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– Impacts du droit de l’environnement sur les entreprises

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 26-31)

Les entreprises doivent dorénavant prendre en compte la donnée environnementale. A côté de la mise en place de démarches volontaires à cet effet (§1), elles se trouvent confrontées à de véritables contraintes légales (§2).

§1. – Les démarches volontaires des entreprises en faveur de l’environnement

21. RSE. - La notion de Responsabilité sociale et environnementale a fait son apparition en France au cours des années 2000 sous l’influence des institutions communautaires. En 2001, la Commission Européenne publie le « Livre vert- promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises ». Dans une communication du 25 octobre 2011, la Commission définit cette notion comme « la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société et comme un processus destiné à intégrer les préoccupations en matière sociale, environnementale, éthique, de droits de l’Homme et de consommateurs dans leurs activités commerciales et leur stratégie de base (mené) en collaboration étroite avec leurs parties prenantes (tout en) respectant la législation en vigueur et les conventions collectives conclues entre partenaires sociaux »110. Dans deux résolutions en date du 6 février 2013, le Parlement européen considère qu’elle doit permettre de relancer l’économie, et ce parallèlement à une approche sociale de celle-ci111. Concrètement, il s’agit pour une entreprise       

110 Communication Comm. CE, Responsabilité sociale des entreprises : une nouvelle stratégie de l'UE pour la période 2011-2014, 25 oct. 2010.

111 C. MALECKI, L’irrésistible montée en puissance de la RSE : les impulsions européennes et françaises de l’année 2013, Bull. Joly sociétés 2013, n°19 ; F.-G. TREBULLE, Le paquet « entreprises responsables », Dalloz 2012, p. 144.

de prendre des engagements en faveur de la protection des droits sociaux et environnementaux112. Plusieurs autres normes internationales visent ce concept tel que le

« Global compact » des Nations Unies lancé en 2000, les principes directeurs de l’OCDE pour les entreprises multinationales ou encore, ceux des Nations Unies sur les droits de l’Homme et les entreprises. D’un point de vue pratique, la mise en place de ce concept se traduit par des engagements volontaires de la part des entreprises, à l’image des Chartes ou Codes environnementaux.113

22. Soft law. – Pour l’entreprise, le but est d’organiser, dans le cadre de son activité économique, sa politique de préservation de l’environnement à l’égard de ses parties prenantes. Si le principal avantage de la démarche est de permettre de limiter son empreinte écologique, elle peut aussi valoriser son image, en lui attirant une nouvelle clientèle ou en redorant sa réputation. Une entreprise peut également rechercher l’obtention d’un éco-label.

Créée par des organismes professionnels, la certification est décernée à un produit répondant à des critères prédéfinis. Pareillement, l’entreprise peut faire le choix de mettre en place des mesures de gestion et d’organisation reconnaissables et vérifiables à travers les normes ISO114. Deux séries intéressent le domaine de la protection de l’environnement : ISO 14000 relative au management environnemental et ISO 26000 relative à la responsabilité sociétale des entreprises. Cette dernière, contrairement à la série 14 000, n’ouvre pas droit à certification, mais donne uniquement des lignes directrices115.

Ces éléments participent de la prévention des atteintes aux droits fondamentaux, en ce compris l’environnement. Le Conseil d’Etat considère même que ces mécanismes peuvent constituer une nouvelle source de droit116. Néanmoins, il ne s’agit que de démarches volontaires, dépourvues généralement de valeur contractuelle, donc de force contraignante.

Dans l’hypothèse où l’entreprise rencontrerait des difficultés financières, ces éléments ne sont pas de nature à avoir une quelconque influence sur son sort. Il en va différemment des obligations légales mises à sa charge.

      

112 S. ROBIN-OLIVIER, R. BEAUCHARD et D. DE LA GARDERIE, Responsabilité sociale de l’entreprise, Rev. Trav. 2011, p. 395 ; G. BESSE, A qui profite la RSE ?, Droit social 2005, p. 991.

