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Dans cette partie, nous allons présenter les principaux résultats de détachements obtenus avec les trois matériaux étudiés dans cette thèse. Nous présenterons entre autre les conditions de fluences et de températures requises pour le détachement, les plans d’orientations des défauts précurseurs de la fracture et les énergies de diffusion de l’hydrogène dans ces matériaux. Nous présenterons aussi leurs différents modules d’Young et l’énergie de liaison des atomes constituant leur matrice. Le but ici est de voir si le comportement de chaque matériau lors du processus de fracture peut être lié à ses propriétés intrinsèques (mécanique par exemple).

Le tableau V-1 présente les différents paramètres précités.

Nature du substrat Si(100) Ge(100) 6H-SiC (0001)

Fluence standard de

fracture (H/cm²) 1×10

17 1×1017 5×1017

Orientation des défauts

étendus {100} et {111} {100} et {001} / Température minimale

de fracture (°C) 550 450 1200

Energie de diffusion de

l’hydrogène 0.5 eV [7] 0.38 eV [7] 3.5 eV [14] Energies de liaison des

atomes Si-Si ≈ 3.4 eV [13] Ge-Ge ≈ 2.8 eV [13] Si-C ≈ 4.7 eV [13]

Module d’Young (Gpa) 130 102 450

Tableau V-1 : comparaison des différents paramètres d’implantations et de recuits, des plans d’orientations des défauts observés par XTEM, et de quelques propriétés intrinsèques des différents

matériaux étudiés

Les données du tableau V-1 montrent que la fluence minimale standard nécessaire pour le détachement est similaire dans le cas du Si et du Ge, tandis qu’elle est 5 fois plus élevée dans le cas du SiC. Pareillement, la température de recuit nécessaire pour le détachement est beaucoup plus élevée dans le cas du SiC que dans les autres matériaux.

Le besoin d’implanter à une fluence d’hydrogène beaucoup plus élevée dans le SiC comparé au Si et au Ge peut s’expliquer en termes de dureté des matériaux (module d’Young) ou d’énergie de liaison des atomes hôtes des différents cristaux [15]. En effet, les défauts précurseurs de la fracture sont décrits comme des défauts plans de structures lenticulaires d’épaisseurs de quelques plans atomiques [16]. L’écartement des plans pour la formation de ces défauts est d’autant plus difficile que l’énergie de liaison entre les atomes des plans à déformer est forte, i.e. d’autant plus difficile que le matériau est rigide. Dans la littérature, l’énergie de la liaison Si-C a été évaluée à 4.7 eV, soit supérieure à celle des liaisons Si-Si (3.4 eV) et Ge-Ge (2.8 eV) [15]. Ainsi, la formation des platelets dans le SiC sera

logiquement bien plus difficile que dans les deux autres matériaux et nécessitera un plus fort niveau de déformation (ou de saturation). Le niveau de déformation induit par l’implantation étant d’autant plus élevé que la fluence d’implantation est grande, ceci peut expliquer pourquoi le SiC requiert une plus forte fluence pour la fracture.

En ce qui concerne la nécessité d’effectuer des recuits à des températures beaucoup plus élevées pour provoquer la fracture dans le SiC, cela peut s’expliquer en termes de barrière de diffusion de l’hydrogène dans la matrice du matériau en présence des pièges. En effet, dans la littérature, la croissance thermique des défauts précurseurs de la fracture (plus particulièrement les platelets) a été démontrée être principalement gouvernée par le mûrissement d’Ostwald, i.e. par l’échange d’atomes d’hydrogène d’un défaut à un autre [15]. L’énergie d’activation d’un tel mécanisme a été décrite comme la somme de l’énergie de liaison d’un atome d’hydrogène à un défaut étendu plus l’énergie de migration nécessaire pour faire diffuser l’hydrogène libéré vers un autre défaut. Ainsi, plus la somme de ces deux énergies sera grande, plus la température nécessaire pour activer la croissance des défauts sera élevée.

