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III. Développement d'un modèle mathématique stœchio-cinétique

III.3 Complexation, précipitation et réactivité du fer

III.3.1 Impact de la complexation dans l’eau sur la chimie de Fenton

Une série de travaux relatifs aux réactions R1 et R10 a été menée par Millero et ses collaborateurs entre 1989 et 2006 (Santana-Casianoet et al., 2006; Millero et al., 1991 ; Santana-Casiano et al., 2006), puis par Morgan et Lahav (2007) en utilisant un système très

78 simple à base d’eau, de sels du fer et éventuellement de quelques autres ions. Ces travaux ont d’abord permis d’évaluer les valeurs des constantes réactionnelles apparentes (au moyen d’une seule réaction bilan globale) des réactions dans lesquelles le Fe II ou le Fe III est réactant en mesurant soit la variation de la concentration du Fe II au cours du temps, soit celle du peroxyde d’hydrogène. Le nombre de composés présents dans le milieu expérimental étant très réduit, il était possible de calculer par des formules analytiques les proportions des concentrations des complexes hydroxo du fer en utilisant les constantes de stabilité des différents complexes. Le principal résultat de ces travaux est d’avoir démontré dans plusieurs conditions expérimentales que chaque complexe hydroxo a une réactivité propre dans la chimie de Fenton et que la variation des constantes réactionnelles apparentes, estimées en fonction du pH, s’expliquait simplement par la variation des proportions des concentrations de ces complexes.

Cas du Fe II

A titre d’exemple, la Figure 21 montre la variation des concentrations des différents complexes hydroxylés du Fe II dans l’eau de mer (Morgan et al., 2007). Ce résultat n’est évidemment pas extrapolable à d’autres milieux puisque tout ajout d’autres ions modifierait ces équilibres.

Figure 21 : Concentration en log des différentes formes de Fe(II) dans un milieu aqueux

très dilué (Fe(II) = 103 M)

Santana-Casiano et al. (2006), montrent que le ratio Fe II /H2O2 impacte la contribution de chaque complexe de fer dans la vitesse d’oxydation du fer II. En effet, la Figure 22 montre qu’à

79 pH 6 et un ratio Fe II/ H2O2 qui est égal à 0,9 ou à 5, la contribution de l’ion de l’ion libre Fe2+ à la vitesse d’oxydation du Fe II passe de 55 à 80 % alors que celle du complexe FeOH+ diminue de 38 à 19 %.

Figure 22 : Contribution de chaque complexe du Fe II dans la vitesse d’oxydation du Fe II

par l’O2 et H2O2 dans l’eau de mer ([O2] = 210 µM, [Fe2+]t0 = 250 nM) avec [H2O2]t0 égales à 275 nM et 50 nM respectivement (Santana-Casiano et al., 2006)

Cas du Fe III

Millero (2001) a calculé les proportions des concentrations des complexes du Fe III en fonction du pH d’une part dans une solution de NaCl ayant une salinité égale à celle de l’eau de mer (Figure 23), et d’autre part, dans l’eau de mer (Figure 24). Dans le premier cas, le complexe FeOH2+ est majoritaire sur la plage de pH comprise entre 2,5 et 3,5 (Figure 23) alors qu’il

80 devient minoritaire sur cette même plage dans le deuxième cas du fait de la présence d’autres ions, même à faibles concentrations. Cet auteur a aussi montré que la modulation des concentrations des complexes de Fe III influence la vitesse des réactions de réduction du Fe III en Fe II dans la chimie de Fenton.

Figure 23 : Complexation du Fe III dans une solution saline à 0,7 M de NaCl à 25°C

(Millero, 2001)

Figure 24 : Complexation du Fe III dans l’eau de mer à 25°C (Millero, 2001)

Précipitation du Fe III

La précipitation du Fe III à pH neutre est un phénomène bien connu ; cette précipitation est susceptible de modifier considérablement la réactivité du fer dans la chimie de Fenton

81 puisqu’une grande partie des atomes de fer se situe alors à l’intérieur dans les particules précipitées et ne peuvent plus réagir avec l’oxygène ou de peroxyde d’hydrogène.

