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Impact de la variable de mise à l’échelle

Chapitre IV – État des lieux et présentation de l’étude méthodologique

C. Impact de la variable de mise à l’échelle

1. Présentation du problème

Les études sur les discontinuités des distributions de résultat utilisent toujours une variable de résultat « réduite » (ou mise à l’échelle) par un indicateur de taille (dénominateur) : Valeur de Marché (VM), Actif Total (AT) ou Chiffre d’Affaires (CA)61.

a. La valeur de marché

La plupart des études (essentiellement anglo-saxonnes) utilisent la valeur de marché (VM) des capitaux propres pour mettre à l’échelle le résultat, la variation de résultat ou les prévisions (Burgstahler et Dichev, 1997 ; Kasznik et McNichols, 2002 ; Kinney, Burgstahler et Martin, 2002 ; Matsumoto, 2002 ; Burgstahler et Eames, 2003 ; Burgstahler, Elliott et Hanlon, 2003 ; Dechow, Richardson et Tuna, 2003 ; Holland et Ramsey, 2003 ; Phillips, Pincus et Rego, 2003 ; Payne et Thomas, 2004 ; Xue, 2004 ; Brown et Caylor, 2005 ; Shen et Chih, 2005 ; Burgstahler et Eames, 2006 ; Beaver,

McNichols et Nelson, 2007). De même, Durtschi et Easton (2005) réduisent le résultat par action par la valeur de marché de l’action62.

Ce choix de dénominateur est fortement remis en cause par Dechow, Richardson et Tuna (2003) qui soulignent que l’évaluation des entreprises faiblement déficitaires n’est pas faite selon la même méthode que celle des entreprises faiblement bénéficiaires. Les évaluations seraient plus orientées sur les valeurs liquidatives du bilan. C’est ce que confirment Durtschi et Easton (2005). Les auteurs en déduisent que mettre à l’échelle par la valeur de marché doit accentuer les mesures d’irrégularité.

Les auteurs utilisent VM(n-1), la valeur de marché du début de l’année, pour mettre le

résultat à l’échelle. En effet, VM(n-1) est un indicateur de taille indépendant de l’activité de

l’année, donc indépendant du résultat. Il est important que la variable de mise à l’échelle soit indépendante de la variable d’étude. Ce faisant, les études perdent mécaniquement la première année d’observation et augmentent très sensiblement le nombre de données manquantes puisque pour qu’une observation soit réalisée, il faut que les informations soient présentes deux années successives. Les entreprises qui entrent dans la cote (et donc dans la base de données) sont systématiquement exclues la première année. L’analyse empirique menée dans le chapitre VI évalue l’impact de cette transformation. Il est important de remarquer que, de manière générale, la taille du début d’année n’est pas nécessairement appropriée pour évaluer la taille d’une entreprise qui connait par exemple une très forte croissance. Ce point est développé dans la sous-partie suivante (à propos du total actif). Mais dans le cadre de la variable VM, la dimension prospective des évaluations faites par le marché permet de négliger ce problème.

Enfin, une autre transformation peut être proposée. Au lieu de prendre la valeur de marché de l’année précédente, il est envisageable de prendre (VM-IB63). Autrement dit, utiliser la valeur de marché de fin d’année à laquelle on soustrait le résultat annuel. Une telle transformation est étudiée dans le cas de la variable AT. Mais dans le cas de la variable VM, il n’y a pas de sens à retrancher le résultat de la valeur de marché de fin d’année dans la mesure où la valeur de marché n’est pas une donnée comptable, mais une évaluation réalisée par les investisseurs. Ceux-ci utilisent notamment les données comptables pour réaliser leur estimation, mais pas uniquement. Retrancher le résultat de la valeur de marché ne permet donc pas d’obtenir une valeur de marché corrigée qui

62 Degeorge, Patel et Zeckhauser, 1999 sont sans doute les seuls auteurs qui ne réduisent pas la variable résultat par

action par un indicateur de taille.

