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Impacts sanitaires de l’utilisation d’une e-cigarette en milieu clos

III. Les voies d’entrées : le vapotage

2. Impacts sanitaires de l’utilisation d’une e-cigarette en milieu clos

A quel point l’utilisation d’une cigarette électronique impacte-t-elle la santé de son entourage ? Comme on parle de tabagisme passif, il est légitime de se poser la question de l’existence ou non d’un vapotage passif. Cependant, une première grande différence existe entre ces deux processus : le tabagisme passif est dû à plus de 80% à la fumée qui se dégage suite à la combustion simple d’une cigarette allumée (« au repos »), et que très peu à la fumée que dégage le consommateur lui-même. Ce « side stream »16 n’existe pas pour la cigarette électronique. Celle-ci n’émet une vapeur uniquement lorsque l’utilisateur le décide et enclenche son utilisation. Le vapotage passif sera donc, en termes d’intensité et de volume dégagé, beaucoup plus léger qu’un tabagisme passif. Ce n’est pas pour autant qu’il faut le négliger : doit-on autoriser l’utilisation des cigarettes électroniques dans les lieux publics, et surtout les lieux clos ? Est-ce que cela constitue un risque réel pour les populations plus sensibles comme les femmes enceintes et les enfants ?

Pour répondre à ces questions, des chercheurs se sont intéressés par exemple à la numération sanguine des sujets exposés à des vapeurs de cigarette électronique [51]. On sait que la cigarette classique provoque une augmentation des globules blancs dans le sang (lymphocytes et granulocytes) lors du tabagisme passif. Il s’est avéré qu’il n’en était rien pour

58 l’e-cigarette, apparemment le vapotage passif n’affecte en rien la numération sanguine des personnes exposées aux vapeurs.

Certaines études nous montrent que les exhalations de vapeur contiennent environ huit fois moins de nicotine que la fumée d’une cigarette classique [18]. Nous avons vu que ce n’était pas toujours le cas puisque ces résultats sont toujours à mettre en relation avec les liquides utilisés et la manière de vapoter de chacun.

D’autres études se sont intéressées aux foyers des fumeurs comparés à ceux des vapoteurs : l’air ambiant des maisons des vapoteurs contient six fois moins de nicotine que l’air des maisons des fumeurs. De même les résidus de nicotine qu’on peut retrouver en surface sont négligeables dans les maisons de vapoteurs : les niveaux sont 169 fois plus faibles que ceux retrouvés chez les fumeurs [18].

Les taux de cotinine retrouvés dans la salive et les urines des partenaires de vapoteurs réguliers sont de l’ordre de 0,19ng/ml (salive) et de 1,75ng/ml (urines) soit 1000 fois moins qu’un fumeur classique, et ces taux seraient équivalents à ceux retrouvés chez une personne qui aurait mangé une tomate… [18].

Colard et al. ont présenté en 2015 un modèle pour estimer l’exposition sur un lieu de travail d’un non-utilisateur évoluant dans le même bureau qu’un vapoteur [50]. Ils ont pris en compte et fait varier plusieurs critères : la distance entre les deux protagonistes, la vitesse de propagation de l’aérosol, sa vitesse de sédimentation, le taux de renouvellement de l’air dans la pièce (ventilation efficace ou non), et ont extrapolé les résultats sur une journée de travail de 8h, avec une pause déjeuner d’une heure, et un vapoteur utilisant son e-cigarette toutes les 5 minutes. Ils ont logiquement constaté que la concentration en nicotine de l’aérosol arrivant jusqu’au « spectateur » est proportionnelle à la concentration en nicotine expirée par le vapoteur, et qu’elle diminue lorsque la distance entre les 2 augmentent et que le renouvellement de l’air est plus efficace (équivalent à 1,2 ou 3 renouvellements totaux de l’air/heure). Dans leur scénario, ils ont considéré que le vapoteur inhale 60µg de nicotine par bouffée (quantité volontairement surestimée) et que le taux de rétention de nicotine par le vapoteur était de 50%, c’est-à-dire que 30µg de nicotine se retrouve dans l’air ambiant à chaque bouffée. Ils ont alors calculé que sur une journée, l’exposition du spectateur à la nicotine sur la journée est de 1,8µg/m³, et potentiellement il absorberait 4 à 8µg de nicotine/jour. Alors que l’utilisateur en aura absorbé jusqu’à 1527 fois plus, de l’ordre de 6000µg.

Pour comparaison, les limites d’exposition anglaises à la nicotine sur un lieu de travail sur une journée de 8h est de 500µg/m³. Les quantités retrouvées selon cette modélisation ne seraient

donc pas préoccupantes pour la santé des sujets exposés aux vapeurs d’e-cigarette, pour ce qui est de la nicotine. D’après les données, ce modèle se rapproche assez fidèlement d’une utilisation réelle, et il serait alors intéressant de l’utiliser pour déterminer l’exposition aux toxiques, comme par exemple le formaldéhyde.

Le vapotage passif serait donc réel mais faible. L’exposition des sujets exposés aux toxiques comme les composés carbonylés ne serait pas un sujet de préoccupation, surtout si on compare cela au tabagisme passif. Pour autant nous avons vu que les particules fines et les métaux se retrouvent aussi dans l’air ambiant, ce qui théoriquement peut entraîner des conséquences sanitaires, idem pour la nicotine. Pour cette raison, et par mesure de précaution, le vapotage devrait aussi être interdit dans les lieux publics fermés et sur les lieux de travail. Le plan anti-tabac va normalement permettre la mise en place de certaines de ces limitations.

Certains lieux, comme les bars, ont déjà pris cette précaution depuis quelques années. C’est le cas aussi de certaines communes comme celle de St-Lô qui a généralisé cette interdiction dans tous les lieux publics [52]. Le maire de St-Lô avance le fait que « la cigarette électronique n’est pas neutre dans l’environnement immédiat, avec ce que ça dégage comme odeur et un peu de fumée : on peut incommoder des personnes ». Cette décision intervient après plusieurs plaintes de non-fumeurs incommodés par des vapoteurs à la bibliothèque municipale. Car c’est aussi ça, le vapotage passif.

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