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II – Magie et inventaire dans l’ Histoire naturelle

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 68-112)

L’Histoire naturelle est une œuvre à la fois de compilation de données et de construction conceptuelle : l’inventaire possède une grille de lecture. Pline ne nous offre pas seulement un inventaire de pratiques et de remèdes : il nous donne également à voir la pratique même de l’inventaire et par là, les implications de certaines modalités d’énonciation sur la perception et la transmission des pratiques et savoirs dits « magiques ». Je commencerai donc ici par une analyse des modalités d’énonciation en essayant d’en retirer la leçon de ce qui, selon Pline, caractérise l’usage « magique » d’un animal ou d’une matière animale. Les modes concrets, lexicaux, de valorisation des données dans l’encyclopédie ont été analysés par Guy Serbat dans un article qui fait désormais autorité278. Dans certains cas, l’opinion de Pline est claire, soit qu’il transmette un témoignage personnel (usage du verbe uidere), soit

275 PLINE L’ANCIEN, HN, 10, 156 (tr. personnelle). Étienne de Saint-Denis traduit : « Pour les offices religieux, les poules à bec et pattes jaunes ne sont pas considérées comme pures ; pour les mystères, on prend des noires ».

276 F. PRESCENDI, Décrire et comprendre le sacrifice. Les réflexions des Romains sur leur propre religion à partir de la littérature antiquaire, Stuttgart, 2007. Ces pratiques de systématisation ou de rationalisation » des affaires religieuses s’observent à la marge du ritualisme romain, cf. J. RÜPKE, « Between Rationalism and Ritualism:

On the origins of religious discourse in the late Roman Republic », ARG 11 (2011), p. 123-144.

277 M.-O. LAFORGE, La religion privée à Pompéi, Naples, 2009, p. 139 : les os d’un demi poulet découverts sur un autel compital (I, xi, 1) laissent envisager le partage de la volaille entre les participants d’un rituel et les dieux Lares. Des os de poulet ont également été retrouvés, vraisemblablement en contexte sacrificiel, dans la maison IX, ix, 11.

278 G. SERBAT, « La référence comme indice de distance dans l’énoncé de Pline l’Ancien », RPh 47.1 (1973), p. 38-49.

qu’il assume une adhésion réfléchie ou discutée (lexique de la demonstratio, souvent pour des explications reçues de vive voix, ou de l’expression « adfirmare possumus »)279 ou bien exprime sa confiance en un auteur (Aristote, par exemple280), ou au contraire dénigre systématiquement un auteur ou un groupe d’auteurs : c’est le cas des magi. Comme le soulignait Guy Serbat, l’ars magice est qualifiée de fraudulentissima, intestabilis, inrita, inanis, portentosa, uana falsaque, la uanitas des mages étant régulièrement épinglée281. Toutefois, Guy Serbat a aussi montré comment Pline marquait une distanciation par rapport aux faits en usant soit de la référence épisodique à un auteur, soit de la référence indéfinie (tradunt, « on dit que », narratur, « on raconte que », alii dicunt, « d’autres disent que », ut creditum est, « comme on le croit »). Parfois, la référence isolée a une valeur globale : une même série d’informations est attribuable à l’auteur que Pline cite plus loin ou a cité plus haut dans le même passage282. Mais, toujours selon le même article, Pline reste souvent imprécis sur ses opinions et consigne sans prendre de distance ni fournir de critère de validation ou d’invalidation283.

Après avoir justifié ses objectifs dans l’introduction du livre 28, l’encyclopédiste clarifie sa méthode284 : à l’en croire, rien dans l’inventaire n’est issu de son imagination ni de sa propre expérience, mais tout a été collecté chez des auctores, dans les écrits d’auteurs précédents285. En s’appuyant autant sur l’argument d’autorité pour fonder son propos, Pline

279 S. CITRONI MARCHETTI, « L’auteur en tant que personnage : Pline l’Ancien dans la Naturalis Historia », dans D. VAN MAL-MAEDER, A. BURNIER, L. NUÑEZ (éd.), Jeux de voix. Énonciation, intertextualité et intentionnalité dans la littérature antique, Berne – Berlin – Bruxelles et al., 2009, p. 175-199, montre combien la personne de l’« auteur », important éventuellement sa socialisation externe, implante les merveilles dans le monde vécu.