63 IB est l’abréviation retenue dans la thèse pour « résultat net » car elle correspond au nom de la variable « Income

serait celle établie par le marché si le résultat était nul. Le correctif qui est techniquement possible sur la valeur comptable qu’est l’actif total n’est pas approprié pour la valeur de marché.

b. L’actif total

Plusieurs auteurs (Bisson, Dumontier et Janin, 2004 ; Mard, 2004 ; Coppens et Peek, 2005) utilisent l’actif total (AT) comme dénominateur de « mise à l’échelle ». Le AT est une mesure comptable de la taille d’une entreprise, qui inclut le résultat. Il en découle donc que le numérateur et le dénominateur ne sont pas indépendants.

Pour isoler ces deux observations, plusieurs auteurs réduisent alors le résultat par l’actif total du début d’année, c'est-à-dire AT(n-1) dans la base (Kasznik, 1999 ; Payne et Robb,

2000 ; Bhattacharya, Daouk et Welker, 2003 ; Leuz, Nanda et Wysocki, 2003 ; Goncharov et Zimmermann, 2006 ; Petrovits, 2006 ; Roychowdhury, 2006 ; Shuto, 2008). Cependant, cette transformation pose deux problèmes méthodologiques :

(1) Puisqu’il utilise deux variables issues de deux exercices différents, ce dénominateur ne permet pas de calculer la distribution des résultats de la première année et réduit le nombre d’observations. De plus, la perte ne se limite pas à la première année, mais à la première année de chaque entreprise entrant dans la base. La description de la base menée dans le chapitre V évalue l’importance de ces données manquantes.

(2) Si une entreprise réalise de forts investissements durant l’année, l’indicateur de taille (actif total de l’année précédente) n’est plus pertinent pour mettre le résultat de l’année à l’échelle. Ce cas peut alors conduire à des valeurs extrêmes (résultat très important relativement au dénominateur). Une étude des cas extrêmes est donc menée dans le cadre de la description de la base de données (voir chapitre V) afin de mesurer l’impact de cette limite.

Pour limiter les effets indésirables de la réduction par l’actif total de l’année précédente, il est possible d’utiliser comme indicateur de taille la variable AT diminuée du montant du résultat de l’année en cours (IB). Aucun auteur n’utilise cette transformation. Pourtant elle a plusieurs avantages :

(1) Le dénominateur ainsi transformé est indépendant du dénominateur ; il n’inclut pas la variable étudiée comme c’est le cas si le résultat est divisé directement par la variable AT.

En cela, il répond à la préoccupation qui conduit à utiliser l’actif total de l’année précédente.

(2) Le principal avantage de ce ratio est d’utiliser des variables issues des états financiers de la même année. Cela diminue le nombre de données manquantes.

(3) Ce ratio réduit l’asymétrie de la distribution. En effet, il permet de tenir compte des variations d’investissement qui ont pu se produire durant l’année en cours et évite les cas extrêmes liés à l’utilisation d’un dénominateur fondé sur une structure financière obsolète. Ces cas peuvent sembler rares et l’analyse descriptive de la base menée dans le chapitre V permet de les identifier. Ils peuvent sembler négligeables dans la mesure où ils conduisent à des valeurs extrêmes du ratio (résultat important relativement au dénominateur) qui ne se situent donc pas à proximité du seuil résultat nul. L’impact de cette limite est donc négligeable dans le cadre de mesures non paramétriques qui ne s’intéressent qu’aux observations jouxtant le seuil. Il est cependant très important dans le cadre du travail mené dans la troisième partie de la thèse concernant la mesure paramétrique des irrégularités. Le Tableau 7 détaille cette analyse.

