• Aucun résultat trouvé

3.4 - LES IMPLICATIONS DE L’INTERVENTION AUPRÈS DE PERSONNES EN SITUATION DE DIFFICULTÉS SOCIALES

3.4.1 - Mettre en place un atelier santé : les compétences des chargés de mission Les compétences qui ont été soulevées par les différentes personnes interrogées sont répertoriées dans la figure suivante.

3.4.1.1 - Des compétences générales et spécifiques

Pour certains chargés de mission, l’intervention auprès de personnes en situation de précarité ne demande pas de compétences spécifiques par rapport à l’intervention auprès d’autres populations. « Il n’y a pas de spécificité. On laisse les personnes s’exprimer, on est dans le respect… Je pense que c’est une posture générale d’éducateur pour la santé. ». Pour beaucoup d’autres, il existe certaines particularités, qui ne sont pas toujours facile à expliquer, desquelles on peut voir un aperçu dans la figure ci-dessus. Pour une professionnelle, « ça demande des savoirs-être de base, mais je ne sais pas trop comment expliquer… ». Pour certains, il n’y a pas forcément de compétences particulières, mais « il faut être encore plus vigilant aux règles d’animation de groupe, parce que tu te retrouves avec des gens qui ont des histoires de vie difficiles, qui a priori n’ont pas de bonnes conditions de vie. ».

3.4.1.2 - Prendre le temps

Pour plusieurs professionnels, l’intervention auprès des personnes en situation de précarité demande aussi de prendre plus le temps d’ « instaurer la confiance, d’apprivoiser, de créer le lien », mais aussi celui nécessaire aux personnes pour exprimer leurs besoins. En effet, il peut être difficile de cerner ce besoin car :

 Les demandes des encadrants se basent sur des éléments qu’ils peuvent observer dans la structure, mais qui ne correspondent pas toujours à la réalité des besoins des personnes ; « Il y a une non-demande et un non recours aux droits, par méconnaissance, par peur du regard

des autres, par mésestime d’eux-mêmes ». Les gens « n’évoquent pas la problématique santé d’eux-mêmes » ;

 Nous constatons que les personnes peuvent être influencées par le discours dominant sur la prévention dans la société. « La première chose que les gens disent, c’est ce qu’ils pensent qu’on a envie d’entendre. Le tabac, le sommeil, les 5 fruits et légumes par jour,… ».

3.4.1.3 - Favoriser la participation des personnes

Les professionnels soulignent donc l’importance de favoriser la participation des personnes, grâce à « des outils, des techniques, de la convivialité, des mises en situation,… ». Pour les séances des ateliers « Prendre soin de soi », il existe une douzaine de séances écrites pour huit séances réalisées : « on a une trame régulière sur trois ou quatre séances, après c’est un peu selon le groupe ». En Sarthe, la trame est aussi la même pour les premières séances, ensuite elles sont écrites au fur et à mesure, en fonction de ce qui se passe dans le groupe, avec toujours « en fil conducteur les quatre composantes de l’estime de soi. ». Dans les autres pôles, les séances sont écrites au fur et à mesure, en fonction des demandes et des thèmes que choisis par les personnes.

3.4.1.4 - S’adapter au jour le jour

Ce qui ressort beaucoup dans le discours de la plupart des personnes interrogées, c’est l’idée d’adaptabilité. Les professionnels doivent s’adapter au nombre de personnes variable, à « la demande le jour même », aux situations difficiles qui peuvent survenir. L’une d’entre elles explique : « C’est arrivé que des personnes arrivent en situation d’ébriété avancée. Qu’est ce qu’on fait ? Comment on se comporte ? Est-ce qu’on fait comme si on avait rien vu ? ».

3.4.1.5 - Des connaissances de terrain

Pour beaucoup de professionnels, la connaissance du public s’acquière plus sur le terrain, que de façon théorique. Il est d’autant plus difficile de définir des connaissances qui seraient indispensables à l’intervention auprès de personnes en situation de précarité tellement celle-ci recouvre des réalités différentes. Cela renforce encore l’importance de l’implication des encadrants dans les ateliers, comme on l’a vu dans les conditions d’implantation. « La théorie ne peut pas remplacer la rencontre avec les personnes. ». Pour autant, certains chargés de mission ont évoqué des pré-requis qui leur paraissent indispensables, comme par exemple connaitre le milieu de vie des personnes, les dispositifs existants, le réseau, etc. L’un d’eux donne l’exemple des interventions en milieu carcéral qui demande de connaître un minimum les procédures pénitentiaires.

