise des opérations, la résolution d’un pro-blème et les faits arithmétiques.

Pour la 3eà la 6eprimaire, le test comprend la résolution d’opérations (faisant également intervenir les fractions et les nombres décimaux mais aussi les mesures), la résolu-tion de problèmes et le calcul écrit.

PRÉSENTATION DE CAS

Pour illustrer l’analyse des erreurs dans les tests pédago-gique et les procédures très différentes mises en œuvre par les enfants pour résoudre une même opération, nous allons comparer les résultats de trois enfants testés au 3e trimestre de la 2e primaire avec la partie maîtrise des opérations des épreuves de Simonart pour la 2eprimaire.

L’analyse des erreurs et des procédures nous permet de formuler des hypothèses sur les types de dyscalculie pré-sentés par ces enfants.

Vincent

Vincent présente une dysharmonie intellectuelle dans le cadre d’une dyspraxie visuo-spatiale. Le QI évalué à la WISC-III montre des capacités verbales moyennes (QIV 91 - Indice de compréhension verbale 100) et des capacités de performance déficitaires (QIP 66).

Des troubles d’attention sont présents et traités par Rita-line.

Vincent a été adressé en logopédie pour des difficultés d’ap-prentissage globales en janvier de la 1reprimaire. La lecture a rapidement répondu positivement à la logopédie mais les difficultés scolaires en calcul restent importantes. Au moment du bilan, Vincent est en rééducation depuis un an.

Maxime

Maxime présente principalement des troubles d’attention et une impulsivité importante. Il n’est pas traité pour ses troubles d’attention.

Le QI évalué à la WISC-III est moyen et harmonique (QIV 102 - QIP 93).

Il est adressé pour bilan logopédique pour des difficultés en calcul vers le milieu de la 2eprimaire.

Jean

Jean a présenté un retard de langage pour lequel il a béné-ficié de logopédie pendant deux ans. Il est adressé vers le

B. HERMANS

milieu de la 2e primaire pour des difficultés en calcul et grande lenteur pour effectuer ses exercices.

Le QI évalué à la WISC est moyen sans dysharmonie significative mais avec un niveau légèrement plus faible pour les capacités verbales (QIV 92 - QIP 101). L’attention auditive est mauvaise, de même que l’apprentissage verbal et la mémoire séquentielle verbale.

Dyscalculie spatiale : Vincent

Au test de SIMONART (figure 1), Vincent obtient de bons résultats (15/24) surtout si on lui permet de corriger ses erreurs. Il ne peut toutefois pas résoudre le problème ni le repérage sur la droite graduée.

Pour les deux premières opérations, les erreurs sont des erreurs d’inattention qu’il corrige d’ailleurs très facilement.

Les deux erreurs suivantes sont liées à des erreurs au niveau des faits arithmétiques mais montrent par contre une bonne compréhension de la numération.

Le test de Vincent a été effectué après une année de réédu-cation. La compréhension des opérations et de la numéra-tion a été beaucoup travaillée et le niveau atteint dans ce domaine est maintenant correct. Vincent présente toutefois une dyspraxie visuo-spatiale qui le pénalise dès que les exercices font appel à l’espace. Ceci explique les difficultés pour la droite graduée et pour les calculs lacunaires ; il écrit 2 : 3 = 6 mais explique 6 partagé en 3 ça fait 2. Son erreur n’est pas liée à un problème de compréhension mais à des difficultés spatiales.

Des épreuves complémentaires du test NUMÉRICAL ont été effectuées et montrent aussi la composante principale du facteur spatial dans les troubles présentés (figure 2).

Les épreuves testant la représentation spatiale sont toutes échouées.

En 3e primaire, lors de l’apprentissage du calcul écrit, Vincent présente énormément de difficultés pour poser ses calculs.

Dyscalculie procédurale

et/ou dyscalculie attentionnelle : Maxime

Au même test de SIMONART, Maxime obtient les résul-tats les plus faibles (6/24).

Il commet énormément d’erreurs d’inattention (confusions de signes par exemple) mais aussi des erreurs au niveau des algorithmes.

La soustraction principalement n’est pas comprise : pour effectuer 11 – 4, Maxime effectue 11 – 1 – 4 = =6 ; pour effectuer 31 – 15, il fait 31 – 10 – 1 – 5 = 15 ; 68 – 30 = 68 – 3 – 0 = 65. Parfois les procédures sont amorcées mais pas menées à terme en raison du trouble d’attention : 16 + 42 = 16 + 2 + 10 = 28. Il comprend bien la droite graduée, mais commet une erreur d’inattention.

Alors que les résultats lors du 1ertest sont très mauvais, la rééducation évolue très rapidement et Maxime comble son retard après trois mois de logopédie. Des erreurs d’inattention persistent mais les procédures sont acquises.

