Il existe deux lignées de cellules dendritiques, la lignée plasmacytoïde et la lignée myéloïde (45‐47). Les premières sont issues de précurseurs présents dans la moelle osseuse et quittent la moelle dans un stade déjà différencié alors que les secondes dérivent des monocytes sanguins (46). Ces cellules sont les cellules présentatrices d'antigène (CPA) les plus efficaces. Dans les tissus, elles patrouillent et métabolisent les antigènes de l'environnement. Activées par un pathogène ou un stress cellulaire, ce sont les premières à synthétiser la cytokine pro‐inflammatoire qu'est le TNF (48). Dans le foie, les cellules dendritiques contrôlent l'inflammation et, par voie de conséquence, la fibrose via la synthèse de TNF (49). De par l'expression du récepteur aux chimiokines CCR7, elles migrent vers les organes lymphoïdes secondaires pour permettre l'éducation des différentes cellules du système immunitaire acquis (47).
Ce n'est que depuis peu de temps que les cellules dendritiques ont été caractérisées dans l'interstitium rénal de souris saines ou atteintes de glomérulonéphrite (50). Sur des biopsies humaines, les cellules dendritiques auraient une localisation strictement tubulointerstitielle chez des patients atteints de glomérulonéphrite (51). Deux études de la même équipe montrent des résultats opposés sur l'implication des
cellules dendritiques dans la glomérulonéphrite. Dans la première, les cellules dendritiques sont protectrices via la sécrétion d'IL‐10 (52) alors que dans la seconde, ces mêmes cellules permettent la progression de la pathologie (53). Les auteurs proposent que ces effets divergents seraient dus à la différence d'origine des cellules dendritiques. Les cellules résidentes plasmacytoïdes seraient protectrices alors que les cellules recrutées myéloïdes seraient délétères pour le développement de la glomérulonéphrite. Enfin, dans un modèle de néphropathie obstructive et donc non immunologique, les cellules dendritiques ont également un rôle à jouer en augmentant la sécrétion de cytokines inflammatoires ainsi que le recrutement et l'activation des lymphocytes T et plus particulièrement des lymphocytes Th17 (54).
Le rôle des différentes cellules dendritiques n'est pour l'heure pas encore élucidé. Toutefois, au vu de ces quelques résultats, il semble que ce type cellulaire ait une implication majeure dans la mise en place de l'inflammation et ce, dans des modèles de fibroses immunologiques ou non.
iv. Lymphocytes T
Les lymphocytes T sont des cellules ayant un rôle primordial dans l'orientation et la régulation de la réponse immunitaire (RI) (55). Ils possèdent un récepteur spécifique d'un antigène appelé le T cell receptor (TCR) et expriment le CD3. Ce TCR est composé de deux chaînes peptidiques ou . Les premières représentent 95 % de la population totale de lymphocytes T. Pendant longtemps le rôle des lymphocyte T a été méconnu. Il a même été avancé que ces cellules, ne reconnaissant pas le non‐soi, étaient un vestige de l'immunité primaire qui n'avait pas de rôle. Récemment, Polly Matzinger a émis une théorie sur l'immunité, le "danger model" (56, 57). Cette théorie se base sur le fait que les théories anciennes du soi et du non‐soi ne permettaient pas d'expliquer des situations où un organisme était capable de tolérer du non‐soi (par exemple, le foetus pour la mère) et des situations où l'organisme réagit contre des structures du soi (par exemple, toutes les pathologies auto‐immunes). Elle propose que l'élément principal pour l'élaboration d'une RI serait l'agression cellulaire ou tissulaire menant à l'émission de signaux de danger, que l'agression ait une étiologie exogène ou endogène. Ces signaux de danger ou de stress pourraient être des parties de protéines non vues en physiologie par le systèmeimmunitaire comme par exemple toutes les séquences protéiques hydrophobes Hyppo (hydrophobic portion) qui sont soit ancrées dans les membranes, soit encapsulées à l'intérieur de la molécule. Lorsqu'elles sont visibles, c'est que les membranes des cellules ont été lysées ou que la protéine a été dégradée (56, 57). Les lymphocytes pourraient être les cellules spécialisées dans la