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Chapitre 3 Discrimination de textures

3.1 Des textures grossières aux textures fines

3.1.3 Image de texture

Une des voies de recherche actuellement explorées dans le domaine du sensoriel concerne la possibilité d’un traitement cognitif commun entre vision et toucher (voir partie 1.2.3). Selon cette idée, nous nous sommes intéressés à reconstruire l’image de texture vue par le doigt artificiel, en force normale ou en friction. En effet, si l’on arrive à reconstruire l’image tactile de texture d’un échantillon, on peut imaginer l’application d’algorithmes issus du traitement d’image, par exemple pour comparer la structure 2D de plusieurs textures, ou détecter la présence de défauts de texture.

Par ailleurs, la reconstruction d’une image de texture peut nous permettre de mieux visualiser les phénomènes perçus par le doigt artificiel lors de l’exploration d’une texture et de vérifier la répétabilité des mesures du doigt artificiel.

Lors de cette expérience, la texture explorée est un quadrillage imprimé, sur un papier d’imprimante (blanc), grâce à une imprimante laser noir et blanc. La texture quadrillée a été choisie pour faciliter la reconstruction et la reconnaissance de l’image de force, en faisant l’hypothèse que le glissement de l’enrobage serait différent selon qu’il soit sur une zone imprimée ou une zone vierge.

La Figure 3.4.a présente la texture d’origine. Il s’agit d’un quadrillage dont les bandes encrées (noires) ont une largeur de 1 mm et les bandes blanches une largeur de 5 mm. L’épaisseur de l’encre est estimée à 10 µm à l’aide d’un profilomètre optique (Micro-Epsilon NCDT 1700).

P1 P2 T1 T2 1.5 2 2.5 3 3.5 4 Echantillon µ U ( a.u .)

Coefficient de friction µU moyen sur 20 acq./ech.

Le dispositif d’exploration et le doigt artificiel utilisés sont les mêmes que pour les expériences précédentes (voir 3.1.1). Le protocole de mesure consiste à scanner la texture avec le doigt artificiel dans le sens des x croissants, sur plusieurs lignes successives espacées de Δy=1 mm. Le doigt explore une ligne horizontale puis se décale verticalement et revient à la ligne. Il scanne alors une autre ligne etc. La vitesse d’exploration est fixée à v = 38 mm·s-1 et la fréquence d’échantillonnage à f

e = 2 kHz. L’ensemble des scans est enregistré lors d’une seule acquisition. La reconstruction de l’image nécessite d’abord de retrouver les lignes au sein de l’acquisition. Une détection des fronts montants de

Uz par seuillage permet de retrouver les moments de mise en contact et de retrait du doigt artificiel de la surface, et ainsi le début de chaque ligne. Le début et la fin de glissement faisant apparaitre des phénomènes transitoires, nous extrayons la partie centrale (« stationnaire ») de chaque ligne. Enfin, les signaux de chaque ligne sont filtrés par moyenne glissante afin de réduire les artefacts de friction tels que les phénomènes de stick-slip (voir parties 1.4.3 et 3.1.4).

La Figure 3.4.b présente l’image du coefficient de friction instantané µU (voir équation (3.4), p.83) d’une zone de 32x32 mm. L’image est composée de 32x1680 pixels, en accord avec les paramètres de l’exploration v, fe et Δy. Les abscisses et ordonnées de la figure correspondent aux numéros de pixels selon chaque axe. Le niveau de gris illustre la valeur du coefficient de friction, les zones sombres ayant des valeurs plus fortes que les zones claires. On constate que l’image reconstruite correspond relativement bien à la texture d’origine. En effet, le coefficient de friction est plus élevé sur les zones encrées que sur les zones vierges. On observe toutefois que le coefficient de friction parait plus faible à gauche qu’à droite de l’image.