3.4.2 - Des préoccupations plus importantes que la santé

3.4.2.1 - L’atelier arrive à un certain moment de la vie des personnes

Beaucoup de professionnels constatent que l’atelier n’arrive pas toujours au « bon moment de leur vie pour les personnes ». Ils sont donc très attentifs à respecter la place que les personnes souhaitent prendre pendant l’atelier : « Si on voit que la personne n’est pas disponible, on va pas trop la solliciter, creuser, chercher. » ; parce que « La personne n’est pas forcément disponible pour être dans ce qui se passe dans l’atelier, on va pas… Peut être qu’à la prochaine séance ce sera différent. ». Ils soulignent l’importance d’ « accueillir la personne là où elle en est ». Plusieurs chargés de mission ont exprimé qu’ils n’allaient pas « changer l’économie », ou « trouver du travail à tous le monde », et ont souligné l’importance d’être au plus près des préoccupations des gens, de ne pas être normatif, de ne pas essayer de convaincre. « Si c’est pas le moment, que la personne elle peut pas, elle peut pas. ».

3.4.2.2 - La santé n’est pas une fin en soi

Si « personne n’a comme priorité la santé », comme le rappelle un professionnel, les personnes en situation de précarité peuvent, d’autant plus, avoir d’autres priorités comme « le logement, le boulot, la garde des enfants,… », ce qui pose la question des conditions préalables à la santé. Un des bénéficiaires raconte : « Il y a vraiment des choses plus importantes que la santé. Si on a un problème physique, bon on va chez le médecin. Mais les problèmes qu’on a sur le chantier c’est pas ça. Les gens ont des problèmes et ne mangent plus, il y a des problèmes d’alcool aussi. Je pense que la santé mentale est vraiment plus importante que la santé physique. Pour se relancer dans le travail il faut commencer par se connaître soi et soi face aux autres. On peut pas dire que c’est de la santé en soi, mais moi je pense que ça aide quand même par la suite. ».

3.4.3 - Un besoin de partage entre professionnels

3.4.3.1 - Des questionnements pour les professionnels

Une chargée de mission explique qu’elle se « ré interroge toujours sur “c’est quoi le sens de ce que je fais avec eux ? A quoi ça sert ? ”. Ça te touche beaucoup humainement ». Lors d’un atelier, une personne a renvoyé à une chargée de mission qu’avec l’argent que coûte l’atelier, les participants auraient de quoi vivre pendant un mois. « Ca te renvoie à ton salaire. Quand tu rentres chez toi, c’est pas facile… », confie une chargée de mission. Plusieurs professionnels ont évoqué ces questionnements pouvant être soulevés par l’intervention en éducation pour la santé auprès de ces publics.

3.4.3.2 - Un souhait d’échanger en équipe

Les ateliers santé ne semblent pas, pour la majorité des professionnels, occuper une place particulière par rapport à leurs autres missions. Cependant, la plupart d’entre eux souhaiteraient pouvoir plus échanger avec leurs collègues : soit par rapport à des « questions éthiques » qui peuvent se poser ; soit par rapport à des « situations vécues, comme par exemple par rapport à des personnes que parlent de choses très personnelles dans le groupe. », qui peuvent mettre en difficulté les professionnels.

3.4.3.3 - Un désir de co-animation

La plupart des chargés de mission ont aussi exprimé leur désir de pouvoir co-animer les ateliers, avec un autre chargé de mission, même si cela est peu réalisable en pratique. Cela permet en effet :

D’ « avoir un retour sur sa pratique » ;

D’éviter plus facilement une attitude « normative » : « Je pense que la co-animation, ça protège un peu d’être trop force de proposition et de conseil. » ;

D’être plus vigilant à ce qui peut se jouer dans le groupe ;  D’analyser les situations difficiles, etc.

Ce recueil de données permet donc de dégager certaines conditions d’implantation et de mise en place des ateliers santé, ainsi que des compétences techniques et relationnelles des chargés de missions. Il est intéressant de confronter et de réinscrire certains résultats marquants dans un cadre conceptuel plus large.

DISCUSSION

1 - L’ATELIER SANTÉ - UNE INTERVENTION D’ÉDUCATION