Tableau 7 : Comparaison des caractéristiques mathématiques des distributions des deux transformations de la variable AT utilisées comme indicateur de taille

Ratio IB / AT(-1) Ratio IB / (AT-IB)

La perte est extrêmement élevée par rapport au

montant des actifs (limite inférieure) Le ratio tend vers -∞ Le ratio tend vers -1 Le montant de la perte est (en valeur absolue) égal

au montant des actifs Le ratio est de l’ordre de -1 Le ratio est de l’ordre de -0,5 Le montant de la perte est (en valeur absolue) égal à

la moitié du montant des actifs Le ratio est de l’ordre de -0,5 Le ratio est de l’ordre de -0,33

R és u lta t n ég at

if Le montant de la perte est très faible (relativement

au montant des actifs) Le ratio tend vers -0 Le ratio tend vers -0 Le montant du bénéfice est très faible (relativement

au montant des actifs) Le ratio tend vers +0 Le ratio tend vers +0 Le montant du bénéfice est de l’ordre de la moitié du

montant des actifs Le ratio est de l’ordre de 0,5 Le ratio est de l’ordre de 1 Le montant du bénéfice est égal au montant des

actifs (limite supérieure) Le ratio tend vers 1 Le ratio tend vers +∞

R és u lta t p o sit

if Le montant du bénéfice est très supérieur au

montant des actifs64.

Le ratio peut aller (en théorie)

jusqu’à +∞ Ce cas est impossible.

La comparaison des deux ratios permet de constater que l’immense majorité des observations (partie centrale de la distribution) est relativement similaire (centrée autour

64 Ce cas correspond à une situation absurde qui n’est possible que parce que l’indicateur de taille n’est pas issu de la

même année que le résultat. Cette situation peut se produire si par exemple des investissements importants ont été réalisés lors de l’année étudiée.

de 0). L’étude du seuil résultat nul n’est donc pas fondamentalement différente selon les deux transformations.

En revanche, des différences notables peuvent être observées en ce qui concerne le traitement des valeurs extrêmes. Le ratio utilisant (AT-IB) fait techniquement disparaître les valeurs extrêmes négatives qui sont présentes en utilisant AT(-1) et qui peuvent

correspondre aux situations de grand bain comptable. À l’autre extrémité de la distribution, les valeurs extrêmes positives du ratio utilisant AT(-1) n’apparaissent pas en

utilisant (AT-IB). Ces valeurs sont d’ailleurs absurdes : un résultat supérieur à la valeur des actifs n’a pas de sens ; elle est cependant possible parce que les deux variables sont issues de deux années différentes et parce que les investissements réalisés au cours de l’année étudiée ne figurent pas dans les comptes de l’année précédente.

Le chapitre V, qui présente la base de données, passe en revue les valeurs extrêmes des deux ratios afin d’évaluer dans quelle mesure ceux-ci peuvent véritablement avoir un impact sur l’étude des seuils. Dans le chapitre VI, l’étude empirique est menée avec les deux ratios afin de les comparer.

c. Le chiffre d’affaires

Glaum, Lichtblau et Lindemann (2004) justifient l’utilisation du chiffre d’affaires (variable CA) comme dénominateur de « mise à l’échelle » par le fait que cette variable est moins susceptible d’être affectée par les caractéristiques des systèmes comptables nationaux que les autres variables (capitaux propres ou total actifs). Dans le cadre d’une étude internationale, ce choix peut sembler judicieux. Mais s’il est possible que la variable CA soit moins sensible aux caractéristiques des systèmes comptables, il peut l’être davantage aux caractéristiques sectorielles.

Par ailleurs, comme dans le cas de la variable AT et de la variable VM, il est légitime de se poser la question de l’utilité de transformer la variable ; faut-il utiliser CA(n-1) ou (CA-

IB) comme dénominateur ? Une transformation pourrait sembler à première vue d’autant plus utile que la part du résultat dans le chiffre d’affaires est généralement plus importante que dans l’actif total (2,1 % contre 0,6 % ; voir Tableau 8).

