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Chapitre I. Synthèse bibliographique

II. Les communautés microbiennes du sol

II.1. Implication des microorganismes dans le fonctionnement du sol

Les microorganismes sont impliqués de façon très importante dans le fonctionnement

biologique du sol notamment par leur implication dans les services écosystémiques fournis

par le sol. En effet ils occupent un rôle important dans les services de support en ce qui

concerne le recyclage des nutriments, la production primaire (par la formation de symbioses),

ou encore dans la structuration du sol. Ils occupent également un rôle important dans les

services de régulation en termes de régulation des maladies, mais aussi par leur capacité à

réguler les gaz à effet de serre et à dépolluer les sols contaminés.

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- La structuration du sol

Les bactéries et les champignons participent à la structuration du sol. Ils ont cependant

des rôles différents en termes de structuration et ne se retrouvent pas dans les mêmes

compartiments du sol. Les bactéries permettent la formation de micro-agrégats par la

sécrétion de substances polymériques extracellulaires telles que des exopolysaccharides, des

polypeptides et d’autres composés plus complexes (Roberson et al., 1995; Ashraf et al., 2013;

Six et al.,2002). Les champignons, quant à eux, vont structurer l’habitat sol par leur présence

dans les macro-agrégats et par l’action stabilisatrice de leur réseau mycélien, liant entre eux

les micro-agrégats formés par les bactéries (Figure I.5) (Tang et al., 2011; Rillig & Mummey,

2006).

Figure I.5. Schéma de l’agrégation hiérarchique du sol. Source : thèse F.Constancias, 2014.

- Le recyclage des nutriments

Les microorganismes varient par leurs sources énergétiques et leurs stratégies

adaptatives. En effet MacArthur & Wilson ont décrit en 1967 deux stratégies démographiques

adaptatives, r et K, afin de comprendre les aptitudes de développement des organismes. En

effet les microorganismes considérés comme stratèges r présentent un développement et une

reproduction très rapides, une bonne capacité de dispersion ce qui leur permet de coloniser

des milieux nouveaux et perturbés. On les retrouve donc fréquemment dans les milieux

« jeunes » très riches en nutriments. Les stratèges K quant à eux survivent grâce à leurs

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aptitudes compétitives qui leur permettent de survivre dans des niches plus spécialisées. Leur

développement est lent et dépend de la capacité du milieu. Ils sont retrouvés dans des milieux

évolués, stables, limités en nutriments.

Tous les microorganismes ne sont donc pas aussi efficaces pour recycler la matière

organique des sols, mais ils restent cependant à la base de la régulation des cycles

biogéochimiques (i.e. carbone, azote, phosphore, soufre) qui sont les processus de

transformation cyclique d’un élément ou d’un composé chimique entre les sols, les eaux et

l’atmosphère (Paul, 2014). En effet, certaines bactéries sont capables de dégrader des

substances insolubles d’origine végétale comme la cellulose, la lignine, de réduire les sulfates,

d’oxyder le soufre, de fixer l’azote atmosphérique et de produire des nitrates (Schwarz, 2001;

Béguin & Aubert, 1994; Zimmermann, 1990; Tuomela et al., 2000; Friedrich et al., 2005;

Cleveland et al., 1999). Les archaea sont également impliquées dans les cycles

biogéochimiques du carbone, de l’azote et du soufre (Leininger et al., 2006; Oline et al., 2006;

Buckley et al., 1998; Gattinger et al., 2007). Certains champignons saprotrophes se

nourrissent en décomposant la matière végétale morte (Eichlerová et al., 2015), ce qui permet

une nouvelle fois le recyclage de la matière organique végétale en matière minérale. De

manière générale, les champignons ont tendance à préférer une nourriture riche en carbone

comme la cellulose et la lignine (Baldrian & Valášková, 2008; Hammel, 1997), alors que les

bactéries préfèrent une nourriture riche en azote, comme les feuilles des plantes (Turbé et al.,

2010) et l’implication forte de cette composante microbienne dans la fixation de l’azote

atmosphérique, l’ammonification, la nitrification et la dénitrification n’est plus à démontrer

(Hayatsu et al., 2008). Les microorganismes, de par leur implication dans le recyclage des

nutriments du sol, vont également avoir un impact dans la régulation des gaz à effet de serre

(e.g. CO

2

, CH

4

, N

2

O, N

2

) ce qui est d’une importance majeure étant donné l’augmentation

constante de ces gaz dans l’atmosphère (Conrad, 1996; Singh et al., 2010; Smith et al., 2003).

- La production primaire végétale

Les communautés microbiennes, de par la dégradation des déchets animaux et

végétaux et le recyclage de ces nutriments, permettent d’apporter des éléments minéraux

nécessaires à la croissance des végétaux et donc à la production primaire agricole. De plus

certains microorganismes ont la capacité de développer des interactions biotiques et

notamment les symbioses avec les plantes tels que les champignons mycorhiziens (Allen et

al., 2003; Smith & Read, 2008) et les bactéries PGPR (Plant Growth Promoting

Rhizobacteria) (Rodriguez & Fraga, 1999; Mehnaz & Lazarovits 2006; Kaymak, 2011; van

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der Heijden et al., 2006; Cleveland et al., 1999), ce qui permet d’augmenter la mise à

disposition d’éléments nutritifs pour leur croissance et permet donc une amélioration de la

productivité agricole (Barrios, 2007).