113 P. DEUMIER, La responsabilité sociétale de l’entreprise et les droits fondamentaux, Dalloz 2013, p. 1564 ; I. DESBARAT, Alertes, codes et chartes éthiques à l'épreuve du droit français, Dalloz 2010, p. 548.

114 P. DEUMIER, op. cit.

115 Voir notamment : F. LARONZE, La norme ISO 26000, une source de droit en matière sociale ?, Droit social 2013, p. 345.

116 Rapport annuel du Conseil d’Etat, Le droit souple, 2013, p. 5.

§2. – L’existence de contraintes légales

23. Informations renforcées. – En dehors du droit de l’environnement proprement dit, le législateur intervient régulièrement pour contraindre les entreprises à se préoccuper d’écologie. Ainsi, depuis la loi n°2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, dite loi « NRE », l’article L. 225-102-1 oblige les sociétés cotées présentes sur un marché réglementé à rendre compte dans le rapport annuel de leur gestion sociale et environnementale dans le rapport annuel. A la suite du « Grenelle de l’environnement », lequel avait associé les entreprises aux discussions, cette obligation a été étendue aux sociétés non cotées, dépassant certains seuils117. Le rapport doit désormais indiquer les actions menées et les orientations prises par la société, mais également ses filiales ou les sociétés qu’elle contrôle, pour prendre en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité et remplir ses engagements sociétaux en faveur du développement durable. L’article R. 225-105 du Code de commerce précise les informations qui doivent être données. Ces informations sont vérifiées par un organisme tiers indépendant, donnant lieu à un avis transmis à l’assemblée des actionnaires ou des associés en même temps que le rapport du conseil d’administration ou du directoire. En cas de non-respect des obligations de divulgation, toute personne peut demander au président du tribunal statuant en référé d’enjoindre sous astreinte la communication de ces informations. La responsabilité civile des dirigeants pourrait être engagée, ainsi que celle du commissaire aux comptes qui aurait manqué à ses devoirs. Ainsi, de telles obligations contribuent à prévenir les atteintes à l’environnement en obligeant les entreprises à analyser en amont les risques inhérents à leur activité. Plus largement, la législation environnementale exerce une importante contrainte sur les entreprises à travers la réglementation des activités industrielles.

23. Réglementation des activités. – Si le droit de l’environnement semble être un droit relativement jeune, les premières règlementations des activités industrielles remontent au XIXe siècle. En ce sens, le décret impérial du 15 octobre 1810 et l’ordonnance du 15 janvier 1815 subordonnaient l’exploitation des manufactures et ateliers insalubres, incommodes et dangereux à une autorisation préalable118. Il s’agissait de l’ancêtre de la réglementation sur les       

117 B. ROLLAND, Le reporting social, sociétal et environnemental : regards critiques, Bull. Joly sociétés 2014, n°4.

118 M. MOLINER-DUBOST, op. cit., n°33 ; M. PRIEUR, op. cit., n°778 ; J. MAKOWIAK, L’évolution du droit des installations classées pour la protection de l’environnement : entre tentation du libéralisme et renforcement des contraintes, JCP A 2013, n°4.

installations classées. La loi n°76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement a instauré une nomenclature destinée à recenser les activités susceptibles de « présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique »119. Trois régimes sont prévus en fonction des risques susceptibles de se réaliser. Lorsque ceux-ci sont importants et méritent des mesures spécifiques, l’exploitant doit solliciter une autorisation préalable120. Lorsque les risques sont minimes, l’exploitation est simplement soumise à déclaration121. Entre les deux, un régime intermédiaire a été mis en place : l’enregistrement122. Dès lors que l’activité figure dans la nomenclature, l’exploitant se trouve soumis aux obligations qui en découlent tout au long du cycle d’exploitation. Il doit respecter en permanence les mesures prescrites. Le but est d’agir sur l’ensemble des activités qui génèrent des nuisances, par le biais d’un contrôle. Si le régime des installations classées constitue le régime le plus connu, d’autres types de polices environnementales existent, avec un champ d’application plus ou moins important.

