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Dans une autre mesure, l’étude rapportée dans le chapitre 2 nous a permis de sélectionner les souches Lb102 et Bf141 par une méthode de screening dans un modèle in

vivo. Au cours des analyses, nous avons pu noter que les effets bénéfiques de ces deux

souches pouvaient dépendre de mécanismes différents au niveau intestinal. En effet, Lb102 a induit une amélioration de l’intégrité de la barrière intestinale en augmentant significativement l’expression de muc2, muc3, occludin et zo-1. Ce n’était pas le cas de Bf141, qui diminue spécifiquement tlr4, alors que ces souches bactériennes ont toutes 2 significativement réduit l’expression du récepteur aux endocannabinoïdes codé par cb1. De plus, au niveau du phénotype et du métabolisme physiologique des souris, la supplémentation des 3 souches différentes de Lactobacillus et des 2 souches de Bifidobacterium ont induit des effets différents. Par exemple, Lb38 et Lb102 ont significativement inhibé l’accumulation d’un surplus de poids normalement induite par la diète obésogène, alors que la souche L79 n’a pas eu d’effet, ni sur la tolérance au glucose ou la sensibilité à l’insuline. De nombreuses autres études ont démontré que les effets des bactéries sont spécifiques de la souche étudiée295,389–391. C’est le cas notamment chez le rat, un modèle dans lesquels 4 souches

B.M13-4 augmentait la prise de poids des animaux sous diète HF alors que B.L66-5 la diminuait significativement, et que les souches B.L75-4 et B.FS31-12 n’avaient pas d’effet391. Dans notre étude, nous avons mis en évidence que les 2 souches de B. lactis sub.

animalis présentaient également des effets souche-dépendants. Il est donc nécessaire

d’étudier le potentiel de chaque souche et non de se contenter de décrire les effets d’une famille ou d’une espèce de bactéries. De manière similaire, certains résultats découlant des analyses de séquençage de l’ARNr 16S démontrent qu’il faut encore rester prudent sur le rôle spécifique d’une espèce bactérienne donnée. En effet, de récentes études ont montré des effets contradictoires de la présence de Prevotella copri en association avec les effets au niveau métabolique de l’organisme hôte. Pedersen et al. ont notamment mis en évidence que

P. copri induit la résistance à l’insuline, une diminution de la tolérance au glucose, le tout

associé à une augmentation du taux circulant de BCAA392. À l’inverse, Kovatcheva-Datchary et al. ont rapporté que la présence de P. copri est positivement associée à une amélioration

du métabolisme du glucose393.

D’autre part, dans le chapitre 3, nous avons évalué le potentiel anti-obésité d’une souche de P. freudenreichii P35 et démontré que ce traitement a induit une diminution significative de la prise de poids, associée à une diminution de la masse grasse viscérale, une réduction de l’inflammation du TAV et une amélioration de la sensibilité à l’insuline. Fait intéressant de cette étude, c’est que la réduction significative du poids du TA brun a été accompagnée d’une réduction des lipides cellulaires par rapport au groupe HFHS-véhicule, suggérant une augmentation de la lipolyse ou de la thermogenèse. Dans le cadre de cette étude, nos expériences ne nous ont pas permis de définir le mécanisme sous-jacent de cet effet positif. Dans une autre étude réalisée à Bordeaux (annexe 2), nous avons reproduit ce protocole avec une diète obésogène similaire à la HFHS préparée à Québec. Nous avons donc testé une autre souche de P. freudenreichii (Pr), et démontré que l’administration de cette bactérie avait également un effet bénéfique sur la prise de poids, avec une diminution significative du poids du TAV (rpWAT et eWAT) sans modulation du TASC. Dans cette étude, la souche tendait à améliorer la tolérance au glucose (p=0.0761) malgré une augmentation de la glycémie initiale. Cependant, ce traitement n’a pas induit de changement dans l’accumulation de lipides au niveau du TA brun, tel que mis en évidence dans le chapitre

3. Par contre, de façon similaire à la souche P35, le traitement des souris avec la souche Pr a permis de diminuer la concentration plasmatique de la lipocaline 2, qui est un marqueur de l’inflammation intestinale394. Cet effet n’a pas été observé avec les souches Lb102 et Bf141. L’analyse du MI par séquençage de l’ARNr 16S est en cours, mais les premières analyses par qPCR démontrent que, comme pour la souche P35, Pr n’aurait pas induit de changement majeur des populations bactériennes du MI. Les bactéries appartenant aux

Propionibacterium sont capables de produire de nombreuses molécules tels que le

propionate, la vitamine B12, des bactériocines, des CLA (conjugated linoleic acids) et des protéines membranaires aux propriétés anti-inflammatoires 295,395,396. Cependant, la production de ces métabolites est souche-dépendant, ce qui peut notamment expliquer les différences dans les effets observés après l’administration de souches distinctes. Fait intéressant à noter, une récente étude a mis en évidence une corrélation négative entre la concentration de vitamine B12 et l’IMC397 sans pour autant rapporter de corrélation avec l’intolérance au glucose ou la résistance à l’insuline. Il est donc plausible d’envisager que les effets anti-obésité similaires obtenus après l’administration de P35 ou de Pr (annexe 2) pourraient dépendre de la production de vitamine B12. La caractérisation in vitro des différentes souches bactériennes pourrait nous permettre de mieux comprendre les échanges possibles avec l’organisme hôte, qu’ils soient directs ou indirects. Dans le cas des 2

Propionibacterium, il serait notamment intéressant de mesurer la capacité des souches à

produire la vitamine B12.