280 P. LI CAUSI, « Portrait du philosophe en Pline l’Ancien. Les fonctions du nom d’Aristote chez Plin. HN 8-11 », dans Y. LEHMANN (dir.), Aristoteles Romanus. La réception de la science aristotélicienne dans l’Empire gréco-romain, Turnhout, 2013, p. 107-120.

281 PLINE L’ANCIEN, HN,22, 20 ; 26, 18 ; 27, 57 ; 28, 37, 81, 89, 94, 100 (?), 118 ; 30, 1 ; 37, 54 et 124 ; J. B. RIVES, « Magus and its cognates in Classical Latin », n. 30, p. 63.

282 Françoise Gaide a montré au moins une exception, si ce n’est une contradiction, à ces règles : F. GAIDE, « Le cerf contre les serpents (Plin. nat. 28, 149-151) : deux lectures », dans A. DEBRU, N. PALMIERI (dir.),

« Docente natura ». Mélanges de médecine ancienne et médiévale offerts à Guy Sabbah, Saint-Étienne, 2001, p. 105-111.

283 Selon F. GAIDE, « Quelques réflexions à propos des modalités épistémiques, appréciatives et injonctives dans les textes médicaux latins », dans M. FRUYT, C. MOUSSY (éd.), Les modalités en latin, Paris, 2002, p. 67-75, la référence à un auteur, notamment la référence indéfinie, exprime « d’une manière syntaxiquement extra-prédicative ou intra-extra-prédicative » son incertitude, tandis que si Pline ne dit rien, c’est parce qu’il adhère implicitement.

284 Extrait cité supra, p. 51. PLINE L’ANCIEN, HN, 28, 2 : « Nous ne les rapporterons que sur la foi des auteurs...

(Fides tantum auctores appellet) ».

285 Vittorio Ferraro a compté, sur l’ensemble des indices de l’Histoire naturelle, 146 auteurs latins et 327 auteurs étrangers, pour un total de 473 : V. FERRARO, « Il numero delle fonti, dei volumi e dei fatti della Naturalis Historia di Plinio », ASNP 5 (1975), p. 519-533. L’existence même des index montre le poids de l’argument d’autorité dans l’entreprise encyclopédique.

avait besoin de sources clairement identifiables par un lecteur susceptible d’y avoir accès à son tour286. C’est aussi ce qui explique, je pense, ses arrêts sur l’histoire de la médecine et de la magie, qui ne servent pas seulement à remettre les données médicales et magiques dans leur contexte, mais aussi à situer dans un système de pensée les auctores en question, en donnant une grille de lecture. En ajoutant qu’il a sélectionné essentiellement des données présentes chez plusieurs auteurs, Pline donne à penser que ce qu’on lira dans l’inventaire est du domaine de la connaissance partagée. Et de fait, il transmet assez souvent plusieurs versions d’un même remède ou souligne des divergences. Les auctores s’expriment souvent au pluriel (tradunt... ou les « medici », ou bien sûr, les « magi ») et Pline ne renvoie qu’occasionnellement à un auteur individuellement, ce qui finit par mettre en avant de façon plus ou moins subjective, en bien ou en mal, l’auctor qui reçoit ce statut particulier.

II.1. Le choix d’une espèce : puissances médicales et symbolisme

Deux systèmes d’organisation s’offrent à qui veut traiter de pharmacologie : un ordre par espèces et un ordre par maladies, le premier étant caractéristique d’un « bestiaire » – c’est sous cette forme qu’est classée la matière animale dans la Matière médicale de Dioscoride et dans les livres II à IV des Cyranides. Le classement par espèces animales paraît plus agréable et plus propre à l’émerveillement parce qu’il permet de relever véritablement les particularités de chaque espèce comme autant d’illustrations de la puissance de la Nature : c’est justement ce que Pline fait temporairement au début du livre 32. Mais en raison des objectifs utilitaires exposés dans l’introduction du livre 28, il préfère classer la matière en fonction des maux qu’elle permet de combattre et, dès lors, la trame principale de l’inventaire pharmacologique est celle qui suit ce classement in morbos287. Un tel fonctionnalisme n’est pas une originalité.