Dyscalculie des faits arithmétiques : Jean

Jean (figure 4) obtient les meilleurs résultats (16/24) au Test de SIMONART et commet peu d’erreurs pour les additions et soustractions. Il se montre par contre très lent pour effectuer le test et ne peut résoudre les divisions. Ceci pourrait à première vue être interprété comme un simple

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MÉTHODES D’INVESTIGATION DES TROUBLES DU CALCUL

Figure 1. Test de SIMONART, Vincent-2eprimaire

Figure 2. Test NUMÉRICAL, Vincent-2eprimaire

retard pédagogique. Le niveau au test est d’ailleurs normal pour une fin de 2e primaire. Toutefois, lorsqu’on observe Jean, on constate que toutes les opérations sont effectuées avec support digital par comptage ou comptage à rebours de 1 en 1, ce qui explique la lenteur. Il ne parvient pas à résoudre les divisions car il ne sait pas comment s’aider concrètement.

Jean éprouve énormément de difficultés à mémoriser les faits arithmétiques tant pour les additions et soustractions que pour les tables de multiplication. La résolution de la droite graduée ne lui pose par contre pas de difficulté.

Chez Jean le calcul oral reste difficile et est entaché par la fixation insuffisante des faits arithmétiques.

Les difficultés spécifiques de Jean sont probablement à mettre en rapport avec ses antécédents de retard de lan-gage.

Dans son article « Sémiologie des dyscalculies », Gail-lard [2] constate que l’absence de fixation des faits arithmétiques est très courante dans les cas de retard de langage.

L’analyse des résultats met donc en évidence ici 3 enfants présentant des troubles très différents pour lesquels l’orientation thérapeutique est différente mais pour les-quels le pronostic aussi diffère. La rééducation de Maxime a progressé très vite : il a rattrapé son retard scolaire mais reste encore pénalisé par de très nombreuses erreurs d’inattention. Ses performances sont également fluctuantes selon son niveau d’attention.

Vincent gardera probablement le plus de difficultés tout au long de sa scolarité : en effet les troubles spatiaux continuent de perturber ses apprentissages tant en calcul écrit que dans le système métrique et la géométrie. Ces troubles ne sont pas liés directement au calcul et pénali-sent tout son apprentissage des mathématiques au sens plus large.

Jean possède un bon raisonnement mathématique mais reste pénalisé par ses difficultés de mémorisation des faits arithmétiques : les tables sont revues constamment à la maison mais ne sont pas fixées à long terme. Dans les clas-ses supérieures Jean pourra probablement bénéficier de l’utilisation de la calculette qui l’aidera fortement.

CONCLUSION

On fait actuellement souvent la distinction entre les tests de performance situant les résultats du sujet au sein de la distribution des résultats des sujets du même âge et les tests de compétences qui permettent de comprendre les troubles observés. Si les premiers sont souvent décriés, ils restent un outil de première ligne et comme le souligne Grégoire [3], les tests de performance constituent une information indispensable pour pouvoir apprécier les pos-sibilités adaptatives d’un enfant en milieu scolaire et nous évite de qualifier de pathologiques des performances imparfaites mais qui correspondent à ce qui est attendu à un niveau donné de la scolarité.

Comme on vient de le voir dans les cas illustrés, il suffit souvent ensuite de ne pas s’arrêter sur la réussite ou l’échec à un item mais d’analyser les procédures mises en œuvre par l’enfant pour obtenir des éléments de diagnos-tic. Ce diagnostic devra ensuite impérativement être pon-déré en fonction de l’existence ou non de troubles associés

B. HERMANS

Figure 4. Test de SIMONART, Jean-2eprimaire Figure 3. Test de SIMONART, Maxime-2eprimaire

car comme l’a montré Van Hout [7] par un relevé des recherches sur les troubles du calcul, le caractère isolé de la dyscalculie est rare. « Sauf exception, elles sont ment dépourvues de causes cognitives évidentes et rare-ment non insérables dans un tableau de troubles com-plexes, par exemple du langage ou des fonctions visuo-spatiales. »

RÉFÉRENCES

[1] Badian (N. A) : « Arithmetic and non verbal lear-ning », in Progress in Learning Disabilities (H. R. Myklebust), New York, Stratton, 5, 1983, p. 253-264.

[2] Gaillard (F.) : « La Sémiologie des dyscalculies », in L’État des connaissances, Paris, Signes Éditions.

[3] Grégoire (J.) : « Évaluer les troubles du calcul », in Troubles du calcul et dyscalculies chez l’enfant, Paris, Masson, 2001.

[4] Rourke (B. P) : « Arithmetic disabilities, specific and otherwise : A neuropsychological perspective »,Journal of Learning Disabilities, 26, 4, 1993, p. 214-226.

[5] Simonart (G.) : Tests pédagogiques de premier cycle primaire, Braine-le-Château, ATM, 1998.

[6] Temple (C. M.) : « Dyscalculies développementales : dissociations et parallèles »,ANAE,janvier 1995 - hors série.

[7] Van Hout (A.) :Troubles du calcul et dyscalculies chez l’enfant, Paris, Masson, 2001.

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