Dans le chapitre précédent nous avons montré au moyen de la spectroscopie infrarouge qu’après implantation de l’hydrogène dans le silicium, il est majoritairement lié à des défauts lacunaires (pour former des complexes de types VnHm et VHn) et aux atomes Si de la matrice (pour former des liaisons Si-H). Nous avons également observé après différents recuits, que les défauts multi-lacunaires sont assez instables et se dissocient avec des températures faibles (< 300°C), tandis que les défauts mono-lacunaires les plus stables se dissocient à partir de 500°C. Dans la littérature, l’énergie de migration de H dans le Si est estimée à 0.5 eV [7]. Ainsi, dans une matrice de silicium sursaturée en hydrogène, la dissociation des complexes lacunaires aux températures inférieures ou égales à 500°C, plus une énergie de diffusion de l’hydrogène non lié autour de 0.5 eV, facilitent le phénomène de migration de l’hydrogène vers les cavités, ce qui favorise donc une croissance de défauts jusqu’à la fracture du matériau avec des températures minimales de 550°C (dans nos conditions d’implantation). Quant au Ge, nous n’avons pas pu accéder aux configurations de l’hydrogène dans sa matrice. Néanmoins, de par sa structure de maille (diamant) similaire à celle du silicium, nous pensons que l’hydrogène doit probablement adopté les mêmes configurations dans sa matrice que dans celle du Si. Ainsi, avec une énergie de diffusion de l’hydrogène (0.38 eV [5]) plus faible que celle du Si, et des énergies de liaisons Ge-H plus faibles aussi, la fracture du Ge nécessite une température de fracture plus faible comparé au Si.

A l’inverse du Si et du Ge où les complexes hydrogénés formés après implantation sont facilement dissociables, ceux formés dans le SiC sont très stables et leur dissociation nécessite des températures très élevées. Parmi ces défauts, on retrouve des complexes C-H situés dans au voisinage d’une lacune de Si, lesquels sont stables jusqu’aux températures de 900°C. M.K. Linnarsson et al [14] ont montré que l’hydrogène devient mobile dans le SiC avec des températures supérieures à 700°C et avec une énergie de diffusion de 3.5 eV. Ainsi, la stabilité des complexes hydrogénés créés dans le SiC après implantation justifie la nécessité des recuits à des températures aussi élevées que 1200°C que nous avons appliqués pour pouvoir obtenir des détachements.

Conclusion du chapitre

Dans ce chapitre, nous avons exploré les conditions de fluences d’hydrogène nécessaires pour induire la fracture dans les substrats de Ge et de SiC implantés dans la gamme des MeV, que nous avons ensuite comparées avec le cas du Si. Nous avons mis en évidence une différence notable de comportement en fonction de la nature des substrats. En effet, la fluence minimale requise pour provoquer la fracture du Ge s’est révélée être similaire au cas du Si, soit de l’ordre de 1×1017 H/cm², tandis que dans le cas du SiC, elle s’avère être cinq fois plus élevée que dans le cas du Si et du Ge. Cette différence a été expliquée par l’énergie de liaison des atomes hôtes des différents cristaux, en particulier par la forte liaison entre les atomes de Si et C dans le SiC. Cette forte liaison rend difficile la formation des platelets dans ce matériau, par conséquent de fortes fluences d’hydrogène sont nécessaires pour pouvoir endommager le matériau. De plus, de façon générale, le SiC est bien connu pour sa résistance à l’irradiation.

Au niveau des températures minimales de fracture, nous avons observé qu’elle est d’autant plus élevée que la somme des énergies de liaison des configurations des surfaces internes et de diffusion de l’hydrogène non lié dans la matrice est élevée. Ainsi, avec le substrat de Ge, où la somme de ces énergies est la plus faible, la température minimale de fracture est la plus basse (autour 450°C), puis vient le Si où la température minimale de fracture est autour de 550°C et enfin le SiC où la température de fracture est d’environ 1200°C.

Concernant le détachement des films minces autoportés, nous avons observé pour les deux derniers matériaux étudiés (Ge et SiC), qu’ils se cassent en morceaux pendant l’étape de séparation. Dans le cas du Ge, des images XTEM prises dans la zone de défauts ont révélé la présence des défauts orientés à la fois de façon parallèle et perpendiculaire à la surface du substrat. Par analogie au cas du Si où les défauts {111} non parallèles à la surface du substrat ont été identifiés comme étant la cause de la casse du film pendant le processus de détachement, nous pensons que la présence des défauts orientés perpendiculairement à la surface dans le cas du Ge favorise la déviation de la fracture vers la surface, ce qui occasionne la casse du film. Dans le cas du SiC, des études sur l’orientation des défauts étendus sont encore nécessaires pour expliquer l’origine de la casse du film dans ce matériau.

Enfin, les études faites dans ce chapitre sur le Ge et le SiC restent préliminaires et beaucoup de questions restent encore sans réponses. Des études supplémentaires systématiques sont donc nécessaires pour améliorer notre compréhension des mécanismes d’exfoliation, de l’appréhender dans son ensemble, afin d’optimiser les paramètres d’un tel procédé de découpe de substrats ultra-minces.

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