C’est celui qui dirige les parabilia (gr. εὐπόριστα), c’est-à-dire des recueils de remèdes à l’usage d’une familia : en cela, Pline a eu ses prédécesseurs et ses successeurs, en particulier Marcellus de Bordeaux288. L’idée étant de fournir à l’usage du maître de la familia une liste de remèdes, le recueil doit permettre à celui-ci de trouver facilement la médication qui convient à la situation à laquelle il est confronté. Dans l’Histoire naturelle, le recueil a pris des proportions énormes, à la mesure du projet d’inventaire qui a conduit Pline à recenser le plus

286 P. SINCLAIR, « Rhetoric of Writing and Reading in the Preface to Pliny’s Naturalis Historia », dans A. J. BOYLE, W. J. DOMINIK (éd.), Flavian Rome: Culture, Image, Text, Leyde – Boston, 2003, p. 278-299, montre que Pline propose ses sources et son œuvre selon une idéologie de la production écrite.

287 PLINE L’ANCIEN, HN,28, 149 : digeremus enim in mala singula usus, « Nous les répartirons donc suivant leur emploi par maladies... »

288 C. OPSOMER, R. HALLEUX, « Marcellus ou le mythe empirique », dans P. MUDRY, J. PIGEAUD (éd.), Les écoles médicales à Rome, Genève, 1991, p. 159-178. Le plus ancien exemplaire du genre devait être les Euporista d’Apollonios Mus, à la fin du Ier siècle avant notre ère.

possible de matière dans la documentation à sa disposition. Si Pline s’autorise quelques exposés ayant pour thème une espèce animale, ce sont des exceptions au sein une trame générale, qui se décompose en réalité en trois listes de maladies et remèdes : (1) le livre 28, (2) les livres 29 et 30 ensemble et (3) le livre 32289. Dans chaque liste, le plan par maladies (in morbos), ou plus exactement par types de problèmes (in mala singula) est reproduit en suivant relativement le même ordre a capite ad calcem (« de la tête aux pieds »). En fait, Pline commence régulièrement par les venins et empoisonnements (toxicologie), puis détaille les maladies de la tête aux pieds (chevelure, visage, yeux, oreilles, dents, bouche, gorge, cou, les organes du haut du tronc, les organes du ventre, les côtés et le dos, les organes du bas-ventre, les jambes et les pieds), puis des maladies qui peuvent concerner l’ensemble du corps – notamment certaines grandes maladies comme le « mal comitial » (épilepsie), le « mal royal » (jaunisse), le « feu sacré » (érysipèle) – puis des problèmes spécifiquement féminins (gynécologie et obstétrique), suivis de traitements propres aux enfants (pédiatrie), et enfin, très rapidement, quelques données touchant au sommeil, à la sexualité, à l’ivresse et au traitement des animaux eux-mêmes. Comment, lorsque l’auteur évoque une affection, juge-t-il les différentes substances animales que lui propose la littérature pharmacologique ?

II.2.a. Le choix d’une espèce. Pourquoi du hibou ?

La chair de cerf, comme nous l’avons dit, chasse les fièvres ; pour celles qui reviennent à jour fixe, on les guérit, si l’on en croit les Mages, en portant sur soi l’œil d’un loup conservé dans le sel. Il est un genre de fièvre appelé amphemerinos ; on s’en délivre, dit-on, en buvant dans deux hémines d’eau, trois gouttes de sang prises dans une veine de l’oreille d’un âne. Pour la fièvre quarte, les Mages ordonnent de porter en amulette de la fiente de chat avec un doigt de hibou (excrementa felis cum digito bubonis adalligari) et de ne les enlever, pour éviter les rechutes, qu’après la fin du septième accès. Qui a bien pu, je le demande, inventer cela ? Qu’est-ce que ce mélange ? Pourquoi a-t-on choisi de préférence un doigt de hibou (Cur digitus potissimum bubonis electus est) ? De plus modestes ont dit qu’il faut prendre dans du vin, avant les accès de fièvre quarte, le foie, conservé dans le sel, d’un chat tué pendant le décours de la lune. Ces mêmes Mages enduisent les doigts des pieds et des mains avec de la cendre de bouse de bœuf arrosée d’urine d’enfant. Ils

