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Imager des molécules déposées sur surface par STM

1.3 L’imagerie par effet tunnel

1.3.2 Imager des molécules déposées sur surface par STM

Pour pouvoir visualiser par STM une molécule déposée sur surface, la largeur de bande interdite séparant les orbitales HOMO4 et LUMO5 de cette molécule (gap) ne doit pas être trop important pour que la tension appliquée (énergie fournie au système) entre la pointe et la surface compense (même partiellement) la différence d’énergie entre les orbi- tales de la molécule et celles de la pointe (figure 1.6). Si c’est le cas, alors le courant tunnel pourra transiter à travers ces orbitales et il sera donc possible de visualiser la molécule. Dans le cas contraire, seuls les effets induits par la molécule sur la surface seront visibles au STM.

Au début de l’utilisation de la microscopie à effet tunnel, cette nécessité a laissé planer le doute quant à la possibilité de visualiser de tels systèmes. En effet, la largeur de bande interdite HOMO-LUMO peut être très importante en comparaison des faibles tensions utilisées par l’imagerie STM. Les travaux de Baro et al. [26] en 1985 ont levé ce doute. Ils ont en effet montré pour la première fois la possibilité de visualiser des molécules déposées sur une surface de graphite en utilisant le STM. Des lors d’autres systèmes molécule / surface furent analysés et une nouvelle question se posa. A quel point peut-on relier l’image de la molécule que l’on obtient par l’imagerie STM avec la structure de celle-ci ?

Influence de l’environnement

Le phénomène physique qui intervient lors de l’imagerie STM, est l’interaction de la pointe avec les orbitales moléculaires contribuant au courant tunnel, plutôt qu’avec la structure de la molécule. Or, il a été démontré expérimentalement et théoriquement que une fois déposée sur une surface, la structure électronique de la molécule (donc ses or-

4. Highest Occupied Molecular Orbital 5. Lowest Unoccupied Molecular Orbital

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1.3 L’imagerie par effet tunnel

Figure 1.4 – Représentation schématique du principe de fonctionnement du STM en mode courant continu. La ligne pointillée représente le profil de déplacement de la pointe suivant l’axe z perpendiculaire à la surface. Afin de maintenir un courant tunnel constant, la pointe,

représentée par les cercles gris, ajuste sa hauteur par rapport à la surface suivant la densité électronique qu’elle rencontre. Si la densité électronique augmente (cercle rouge), ou si la pointe

rencontre une marche atomique, celle-ci va s’éloigner de la surface. Au contraire si la densité diminue (cercle vert), alors la pointe va se rapprocher de la surface.

Figure 1.5 – Image STM représentant la reconstruction√3 ×√3 R30◦ du SiB (111) (13 × 13 nm2). Vs= 1, 7V . Cette surface de silicium présente la particularité d’être passivée par la

présence d’atomes de bore sous les atomes de silicium de surface. La flèche montre un atome de silicium possédant encore sa liaison pendante et ayant donc une densité électronique plus importante, à la différence des autres atomes de silicium passivés qui sont moins brillants sur

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Figure 1.6 – Représentation schématique des niveaux d’énergie d’un système pointe/molécule/surface. Les orbitales HOMO et LUMO de la molécule sont situées respectivement trop bas et trop haut pour que la tension appliquée entre la pointe et la surface

permette à celles-ci de contribuer au courant tunnel, limitant fortement leur visibilité au microscope à effet tunnel.

bitales) peut être perturbée par les électrons provenant de la surface. C’est le cas par exemple de la molécule de benzène, dont le gap a été calculé théoriquement à 10,5 eV en phase gazeuse et à 7,2 eV quand elle est déposée sur une surface de graphite (0001) [27].

Il a également été observé que le site d’adsorption de la molécule peut jouer un rôle important. En effet, la molécule de monoxyde de carbone déposée sur une surface de Pt (111) apparaît comme une bosse ou un trou suivant son site d’adsorption [28]. A l’opposé, Repp et al. [29] ont réussi à découpler la molécule de benzène d’une surface de Cu (111) en intercalant une à deux couches de NaCl permettant ainsi de voir la molécule dans son état non perturbé.

La surface n’est pas la seule à pouvoir modifier les orbitales d’une molécule adsorbée. En effet, dans le cas de la formation de réseaux moléculaires denses, les interactions intermoléculaires peuvent aussi venir modifier ces orbitales, comme l’ont démontré Kröger et al. [30] avec l’influence des liaisons hydrogène se formant entre molécules PTCDA sur

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1.3 L’imagerie par effet tunnel

une surface d’Au (111), et induisant un décalage du niveau LUMO de la molécule.

Influence extérieure

En plus des interactions propres à l’environnement dans lequel se trouve la molécule (indépendantes de l’utilisateur), la tension utilisée joue un rôle important dans l’image STM obtenue. En effet, suivant la tension utilisée, ce ne sont pas nécessairement les mêmes orbitales moléculaires qui vont contribuer au courant tunnel.

Des lors, l’image obtenue pourra être très différente suivant la délocalisation des orbi- tales sur la structure de la molécule. C’est par exemple le cas pour la molécule d’oxygène sur Ti (0001) [31], qui se présente sous la forme d’une bosse pour une tension négative, et d’un trou pour une tension positive. Autre exemple, pour la molécule PTCDA, suivant la tension utilisée, ce sera soit l’orbitale HOMO (tension négative) soit l’orbitale LUMO (tension positive) qui contribuera au courant tunnel, et qui sera donc visualisée par le microscope [30, 32].

Enfin, il reste deux paramètres pouvant jouer sur l’acquisition d’une image STM. Le premier provient de la contamination de la pointe. En effet, si des particules se déposent sur celle-ci, l’interaction entre la pointe et la surface va en être modifiée. Ceci peut amener à une baisse de la résolution des images suivant la taille des particules, voir à une image erronée de la surface si le système pointe / particule / surface interagit de façon différente comparé au système pointe / surface. Le second paramètre est lié à la vitesse d’acquisition du courant tunnel. En effet, cette acquisition n’est pas instantanée mais peut nécessiter jusqu’à une milliseconde environ, ce qui signifie que tous les mouvements plus rapides que cette vitesse d’acquisition sont impossibles à visualiser [33].

En conclusion, la microscopie par effet tunnel est une technique extrêmement puis- sante pour visualiser des surfaces avec une résolution atomique. Cependant l’analyse des images obtenues nécessitera toujours un soin particulier pour éviter leurs mauvaises in-

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