Tableau 8 : Comparaison de la part du résultat respectivement dans les variables AT, le CA et la VM 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 moyenne IB/AT 0.44% 0.21% 0.32% 0.19% 0.42% 0.75% 1.06% 1.11% 1.41% 0.25% -0.06% 0.76% 1.17% 0.62% IB/CA 1.57% 0.77% 1.14% 0.69% 1.54% 2.59% 3.50% 3.84% 4.37% 0.37% -0.20% 2.69% 3.99% 2.07% M o ye n n e an n u ell e IB/VM 3.11% 1.35% 2.72% 1.06% 3.12% 3.86% 4.09% 2.85% 4.75% 1.13% -0.40% 4.32% 6.17% 2.93% IB/AT 1.57% 1.21% 1.92% 1.74% 2.06% 2.60% 3.02% 3.24% 2.80% 2.14% 1.74% 1.71% 2.67% 2.19% IB/CA 2.41% 2.23% 3.20% 2.51% 3.01% 3.55% 4.06% 4.09% 3.64% 2.45% 2.05% 2.19% 3.20% 2.97% M éd ia n e an n u ell e IB/VM 2.60% 1.62% 3.30% 4.27% 4.23% 4.30% 3.87% 2.93% 3.40% 3.82% 4.68% 3.74% 4.41% 3.63%

Il n’apparaît pas nécessaire d’utiliser le chiffre d’affaires du début d’année. Le résultat étant partie intégrante du total actif, il est délicat de mettre le résultat à l’échelle par une variable qui intègre ce même résultat et c’est pourquoi on utilise l’actif total (comme la valeur de marché) du début d’année comme indicateur de taille de l’entreprise. Ce problème ne se pose pas de la même manière avec la variable chiffre d’affaires car l’activité d’une entreprise peut connaître des variations importantes d’une année sur l’autre, et CA(n-1) n’est pas nécessairement significatif de l’activité de l’année n. Le résultat

de l’année n doit donc être comparé à l’activité qui a permis de générer ce résultat, donc du chiffre d’affaires de l’année n.

Par ailleurs, le résultat n’est pas nécessairement une composante du chiffre d’affaires. Une entreprise peut réaliser une perte (voire un bénéfice), même si son activité est nulle, du fait de l’existence de charges fixes, de sa structure financière ou de charges et produits exceptionnels par exemple. Diminuer le résultat du chiffre d’affaires ne fournit pas une information pertinente sur la taille de l’entreprise. Diminuer le résultat du chiffre d’affaires annuel comme cela a été fait pour l’actif total n’est pas pertinent.

2. Démarche de l’étude méthodologique

Les études qui s’intéressent aux irrégularités de distribution du résultat sont confrontées à un choix entre plusieurs variables (VM(n-1), AT(n-1), (AT-IB), CA) de mise à l’échelle. L’étude

cherche à évaluer empiriquement l’impact de ce choix sur la mesure des irrégularités.

a. Démarche

Pour évaluer l’impact du choix du dénominateur sur la mesure de l’irrégularité, les valeurs des CA, AT et VM des entreprises présentes sur les intervalles d’observation jouxtant le

seuil du résultat nul sont comparées de manière à évaluer dans quelle mesure ces variables peuvent être responsables d’une distorsion significative. Puis les irrégularités sont mesurées et comparées année après année avec les trois dénominateurs sur la population de référence.

b. Résultats attendus de l’étude empirique sur l’impact du

dénominateur

Si le dénominateur est source de distorsions, il est peu probable que les trois dénominateurs soient sources des mêmes distorsions. La mesure des corrélations entre les différentes variables de mise à l’échelle doit donc permettre d’évaluer l’impact des distorsions liées au dénominateur.

Si les trois variables sont fortement corrélées, cela signifie que les discontinuités, même si elles sont influencées par un effet dénominateur, peuvent être interprétées comme des discontinuités de la variable résultat. L’effet dénominateur peut être négligé.

Si les trois variables ne sont pas corrélées, cela signifie que l’effet de tous ou certains dénominateurs ne peut être négligé. Dans ce cas, l’étude doit proposer des critères de sélection de la meilleure variable de mise à l’échelle en fonction de la population étudiée, de la composition de la base utilisée et du seuil étudié.

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