289 Soit, précisément : HN, 28, 149 à 267 ; 29, 59 à 30, 149 ; 32, 42 à 140. Le texte exprime le début de chaque section : « Nous les répartirons [les espèces] donc suivant leur emploi par maladie, et nous parlerons d’abord de leur usage contre les serpents » (28, 149) ; « Reprenons maintenant l’ordre que nous avons adopté » (29, 58) ; « A partir d’ici nous allons ranger les bêtes aquatiques par maladies... » (32, 42). P. GAILLARD-SEUX, « À propos des livres XXVIII-XXIX-XXX de l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien », Latomus 57.3 (1998), p. 625-633, a montré que, bien que le livre 30 commence par un long exposé d’histoire de la magie, il n’est pas proprement consacré à la « magie » et est parfaitement solidaire du livre 29. Ce dernier finit de la sorte : « dans le livre suivant nous parlerons du traitement des autres genres de maladies par ces mêmes animaux ou par ceux de même espèce » (29, 143). Le livre 29 finit en effet sur les problèmes des oreilles et, après l’histoire de la magie, on reprendra à partir des maux de dents, dans la logique de l’inventaire.

font porter en amulette un cœur de lièvre et boire la présure <de l’animal> avant les accès. On donne aussi (datur et), avec du miel, du fromage de chèvre frais dont on a soigneusement exprimé le petit-lait290.

Pline rassemble ici différents remèdes proposés pour soigner les fièvres. Celles-ci sont des entités nosologiques très répandues dans la littérature médicale de l’Antiquité gréco-romaine, même si elles restent difficiles à contenir dans une terminologie moderne291. Pline accorde probablement du crédit à la viande du cerf, animal dont il disait au livre 8, qu’il

« n’est pas sensible aux fièvres, et même il les guérit (febrium morbos non sentit ... quin et medetur huic timori) », et que « nous savons que certaines dames de rang princier avaient coutume naguère de manger un peu de viande de cerf chaque matin, et que durant leur longue vie elles échappèrent aux fièvres. Mais on estime que ce remède ne vaut que si l’animal est mort d’une seule blessure »292, anecdote contradictoire avec le savoir diététique293. Le savoir des « mages » cités ici prend une tournure nettement préventive. En suivant les principes énoncés par Guy Serbat, on peut voir dans cette référence réitérée et insistante aux magi, une valeur globale pour tout le paragraphe. J’en distingue toutefois la dernière médication au fromage de chèvre, isolée : comme la chair de cerf, elle peut n’être qu’une donnée diététique.

Aux « mages » sont donc attribués clairement six traitements différents. L’un d’eux suscite une critique sous forme de questions rhétoriques : « Pourquoi a-t-on choisi de préférence un doigt de hibou ? » Pline ironise en mettant l’accent non sur le fait de porter une amulette ou même sur la posologie – dont le chiffre sept a probablement une valeur symbolique – mais sur la nature des substances, et plus précisément sur le choix des espèces et de leur combinaison.

L’interrogation porte ici plus spécialement sur un animal qui n’est pas à sa place, le hibou. Nous sommes ici dans la première des trois grandes listes que j’ai signalées, celle du livre 28. Or, les animaux concernés par ce livre sont essentiellement des animaux « de notre

290 PLINE L’ANCIEN, HN, 28, 228 : Febres arcet ceruorum caro, ut diximus ; eas quidem quae certo dierum numero redeunt, oculis lupi dexter salsus adalligantusque, si credimus Magis. Est genus febrium quod amphemerinon uocant ; hoc liberari tradunt, si quis e uena auris asini tres guttas sanguinis in duabus heminis aquae hauserit. Quartanis Magi excrementa felis cum digito bubonis adalligari iubent et, ne recidant, non remoueri septeno circumitu. Quis hoc, quaeso, inuenire potuit ? Quae est ista mixtura ? Cur digitus potissimum bubonis electus est ? Modestiores iocur felis decrescente luna occisae inueteratum ale ex uino bibendum ante accessiones quartanae dixere. Idem Magi fimi bubuli cinere consperso puerorum urina inlinunt digitos pedum manuumque. Leporis cor adalligant, coagulum ante accessiones propinant. Datur et caseus caprinus recens cum melle diligenter sero expresso.