- La régulation des maladies

Les microorganismes telluriques occupent un rôle important dans les services de

régulation rendus par les sols notamment en termes de maladies. En effet, certaines espèces

bactériennes et de champignons peuvent être pathogènes de l’Homme, des animaux et des

végétaux (Salmond, 1994; Berg et al., 2005; Bütten & Bonas, 2003; Selosse et al., 2015;

Alabouvette et al., 1993; Schmidt et al., 2013; Grandaubert et al., 2013). Cependant certaines

espèces peuvent également représenter une barrière de protection contre les maladies ou ces

organismes pathogènes (bactéries PGPR, Okon & Labandera-Gonzalez, 1994; champignons

mycorhiziens, Verbruggen et al., 2010; Qiu et al., 2012).

- La dépollution des sols contaminés

Les microorganismes peuvent permettre de dépolluer les sols contaminés par des

métaux lourds (http://www.brgm.fr/sites/default/files/enjeux_geosciences_16.pdf; Mougin et

al., 1996; Battaglia-Brunet et al., 2006) ou des composés organiques tels que les

hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et les pesticides (Bouchez et al., 1996;

Martin-Laurent et al., 2004; Mougin et al., 1994; Mougin et al., 2003; Merlin et al., 2014).

Cette capacité à dépolluer rentre dans le processus de bioremédiation qui désigne un ensemble

de techniques utilisées pour dépolluer un site naturel en faisant appels à des organismes tels

que les végétaux et les microorganismes et respectant l’environnement et la santé humaine

(http://pierre-armand-roger.fr/publications/pdf/198_bioremed.pdf). Garbisu & Alkorta (1999)

définissent la bioremédiation comme un processus par lequel les organismes vivants

dégradent ou transforment les contaminants organiques dangereux en composés inorganiques

comme le CO

2

, l’H

2

O, et le NO

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. C’est le cas de la dégradation de certains HAP dont l’étude

est en plein développement en raison de leur génotoxicité et leur présence persistante dans de

nombreux sites industriels abandonnés. Les organismes dégradants sont essentiellement les

bactéries et les champignons. Les bactéries telles que Pseudomonas aeruginosa,

Mycobacterium spp., Rhodococcus spp., et les champignons lignolytiques tels que

Phanerochaetechrysosporium, Bjerkandera adusta, et Pleurotus ostreatus attaquent les HAP

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biodégradations, pour être effectives, nécessitent l'action conjuguée de plusieurs

microorganismes. C’est notamment le cas pour la dégradation de l’Atrazine, substance qui

présente un effet herbicide (Martin-Laurent et al., 2004). Les symbioses sont également très

importantes dans ces processus de dépollution (e.g. bactéries PGPR, champignons

mycorhiziens) (De Maria et al., 2011; Allen et al., 2003). Dans certains cas la

décontamination est spontanée, dans d’autres cas une inoculation avec des souches

spécialisées est nécessaire afin d’augmenter la biodégradation ou la biotransformation des

polluants. Toutefois, dans la plupart des cas ce sont quand même les organismes indigènes,

déjà présents dans les sols contaminés, qui sont les plus adaptés à la décontamination

(Bouchez et al., 1996).

Les microorganismes sont très impactés par les pollutions chimiques, certains vont

disparaître alors que d’autres présentant des mécanismes de résistance peuvent proliférer (Del

Val et al., 1999; Giller et al., 2009; Gómez-Sagasti et al., 2012). Le même schéma est observé

concernant les communautés microbiennes impactées par les pollutions métalliques par les

Eléments Traces Métalliques (ETM) (Ranjard et al., 2006; Giller et al., 1998; Nannipieri et

al., 2003; Kandeler et al., 1996). De par leur plasticité métabolique, certains microorganismes

telluriques permettent une phytostabilisation des polluants par association avec des plantes

(Epelde et al., 2014; Gadd, 2010). D’autres interviennent dans la dégradation et

l’immobilisation de ces polluants, soit par association avec une plante hyperaccumulatrice

(champignons mycorhiziens et bactéries endophytes) (Miransari, 2011; Rajkumar et al.,

2009), soit par accumulation et biosorption (Brandl & Faramarzi, 2006; Gadd, 2010;

Nakajima & Sakaguchi, 1986; Mulaba-Bafubiandi et al., 2009). Cette amélioration du statut

du sol est d’une importance primaire car en plus d'affecter défavorablement la croissance des

plantes, les métaux lourds ont des effets défavorables sur l'environnement, affectant la santé

de l'écosystème et la chaîne alimentaire humaine.