perception des stress cellulaires et donc jouer un rôle primordial dans la régulation de l'inflammation dans des modèles de fibrose rénale stérile comme par exemple, l'OUU. Pour les lymphocytes T , leur nomenclature a considérablement évolué ces trois dernières années. Historiquement, ces cellules ont été différenciées par des marqueurs de surface : le CD4 et le CD8. Le CD8 est le marqueur des lymphocytes T cytotoxiques (LTC) effecteurs (55). Ils reconnaissent des antigènes présentés par le complexe majeur d'histocompatibilité de classe I (CMH‐I), protéine exprimée par toutes les cellules nucléées. Cette propriété de reconnaissance de l'antigène fait d'elles les cellules les plus efficaces dans la défense de l'organisme contre les cellules cancéreuses, les virus et autres pathogènes intra‐cellulaires. Leur cytotoxicité se fait par trois voies principales (55). La première est la sécrétion de perforine, protéine formant des pores dans la membrane de la cellule infectée, et de granzymes, enzymes à activité sérine protéase. Ensemble ces protéines conduisent à la fuite du matériel cytoplasmique et la dégradation des protéines. La seconde fait intervenir le ligand du signal de mort Fas. Les LTC expriment le Fas‐Ligand (Fas‐L) qui en se liant à son récepteur Fas, exprimé par de
nombreuses cellules de l'organisme, active la voie apoptotique des caspases. Enfin, la dernière se fait par la sécrétion de cytokines induisant la mort comme par exemple le tumor necrosis factor alpha (TNF).
Toujours dans la classe des lymphocytes T , le CD4 marque les lymphocytes que l'on dit "helper" (Th) parce qu'ils fournissent les signaux d'activation (et donc aident) pour les lymphocytes effecteurs, LTC et lymphocytes B (55). Très longtemps, ces lymphocytes ont été divisés en Th1, régulant la réponse immunitaire (RI) à médiation cellulaire (macrophages, LTC) et Th2, régulant la RI à médiation humorale (anticorps). Toutefois, cette nomenclature ne permettait pas de distinguer des sous‐classes particulières de lymphocytes Th (58). C'est ainsi que sont apparues les classes Th9 (59), Th17 (58, 60, 61), Th22 (62) et T régulateurs (T reg) (63). Leurs noms sont dus à l'interleukine qu'ils synthétisent (IL‐9 pour les Th9, IL‐17 pour les Th17 et IL‐22 pour les Th22). Ces sous‐types sont encore peu connus et leurs fonctions dans les pathologies rénales restent à mettre en évidence. Les T reg en revanche font l'objet de plusieurs études et sont un espoir thérapeutique important. Ces cellules sont caractérisées par l'expression de CD4+, CD25+ et Foxp3+ et synthétisent de grandes quantités de cytokines anti‐inflammatoires dont l'IL‐10 est le fer de lance. Ces lymphocytes permettent la mise en place de la tolérance envers certains antigènes et la résolution de l'inflammation lorsque celle‐ci n'a plus de raison d'être. Dans la fibrose pulmonaire idiopathique, le nombre de T reg est inversement proportionnel à la sévérité de la pathologie (64) et dans un modèle de néphropathie induite par l'adriamycine, le recrutement de T reg réduit les lésions tissulaires (65).
Enfin, à la marge de ces lymphocytes T, existent des lymphocytes NKT qui partagent des propriétés des cellules natural killer (NK) et des lymphocytes T. Ce sont des cellules effectrices qui ne reconnaissent pas l'antigène lorsqu'il est présenté par le complexe majeur d'histocompatibilité (CMH) mais lorsqu'il est apprêté par un ancêtre du CMH, le CD1 (66).
Dans le rein, les lymphocytes T ont été décrits dans les phénomènes inflammatoires depuis de nombreuses années. Dans certaines glomérulonéphrites, une étude de la fin des années 80 a montré que dans l'interstitium, les lymphocytes T étaient plus nombreux que les macrophages (67). Dans le modèle obstructif, les lymphocytes T ne joueraient pas de rôle primordial dans le développement de la FTI (68). Toutefois, au
vu des nouvelles découvertes dans ce domaine, leur étude dans les néphropathies semble être de premier intérêt. Comprendre l'implication des lymphocytes T et leur cinétique de recrutement dans le rein est une condition sine qua non à l'élaboration de stratégies thérapeutiques anti‐inflammatoires dans la fibrose rénale.