291 Peut-être le paludisme et la pneumonie : M. D. GRMEK, Les maladies à l’aube de la civilisation occidentale.

Recherches sur la réalité pathologique dans le monde grec préhistorique, archaïque et classique, Paris, 1983, p. 399.

292 PLINE L’ANCIEN, HN, 8, 119 : Quasdam modo principes feminas scimus omnibus diebus matutinis carnem eam degustare solitas et longo aeuo caruisse febribus, quod ita demum existimant ratum, si uulnere uno interierit.

293 HIPPOCRATE, Du régime, 2, 46.4 : Ἐλάφου δὲ ξηραίνει μέν, ἧσσον δὲ διαχωρεῖ, οὐρεῖται δὲ μᾶλλον, « [la viande] du cerf dessèche, est moins laxative et plus diurétique [que celle du sanglier] ».

monde » (nostrum orbem)294. Ce sont exclusivement des quadrupèdes terrestres « du terroir », animaux domestiques avec leurs équivalents sauvages, censés êtres plus forts295 (bovidés, équidés, capridés, suidés), auquels s’ajoutent des animaux sauvages emblématiques (cervidés, ours, loup, renard, lièvre, chat296, blaireau), sans aucune ambiguïté : soit l’animal est sauvage, soit il est domestique297. Mais le véritable dénominateur commun est constitué par les substances détaillées au début de la liste : ces animaux produisent des graisses, des os, du sang et de la bile, on en tire des produits laitiers ; ce sont là des « animaux vrais », ceux qui, morphologiquement, occupent le cercle le plus proche de l’homme dans la pensée de l’animalité298. Du point de vue de l’homme romain propriétaire terrien, ce sont les mammifères de la ferme et de ses environs, que l’on élève pour leur chair ou leur lait, ou bien que l’on chasse. On peut faire figurer d’un côté les mammifères de pacage (bovins, chèvres, chevaux, ânes, porcs)299 avec leurs équivalents sauvages, les prédateurs ou « fauves » locaux (comme le loup et le renard, mais aussi le chat et l’ours), et autres animaux que l’on chasse (comme le lièvre et le cerf). C’est donc le chat (felis) qui a son entrée ici, mais c’est sur le hibou que Pline insiste.

II.1.b. Un mauvais signe

Ce rapace, comme l’ensemble des rapaces nocturnes, est un oiseau de mauvais augure dans la tradition romaine. Dans la littérature latine, comme dans la littérature grecque, hiboux

294 PLINE L’ANCIEN, HN,28, 123.

295 Propriétés plus actives de l’onagre par rapport à l’âne (28, 158), du cheval sauvage (equifer) par rapport au cheval sur simple déduction de la part de Pline, de même que l’auroch et le bison par rapport aux autres bovins (28, 159).

296 Le latin felis pourrait désigner plus largement tout petit mammifère carnivore sauvage, dont le chat sauvage : L. BOBIS, Une histoire du chat, de l’Antiquité à nos jours, Paris, 2000, p. 30-31. Il traduit sans doute ici le grec αἴλουρος, « chat », lequel peut également avoir désigné un mustélidé (K. F. KITCHELL Jr., « Ailouros », dans ID., Animals in the Ancient World from A to Z, p. 2, et « Cat », p. 24-25). mais l’animal ne figure pas ici en tant qu’animal de compagnie, ce qu’il n’est guère en Italie à l’époque de Pline. Dans l’iconographie pompéienne le chat est un chasseur d’oiseaux, image exotique et érotique pour les riches habitants de la ville, cf. R. ROBERT, « Le chat, d’Aristote à la maison du Faune », dans M. LOUBET, D. PRALON (dir.), Poïkiloï karpoï. Exégèses païennes, juives et chrétiennes. Études réunies en hommage à Gilles Dorival, Aix-en-Provence, 2015, p. 273-282.

