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IDENTITE PROFESSIONNELLE SOCIODISCURSIVE

METHODOLOGIE D’ENQUÊTE

IDENTITE PROFESSIONNELLE SOCIODISCURSIVE

AXE SUBJECTIF AXE OBJECTIF

Domaine de l’énonciation Discours social Identité personnelle à l’œuvre dans

le discours, trajectoire personnelle sous-jacente au discours

Identité sociale à l’œuvre dans le discours, résultante de la formation ou des diplômes

183 OSTY (F), Le désir de métier, engagement, identité et reconnaissance au travail, PUR, RENNES, 2003, page 98.

184 OSTY (F), ibid, page 101.

Codage spécifique du sujet pour

l’individu Contraintes de modalisation du

discours imposées par le groupe professionnel

Appréciations subjectives, place du sujet dans l’énonciation,

J’entends par discours social un discours attendu par un groupe social donné en terme de contraintes particulières (lexiques, syntaxe, thématiques abordées) et énonciation « le lieu d’ancrage le plus manifeste de la subjectivité langagière »185, les deux constituant un discours particulier entendu comme « un ensemble de phrases reliées par certains principes – à déterminer – de cohérence, qui font qu’elles sont immédiatement perçues comme constituant un tout autonome ».186 Ces notions de cohérence et d’unité du discours sont loin d’être évidentes à appréhender. Elles posent bien des problèmes de délimitation et de définition, la question essentielle étant celle-ci : « Existe-t-il des éléments de niveau lexico-grammatical (des mots) qui contribuent directement et systématiquement à assurer la continuité sémantique du discours ? »187 Autrement qu’est-ce qui permet au chercheur de qualifier de cohérent un texte, quels sont les critères sémantiques qui permettent de déterminer les contours d’un discours ?

Peut-être que l’analyse des discours ne fait pas autre chose que de tenter de déterminer les critères de cohérence et d’unité transphrastique d’un texte. En tous les cas, à cet endroit de la réflexion le discours me pose problème quant à la pertinence de son acception pour traiter de l’identité professionnelle. Qu’est-ce qui permet en effet de mesurer où commence et où finit un discours appliqué au champ professionnel indépendamment des marques formelles de type début et fin de l’entretien ? On préférera donc pour l’instant l’analyse de données ou de contenus à celle de discours.

L’analyse de contenus : formes et méthodes

DUBAR et DEMAZIERE considèrent que « le sens d’un entretien [est]

construit par et dans sa mise en mots, en paroles qui constituent la matière première de la signification. […] C’est dans l’analyse de l’usage qui est fait de la langue par le sujet que réside le moyen d’établir les sens possibles de ce qui est dit. La parole, dans cette perspective, n’est ni transparente ni opaque, elle est un véhicule du sens. »188

185 KERBRAT-ORECCHIONI (C), L’énonciation, Armand Colin, paris, 1999, page 37.

186 KERBRAT-ORECCHIONI (C), Ibid, page 9.

187 BAYLON (C), MIGNOT (X), Initiation à la sémantique du langage, Nathan Université, Paris, 2000, page 198.

Dans cette logique, les entretiens devront être menés avec une particulière attention. En effet, si l’on veut bien croire que la parole d’un sujet est le révélateur le plus immédiat de sa propre expérience au monde, la technique d’entretien devra aider la personne interrogée à faire le point, à faire émerger dans et par le dialogue avec le chercheur, le sens qu’elle a de la vie et du monde. La qualité d’une analyse de contenu dépend fortement de la force maïeutique de l’entretien. La non directivité a pour fonction de faciliter l’expression libre et argumentée de la logique de pensée de l’informateur, ainsi que de favoriser l’émergence de sa propre subjectivité à l’œuvre dans la représentation qu’il a de lui-même, des autres et du monde. C’est à ce prix et uniquement à ce prix que l’analyse de contenu en tant que mise à jour du sens, sera crédible et légitime.

L’analyse des données dans une perspective sociolinguistique doit étudier autant les caractéristiques formelles des discours (c’est-à-dire la manière dont les sujets encodent leur appartenance à un groupe professionnel) que les structures sémantiques qu’ils contiennent (structuration de l’univers sémantique et logique sociale du professionnel). Le souci est alors de décider les items significatifs, les grilles d’analyse pour étudier ces deux aspects fondamentaux des discours.

