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Impacts du changement d’usage des terres sur les émissions de GES

Chapitre I Introduction générale et problématique

B.2 Impacts du changement d’usage des terres sur les émissions de GES

Pour le carbone, la destruction des forêts a deux conséquences : une libération du carbone stocké sous forme de biomasse et la diminution du stockage potentiel. Les incendies provoqués par les techniques d’abattis-brûlis appauvrissent les sols de leurs nutriments essentiels, compromettant la durabilité agricole à l'échelle locale (Sommer et al., 2004). Ces incendies contribuent également à la libération dans l'atmosphère de quantités considérables d’aérosols et de GES à l'échelle mondiale. En effet, plus de 20% de l'augmentation de la concentration de CO2 atmosphérique provient du changement d’usages des terres, majoritairement de la déforestation et de la combustion de la biomasse associée, et de façon plus minoritaire, de l'évolution des pratiques agricoles (Denman et al., 2007). Au Brésil, le changement d’usage des terres et le développement de l’agriculture conventionnelle intensive ont impliqué une grande perte de la matière organique du sol présente sous végétation naturelle et une augmentation des flux de CO2 vers l’atmosphère (Cerri et al., 2007; Carvalho

et al., 2009a; Batlle-Bayer et al., 2010).

Les flux de CH4 sont principalement contrôlés par la teneur en eau du sol (Verchot et al., 2008). Ainsi, les sols forestiers d’Amérique centrale peuvent fonctionner comme un puits de CH4 atmosphérique, avec une efficacité plus élevée quand les sols sont relativement secs (Keller & Reiners, 1994). Cependant, après conversion en pâturages ou en plantations, les sols vont se mettre à produire du CH4, en particulier durant la saison des pluies (Pendall et al.,

Superficie (unité : milliers d’hectares)

Variation annuelle (unité : milliers d’hectares)

Taux de variation

annuelle (%)

1990 2000 2010 1990-2000 2000-2010 1990-2000 2000-2010

Totalité des forêts 8 188 8 118 8 082 -7 -4 -0,09 -0,04

Forêt primaire 8 006 7 816 7 690 -19 -13 -0,24 -0,16

% forêt primaire parmi

26 2010) et si leur capacité de drainage est faible (Keller & Reiners, 1994). Au Brésil, la conversion de la forêt du littoral Atlantique en pâturage, a entrainé une légère production de CH4 durant les mois d’hiver, et une diminution de la fonction de puits de CH4 durant les mois pluvieux d’été (do Carmo et al., 2012). De même, Yashiro et al. (2008) ont montré que l’exploitation forestière en Malaisie engendre une diminution de la consommation de CH4 par lessols, voir une production de CH4 par ceux-ci. Ces auteurs suggèrent que l'augmentation de la densité apparente du sol après l’abattage des arbres pourrait freiner la diffusivité du CH4 et de la disponibilité en O2 dans les sols, limitant la consommation de CH4 dans les forêts exploitées (Yashiro et al., 2008).

Concernant les émissions de monoxyde d’azote (NO), les études comparant des forêts (primaire et secondaire) à des pâturages, obtiennent des résultats divergents, les flux de NO étant les plus élevés pour les sols sous forêt primaire (Verchot et al., 1999) ou pour les sols de pâturages (Keller & Reiners, 1994).

L’exploitation des forêts tropicales humides peut provoquer une augmentation des émissions de N2O par les sols, pendant au moins un an après l’abattage des arbres, en raison d'une augmentation de la disponibilité en azote du sol (Yashiro et al., 2008). Des études conduites en Amazonie brésilienne (état du Rondônia), sur la conversion de la forêt en pâturage, ont souligné que les pâturages jeunes (maximum 3 ans après la conversion) étaient effectivement responsables d’émissions de N2O plus élevés que la forêt. Cependant, plusieurs années après la déforestation, plus de 3 ans (Melillo et al., 2001) ou plus de 6 ans (Neill et al., 2005), les flux de N2O ont tendance à diminuer, à mesure que la teneur en nitrates devient limitante dans les sols des pâturages, pour devenir inférieurs à ceux émis par la forêt. Sur la côte atlantique brésilienne, do Carmo et al. (2012) ont également mesuré des émissions de N2O plus faibles pour les sols d’une prairie non fertilisée, 40 ans après déforestation, en comparaison avec la forêt. Dans le même sens, l’étude menée parVerchot et al. (1999) (État du Pará) a révélé que le sol de la forêt primaire est le plus important émetteur de N2O (2,4 kg N ha-1 an-1) en comparaison à une forêt secondaire âgée de 20 ans (0,9 kg N ha-1 an-1), à un pâturage actif (0,3 kg N ha-1 an-1) et à un pâturage dégradé (0,1 kg N ha-1 an-1). Ainsi, plusieurs études (Keller & Reiners, 1994; Verchot et al., 1999; Davidson et al., 2000; Erickson et al., 2001) mettent en évidence des émissions de N2O plus faibles pour les sols des forêts secondaires et les pâturages, que pour les sols des forêts primaires. De ce fait, Neill et al. (2005) prévoyaient, à l’échelle du bassin étudié (Rondônia), une légère réduction des émissions de N2O, à condition que les pâturages extensifs continuent à être gérés d'une manière similaire aux pratiques actuelles. Toutefois, les auteurs soulignent le fait que les flux de N2O et NO sont

27 susceptibles d’augmenter parallèlement à une utilisation accrue d’engrais azotés ou à la mise en place de cultures fixatrices d'azote.

A l’opposé, Pendall et al. (2010) ont mis en évidence, au Panama, une augmentation des émissions de N2O par les sols de pâturages (âgés de plus de 50 ans) et de plantations, en comparaison à celles de la forêt. De même, Davidson et al. (2007) ont observé en Amazonie une augmentation des émissions de N2O avec l'âge de forêts secondaires mises en place après déprise agricole. Ces résultats peuvent être interprétés comme un rétablissement progressif de plusieurs processus du cycle de l’azote. L'augmentation des émissions de N2O pourrait résulter de l'émergence d'une espèce fixatrice d’azote dominante au cours de la succession forestière secondaire (Davidson et al., 2007).

L’étude de Galford et al. (2010) a estimé la dynamique future des émissions de CO2, CH4 et N2O en fonction du changement d’usage des terres dans la région du Mato Grosso (Brésil). Les résultats indiquent une émission nette de GES allant de 2,8 à 15,9 Pg équivalents CO2 pour la période 2006-2050. La déforestation est la plus importante source de gaz à effet de serre au cours de cette période, mais l’utilisation des terres après déforestation représente une part importante (24 à 49 %) du budget net de GES. Les auteurs concluent qu’éviter la déforestation reste la meilleure stratégie pour réduire les émissions futures de GES. Cette conclusion rejoint celle précédemment émise par Fearnside et al. (2009) qui voient dans l’arrêt de la déforestation en Amazonie un potentiel important pour atténuer le réchauffement climatique de la planète.

Néanmoins, vu les demandes énergétiques, alimentaires et minières mondiales, un arrêt total de la déforestation ne semble pas être réaliste actuellement. Il convient donc de gérer la déforestation et, dans le cas d’une mise en valeur agricole après déforestation, de rechercher des solutions minimisant les impacts sur l’environnement, en particulier celles limitant les émissions de GES.

B.3 Déforestation suivie de la mise en valeur agricole :

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