297 Selon une véritable polarité de l’animal dans la pensée romaine : L. BODSON, « Points de vue romains sur l’animal domestique et la domestication », dans Homme et animal dans l’Antiquité romaine, Tours, 1995, p. 7-49.

298 F. POPLIN, « Matière, animal, homme, esprit. Introduction à l’animal dans les pratiques religieuses », dans P. MENIEL (éd.), Animal et pratiques religieuses : les manifestations matérielles, Paris, 1989, p. 13-21.

299 Sans tenir compte d’une distinction comme COLUMELLE, De l’agriculture, 6, pr. 6 : igitur cum sint duo genera quadripedum quorum alterum paramus in consortium operum, sicut bouem mulam equum asinum, alterum uoluptatis ac reditus et custodiae causa, ut ouem capellam suem canem, « Ainsi, comme il y a deux espèces de quadrupèdes, les uns que nous nous procurons pour partager avec nous nos travaux, comme le bœuf, la mule, le cheval et l’âne, et les autres que nous nourrissons soit pour notre agrément, soit pour en tirer du revenu, ou pour l’employer à la garde des autres bestiaux, comme la brebis, la chèvre, le porc et le chien ».

et chouettes conjuguent les traits négatifs du rapace, violeur ou assassin, et le soupçon de malfaisance qui pèse sur l’oiseau de nuit300. L’inventaire distingue l’axion (asio), traduction du grec σκώψ, du hibou, bubo, lequel traduit peut-être alors le grec νυκτικόραξ, tandis que noctua, la chouette, correspond au grec γλαύξ301. Le nuktikorax, ou « corbeau-de-nuit », est un animal difficile à identifier dans les textes grecs, où il peut à la fois être un rapace nocturne et un bihoreau gris (Nycticorax nycticorax L.), de la famille du héron (Ardéidés)302. Le nuktikorax est un « messager de malheur » (κακάγγελον), Horapollon maintient que son cri signifie la mort et selon Artémidore d’Éphèse tous les oiseaux de nuit sont de mauvais présages – en dehors de la chauve-souris pour les femmes enceintes303. Élien confirme par une anecdote le caractère funeste de la chouette : l’oiseau se tenait sur la lance de Pyrrhos d’Épire, avant sa mort à Argos304. Outre la pratique ci-dessus, l’inventaire signale le hibou (bubo) en remède contre le venin de serpent, pour le soin des cheveux, le bien de la rate, pour guérir la phrénitis, des douleurs des nerfs, des plaies ou la gale305. Ses yeux éclaircissent la vue et son sang fait friser les cheveux306. Son cœur en amulette donne du courage dans les

et chouettes conjuguent les traits négatifs du rapace, violeur ou assassin, et le soupçon de malfaisance qui pèse sur l’oiseau de nuit300. L’inventaire distingue l’axion (asio), traduction du grec σκώψ, du hibou, bubo, lequel traduit peut-être alors le grec νυκτικόραξ, tandis que noctua, la chouette, correspond au grec γλαύξ301. Le nuktikorax, ou « corbeau-de-nuit », est un animal difficile à identifier dans les textes grecs, où il peut à la fois être un rapace nocturne et un bihoreau gris (Nycticorax nycticorax L.), de la famille du héron (Ardéidés)302. Le nuktikorax est un « messager de malheur » (κακάγγελον), Horapollon maintient que son cri signifie la mort et selon Artémidore d’Éphèse tous les oiseaux de nuit sont de mauvais présages – en dehors de la chauve-souris pour les femmes enceintes303. Élien confirme par une anecdote le caractère funeste de la chouette : l’oiseau se tenait sur la lance de Pyrrhos d’Épire, avant sa mort à Argos304. Outre la pratique ci-dessus, l’inventaire signale le hibou (bubo) en remède contre le venin de serpent, pour le soin des cheveux, le bien de la rate, pour guérir la phrénitis, des douleurs des nerfs, des plaies ou la gale305. Ses yeux éclaircissent la vue et son sang fait friser les cheveux306. Son cœur en amulette donne du courage dans les

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