Ainsi, des règles spéciales sont applicables à tout producteur ou détenteur de déchets123. De même, l’article L. 160-1 du Code de l’environnement impose à tout exploitant de prévenir ou de réparer les dommages causés à l’environnement par son activité.

L’exploitant s’entend ici « de toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui exerce ou contrôle effectivement, à titre professionnel, une activité économique lucrative ou non lucrative »124. Tous ces régimes comportent des mesures propres à leur domaine d’action.

Néanmoins, les articles L. 171-1 et suivants instaurent des mesures de contrôles et de sanctions communes à l’ensemble des activités réglementées. Il peut s’agir d’un simple droit de contrôle des installations comme de la possibilité pour les autorités compétentes de suspendre l’exploitation125. Au final, ces considérations peuvent peser lourdement sur les entreprises, d’autant plus lorsqu’elles sont victimes de difficultés financières.

      

119 L. n°76-663 du 19 juillet 1976, art. 1er ; C. env., art. L. 511-1.

120 C. env., art. L. 181-1 et C. env., art. L. 512-1.

121 C. env., art. L. 512-8.

122 C. env., art. L. 512-7.

123 C. env., art. L. 541-2.

124 C. env., art. L. 160-1, al. 2.

125 L’ensemble de ces éléments fera l’objet de plusieurs développements.

24. Confrontation. – Si le droit de l’environnement et le droit des entreprises en difficultés s’inscrivent chacun dans un ordre public différent, leur confrontation est inéluctable. Les obligations mises à la charge d’une entreprise in bonis ne s’éteignent pas du seul fait qu’elles rencontrent des difficultés de trésorerie. Cependant, dans ces circonstances, la protection de l’environnement n’est pas la priorité du débiteur, qui cherche avant tout à sauvegarder son outil de production. Le risque est donc grand que le milieu naturel soit sacrifié sur l’autel des enjeux économiques. Encore récemment, le professeur Voinot s’interrogeait sur le point de savoir si la dépollution des sites constituait un nouvel objectif du droit des entreprises en difficulté126. Cette réflexion fait suite à un précédent constat déjà dressé en 2001, selon lequel

« l’intégration technique de la créance environnementale au sein de la procédure collective soulève des difficultés pratiques qui montrent les limites du droit positif en ce domaine »127. En l’année 2000, messieurs Lubek et Hugon, alors chargés de dresser un rapport sur le dispositif juridique et financier relatif aux sites et sols pollués, invitaient à clarifier le statut des passifs environnementaux dans le cadre des procédures collectives128. Ce travail est d’autant plus nécessaire que la protection de l’environnement trône désormais au sommet de la hiérarchie des normes et des valeurs de notre société. L’intérêt de tous les hommes de vivre dans un environnement sain ne dépasse-t-il pas la somme des intérêts particuliers en jeu lors du traitement judiciaire des difficultés des entreprises ? Le principe pollueur-payeur impose d’imputer la réparation des atteintes environnementales à la personne du responsable. Or, les coûts générés par ce type de créance vont amener à sacrifier les intérêts de nombreux créanciers, au premier rang duquel les salariés. C’est pourquoi l’enjeu, dans un premier temps, est de déterminer si, à l’épreuve du droit des entreprises en difficultés, le paiement de la créance environnementale peut intervenir (Partie I). Dans un second temps, l’analyse montrera qu’en raison de ses caractéristiques particulières, la créance environnementale représente aussi un élément perturbateur du droit des entreprises en difficulté (Partie II).

      

126 D. VOINOT, La dépollution des sites : nouvel objectif du droit des entreprises en difficulté ?, Rev. Proc.

coll., 2017, n°4.

127 D. VOINOT, Le sort des créances dans la procédure collective : l’exemple de la créance environnementale, RTD Com. 2001, p. 581.

128 J.-P. HUGON et P. LUBEK, Rapport d’expertise et de propositions sur le dispositif juridique et financier relatif aux sites et sols pollués, Dir. Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, avril 2000, p. 8.

Partie I - La recherche du paiement de la créance environnementale à l’épreuve du droit

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