La solubilité du fer III en fonction du pH a été étudiée dans l’eau de mer par Kuma (1996) et par Millero (2001). La Figure 25 montre que la concentration en Fe III soluble diminue fortement avec le pH. A pH 6, pH de la plupart de nos essais, cette concentration est inférieure à 10-8 M, soit 10 nM. Les seuils à pH 2, 3,5 et 8 sont respectivement 10-2 M, 10-6 M et 10-9 M, soit 10 mM, 1M et 1 nM. Millero (2001) a aussi montré que la solubilité du Fe III dépend des ions présents dans le milieu et de la force ionique. En effet, pour une force ionique égale à 0,2 la solubilité du Fe III dans l’eau de mer est 10 fois plus grande que dans un milieu salin très dilué contenant 0.7 M de NaCl. L’eau de mer contient davantage de minéraux ce qui améliore la solubilité du Fe III. La concentration en ions phosphate dans le milieu mimétique de la viande (40mM) est beaucoup plus importante que celle dans l’eau de mer (0.088ppm). Il n’est donc pas judicieux d’extrapoler les résultats de la littérature.

Figure 25 : Effet du pH et de la concentration initiale en Fe III sur la solubilité du Fe

III dans l’eau de mer à 25°C (Millero, 2001)

La composition du milieu mimétique de la viande utilisé dans mes essais était très différente de celles des solutions diluées des travaux précédents. Lors d’essais préliminaires, j’ai laissé évoluer le milieu mimétique de composition suivante à 25°C pendant 30 minutes : 40 mM de phosphate, 200 µM de FeSO4. Après filtration à différents temps, le fer ‘soluble’ restant dans le filtrat a été dosé avec de la ferrozine (Stolze et al., 1996). La filtration était effectuée sur un filtre d’ester de cellulose (0,2 µm) ; ceci signifie que des particules plus petites pouvaient soit rester dans le filtrat, soit être adsorbées sur les fibres du filtre. Les résultats obtenus (Figure 26) montrent que la proportion en fer ‘soluble’ diminue très rapidement au cours du temps puis se stabilise avec des niveaux différents à 30 minutes. La concentration en fer ‘soluble’ est

82 beaucoup plus grande que dans les travaux précédents, même après 30 minutes au moment où tout le Fe II initial a certainement été transformé en Fe III. Il est vraisemblable que les concentrations élevées en SO4- et en PO42- soient à l’origine de cette différence ; d’ailleurs, la concentration en fer ‘soluble’ dépend de la concentration initiale en FeSO4.

Figure 26 : Dosage du Fer soluble à différentes concentrations de Fer (25°C, tampon phosphate

40 mM, pH 6)

La question de la réactivité du fer insoluble, ou précipité, a été traitée par Kwan et al. (2002, 2003, 2004) dans une série d’études consacrées au traitement des eaux des nappes phréatiques polluées. Ces eaux contiennent des cristaux de ferrihydrites (oxy-hydroxyde-ferrique) dont la taille est de l’ordre de quelques nanomètres lorsqu’ils sont synthétisés en laboratoire (Hiemstra

et al., 2013) et qui évoluent sur des durées de plusieurs jours en donnant des cristaux de goethite,

puis hématite, nettement plus gros. Les résultats de Kwan et al. (2003) ont montrent que la vitesse de production des radicaux hydroxyles est proportionnelle au produits de la surface des cristaux et de la concentration en peroxyde d’hydrogène (Figure 27). Ceci démontre que le fer insoluble n’a pas une réactivité nulle et que le type de précipité détermine le coefficient de réactivité, c’est-à-dire le facteur de proportionnalité entre la concentration en fer totale et la concentration à prendre en compte dans les équations du modèle stœchio-cinéque.

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Figure 27: Vitesse de formation du radical hydroxyle suite à l'oxydation de trois

différents oxydes de fer en fonction du ratio surface du fer précipité/H2O2 à pH = 4 (tiré de Kwan et al,. 2002)

Les concentrations en ferrihydrite varient de 6 à 400 μM, avec [H2O2]0 <1 mM ( ) et >5 mM ( )

Les concentrations en Goethite varient : 0,02 g/L ( ), 0,2 g/L ( ) 0,6 g/L ( ) Les concentrations en Hématite varient de 0,2 g/L ( ) à 1 g/L ( )

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