Pour ce faire, DUBAR et DEMAZIERE proposent une méthode assez séduisante puisque, comme toute méthode, elle a le mérite de baliser la démarche, avec le défaut évident qu’elle est beaucoup plus facile à lire dans l’ouvrage qu’aisée à mettre en œuvre ! Les auteurs ont travaillé sur des entretiens de personnes en voie d’insertion. Ce type d’entretiens diffère de l’entretien sociologique type au sens qu’ils sont conduits avant tout par la personne sondée que le chercheur préoccupé par son objet de travail. Du coup, la théorie produite par le chercheur rend compte d’une démarche inductive, c’est-à-dire une démarche qui ne produit pas de concepts ou de catégories prédéterminées, mais une « théorie émergente, adaptée, ajustée aux données ». Ce sont donc les entretiens qu produisent les catégories d’analyse et non le contraire. Les auteurs parlent de

« savoirs empirico-rationnels ».189

Trois moments clés composent la méthode du chercheur. Le chercheur va dans un premier temps analyser les structures de signification au niveau sémantique. C’est un travail d’observation, de recueil de données et dégage des catégories pertinentes. Ensuite, le chercheur détermine les ordres catégoriels à l’aide d’un schéma particulier issu de l’analyse de l’entretien elle-même. C’est un travail de classement du réel dans un ordre catégoriel délimité par l’analyse. Enfin, le chercher met à jour les logiques pratiques à l’ensemble des entretiens par agencement et intégration des ordres catégoriels précédents. Plus concrètement, les auteurs organisent l’analyse des entretiens autour de trois axes tout à fait pertinents :

188 DUBAR (C), DEMAZIERE (D), Analyse les entretiens biographiques L’exemple des récits d’insertion, Nathan, Paris, 1997, page 93.

189 DUBAR, DEMAZIERE, Analyse les entretiens biographiques L’exemple des récits d’insertion, Nathan, Paris, 1997, page 79.

- La manière dont les catégories s’agencent et se combinent. C’est qu’ils nomment « l’ordre catégoriel ».

- Les relations entre ces catégories. C’est ce qui pour eux constitue

« l’univers de croyances des personnes sondées ».

- Ce que veulent signifier les gens. C’est ce qu’ils nomment « les stratégies discursives ».

Les auteurs travaillent à la production d’un « schème [qu’ils ont] appelé spécifique et qui met en évidence le jeu des disjonctions/oppositions et des conjonctions/corrélations entre les mots-clés utilisés dans l’entretien pour désigner la structure du monde socioprofessionnel (monde vécu) et la position du sujet parlant dans ce monde. »190 Les sociologues poursuivent :

« il s’agit d’une démarche inductive qui ne présuppose aucune catégorie a priori mais fait émerger des catégories jugées pertinentes dans la structure du matériau.»191 En tous les cas, la méthode paraît séduisante.

Elle a beaucoup à voir avec l’analyse sémique (classement des lexiques issus de l’entretien en lexèmes) décrite par les structuralistes et peut constituer un moyens intéressant de rentrer dans le discours.

Discours et construction identitaire

L’identité professionnelle s’élabore dans la double dialectique de la représentation que le sujet a de sa fonction, de ses zones de compétence, et des représentations que ses collègues, ses responsables etc. ont de lui.

Les discours prescriptifs contribuent à ce mouvement. Ici, le discours est donc entendu comme une mise en mots de représentations stéréotypées de la profession d’autrui, représentations qui ont valeur de vérité et de prescription pour celui qui les encode. Le prescripteur a nécessairement un rapport de hiérarchie ou de commande vis-à-vis du professionnel. Au-delà de la forme linguistique, le discours est un acte de paroles qui tente d’arrêter et de définir la profession en question. Il va de soi qu’en général on préfère entendre de son supérieur hiérarchique une représentation positive ou qui nous conforte dans la représentation que nous avons de nous-mêmes. En ce sens, je distingue deux types de prescripteurs, les prescripteurs positifs et les prescripteurs négatifs. Ceci dit, selon le contexte social ou politique, selon les interlocuteurs, le jugement positif ou négatif des prescripteurs peut évoluer dans un sens ou dans un autre.

Les travaux de R. SAINSAULIEU conçoivent l’identité professionnelle dans un rapport de pouvoir. « L’identité désigne à la fois le permanence des moyens sociaux de la reconnaissance et la capacité pour le sujet à conférer un sens durable à son existence. (…) Elle est intimement liée au pouvoir car elle dépend des moyens de lute que l’individu trouve dans son

190 DUBAR (C), DEMAZIERE (D), Analyse les entretiens biographiques L’exemple des récits d’insertion, Nathan, Paris, 1997, page 271.

191 DUBAR, DEMAZIERE, Ibid, page 277.

expérience sociale pour imposer et faire respecter sa différence.»192 L’enjeu de la légitimité dans et par les discours d’autrui rend compte de la nécessaire « manifestation d’une position de pouvoir dans laquelle les ressources liées à la position dans l’organisation permettent de peser et de négocier les modes de reconnaissance dans l’activité. »193

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