La Figure 3.4.c et la Figure 3.4.d, représentent respectivement l’image de la tension tangentielle UT et la tension normale Uz, permettant d’analyser les deux composantes séparément. Lorsque le doigt artificiel passe sur les zones encrées, on peut noter sur la Figure 3.4.d, que Uz augmente légèrement (ΔUz≈15%), ce qui peut être dû à l’épaisseur de l’encre mais aussi à une déformation de l’enrobage lors du passage à une zone plus adhérente. Dans l’ensemble, Uz reste assez stable, contrairement à UT qui double presque sa valeur en passant d’une zone vierge à une zone encrée. Il s’agit donc bien d’une variation du coefficient de friction entre zone encrée et zone vierge. Ce changement en friction s’explique par la présence des particules d’encre qui, s’introduisant dans les rugosités du papier, rendent la surface plus lisse et plus adhérente pour l’enrobage en polyuréthane.

Sur la composante UT, on peut noter une légère variation en cloche selon l’axe x, avec un maximum au centre de chaque ligne et une diminution prononcée aux extrémités. Une légère variation de la vitesse au cours du trajet (accélération puis décélération), effectivement accentuée au début et à la fin du trajet, pourrait être en partie à l’origine d’une variation du coefficient de friction et donc de la force tangentielle. Faute de pouvoir mesurer la vitesse au cours du déplacement, avec nos dispositifs d’exploration actuels, cette hypothèse n’a pas pu être vérifiée.

On observe par ailleurs une diminution de Uz avec la progression selon x. Ce phénomène peut s’expliquer par la déformation progressive de l’enrobage qui induirait un déplacement du champ de contrainte vers l’avant du contact et donc une diminution de la force normale mesurée par le capteur clou.

Enfin, on peut voir une légère diminution du coefficient de friction µU selon y (augmentation de Uz et diminution de UT), notamment au niveau des lignes encrées horizontales. Cela pourrait provenir d’un assouplissement de l’enrobage et/ou d’une pollution de la surface de celui-ci avec les particules d’encre à mesure des sollicitations.

On observe ainsi sur la Figure 3.4.b un coefficient de friction différent entre de deux zones spatialement proches, mais similaire pour des points de zones éloignées :

• en zone vierge µU(24, 350) = 2.621, µU(19, 700) = 2.934

• en zone encrée µU(22, 200) = 2.915, µU(22, 550) = 3.251.

Figure 3.4: (a) Texture originale de papier quadrillé, (b) Image du coefficient de friction mesuré par le doigt

artificiel. (c) Image de la tension UT. (d) Image de la tension Uz délivrée par le capteur clou.

Pour étayer ces résultats, l’expérience a été répétée, mais avec une exploration dans le sens de x décroissant. Nous avons observé le même type de phénomènes sur UT (variation en cloche), Uz (diminution selon x) et µU (diminution selon y), indépendamment du sens d’exploration.

La bonne discrimination de textures de grain très fin, rend compte d’une forte sensibilité du doigt artificiel à la friction plus qu’à la topologie des textures. Toutefois, il faut noter que, bien que les textures étudiées ont un grain très fin, la dimension des motifs est ici relativement grossières (zone encrée de largeur de 1 mm et de période de 6 mm). Enfin, les variations du coefficient de friction au cours de l’exploration nous amènent à la conclusion que la visualisation de l’image de friction permet de reconnaître deux textures différentes en friction lorsqu’elles sont jointives. Cependant, le

Image du coefficient de friction µU

500 1000 1500 5 10 15 20 25 30 2.5 3 3.5 4 Image de UT (V) x (px) y ( px) 500 1000 1500 5 10 15 20 25 30 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 Image de Uz (V) 500 1000 1500 5 10 15 20 25 30 0.15 0.16 0.17 0.18 0.19 0.2 0.21 0.22 (a) (b) (c) (d)

coefficient de friction seul ne permet pas dans ces conditions d’exploration de discriminer ces deux textures dans l’absolu. Un traitement différentiel de l’image pourrait peut-être palier à ce problème.