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Il aurait été intéressant de comparer les activités et les performances réalisées par UpCycle à une

entreprise de production industrielle de cham- pignons, mais la filière champignons en France étant assez diffuse, il est difficile de trouver des chiffres fiables et représentatifs.

Il est possible d’évaluer les impacts positifs d’une telle innovation en nous intéressant aux trois piliers du développement durable :

Économique

De par le concept d’économie circulaire qu’elle exerce et souhaite promouvoir, l’entreprise UpCycle et plus généralement l’activité inno- vante de production de champignons sur marc de café, contribue au développement du tissu économique et industriel local. En effet, l’éco- nomie circulaire permet une coopération entre les acteurs d’un même territoire, où les déchets des uns deviennent les ressources des autres. Ici, les déchets des entreprises de machines à café auto- matiques deviennent les ressources d’UpCycle, dont les déchets deviennent les ressources des agriculteurs urbains et péri-urbains et les denrées alimentaires des consommateurs urbains.

Social

Socialement, UpCycle propose un fonctionnement particulier basé sur l’économie solidaire en embau- chant 10 à 15 personnes en situation d’extrême fragilité. L’impact d’UpCycle sur les travailleurs est plus que positif, les dirigeants remarquant une réelle fierté et une estime de soi améliorée. Même s’il n’a pas été possible de trouver de chiffres précis sur la main d’œuvre embauchée dans une entre- prise de production de champignons classique, UpCycle semble plus contribuer à la lutte contre la pauvreté et l’isolement social.

UpCycle participe aussi à la reconnexion du lien social entre villes et campagnes grâce à la vente de kit de culture maison plaçant le consommateur dans le rôle du producteur.

UpCycle souhaite en outre s’inscrire dans une optique d’accès à une alimentation de qualité pour tous. Pour cela, ils fixent des prix accessibles et souhaitent s’implanter plus dans les épiceries et supermarchés, afin que ce produit ne soit pas réservé à une certaine tranche de la population.

Environnemental

UpCycle s’inscrit dans une volonté de diminu- tion de la pression sur les ressources naturelles. Premièrement, en produisant des denrées

alimentaires grâce à des ressources considérées comme des déchets (économie circulaire). L’impact d’un tel concept s’avère être immense : on estime qu’au Royaume-Uni, 7 millions de tonnes de CO2

par an ne sont pas rejetées dans l’atmosphère grâce à une exploitation des ressources naturelles évitée (Durante, 2014). Dans un deuxième temps, la proximité du lieu de production et de consom- mation permet de limiter les distances parcou- rues et donc l’utilisation de ressources fossiles (fructification, commercialisation et distribution du substrat épuisé à Rungis, marc de café récu- péré lors de la tournée quotidienne des employés partenaires, vente en Île-de-France, provenance des composants), diminuant ainsi la pression sur ces ressources naturelles non renouvelables.

Ensuite, la production et la consommation de champignons, riches en acides aminés essentiels (Azema, 2013), pourraient s’inscrire dans la dimi- nution de consommation de protéines d’origine animale. Ils ne pourront bien sur pas substituer cet apport indispensable, mais au moins le compléter en le diminuant. Il est en effet avéré que, les animaux d’élevage ayant besoin d’une grande quantité de protéines végétales et de produits végétaux plus généralement pour produire les protéines animales que nous consommons, la consommation actuelle de protéines animales ne sera pas possible en 2050 (FAO, 2011).

Enfin, le choix d’UpCycle de réaliser l’étape d’incubation en conteneurs s’inscrit dans une volonté d’utilisation optimale de l’espace, très convoité en zone urbaine.

Limites

Quelques limites peuvent néanmoins être émises concernant cette activité innovante et sa durabilité.

De par la volonté d’UpCycle de s’inscrire dans une optique de production industrielle, c’est- à-dire en grandes quantités, certaines conces- sions, sur le plan environnemental notamment, se posent. Il s’agit principalement de la consomma- tion d’énergie et de l’utilisation de matériaux non recyclables. En effet, ce sont des énergies fossiles qui sont utilisées lors des différents transports nécessaires entre les ateliers de la chaine de production, même si assez limités. En outre, la culture en containers nécessite des aménage- ments spécifiques et une consommation énergé- tique élevée pour maintenir les conditions opti- males de culture. Nous pouvons en outre nous

interroger sur l’utilisation et le recyclage de la grande quantité de plastiques utilisés pour consti- tuer les sacs de culture.

La deuxième limite concerne la ressource prin- cipale : le marc de café. Il s’agit d’une ressource qui est directement dépendante de la consomma- tion de café, variable non contrôlable. Un manque de cette ressource pourrait alors survenir à tout moment et il faudrait réagir rapidement pour trouver une autre source et ainsi continuer la production.

Une troisième limite apparaît sur la pertinence de cultiver des champignons dans un contexte d’insécurité alimentaire. Malgré ses apports nutri- tionnels intéressants, le champignon ne permet qu’un pauvre apport calorique (Gret & Tool, 1993). Nous pouvons alors nous interroger sur l’utilité réelle de ce concept sur l’insécurité alimentaire en tant que telle.

Et, pour finir, les lieux de vente actuels des pleu- rotes à destination des particuliers semblent en décalage avec le message que la société souhaite faire passer. En effet, ils ne sont vendus actuel- lement que dans des épiceries assez spécialisées ou via des réseaux de circuits court, connus pour être malgré eux socialement sélectifs, les caté- gories socioprofessionnelles supérieures y étant surreprésentées (Chiffoleau & Prévost, 2012). La volonté d’UpCycle de permettre un « accès à tous » à ses produits semble alors pour le moment contestable.

Pour conclure, il pourrait être intéressant de voir si UpCycle répond bien aux trois problématiques énoncées au début de ce texte face à l’urbanisation massive à laquelle nous assistons. Dans un premier temps, la société participe bien à la lutte contre la pauvreté urbaine en employant des personnes exclues du système de l’emploi en ville. Dans un second temps, elle contribue à une amélioration de la sécurité alimentaire en ville, grâce à une produc- tion continue de denrées alimentaires saines et nutritives toute l’année, sur un espace restreint, et avec très peu d’intermédiaires. Néanmoins, l’accès à ces denrées pour tous reste à améliorer, et l’ali- ment champignon ne pourra pas substituer la viande. Enfin, la pression sur les ressources natu- relles est bien moindre puisque les ressources alimentaires sont produites à l’aide de déchets et les transports sont limités. Néanmoins, nous pouvons nous interroger sur l’utilisation d’énergie et de matériaux non recyclés.

JOURNÉE DES INNOVATIONS POUR UNE ALIMENTATION DURABLE

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DES CHAMPIGNONS PARTOUT