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Chapitre 4: Chapitre 4 : Fabrication de dépôts multicouches et contrôle du procédé

4.9. Les méthodes de contrôle statistique des processus

4.9.6. Identification des variables représentatives de la stabilité du processus

Le procédé de soudage CMT crée, s’il est bien réglé, des dépôts réguliers, constitués des cordons ayant des largeurs et hauteurs relativement constantes, les écarts types mesurés étant de l’ordre de 0,1 à 0,2 mm en moyenne. Cependant, pour certains choix de paramètres, en particulier pour des vitesses de déplacement élevées, de plus fortes irrégularités géométriques peuvent apparaître, conduisant au phénomène de humping dans les cas extrêmes.

126 D’autre part, afin de gagner en productivité avec la technologie WAAM, les taux de dépôts maximum sont recherchés, ce qui conduit à ce placer généralement tout près des limites de stabilité du procédé, c’est-à-dire les limites assurant un transfert régulier de gouttelettes de métal fondu lors des court-circuit contrôlés. Les réglages permettant d’atteindre ces taux de dépôt maximum correspondent alors à des puissances électriques moyennes élevées, avec des risques de projections importants, pouvant générer des pertes de matière et des défauts géométriques si ces projections viennent se déposer sur les parties de la pièce déjà construites. Ces réglages optimisant le taux de dépôt pourront aussi être associés à des vitesses de déplacement élevées, pour éviter de former des dépôts de trop forte largeur, et les risques d’apparition de défauts géométriques sont alors accrus. Afin de garantir la qualité des pièces fabriquées et limiter les rebus, tout en optimisant la productivité, il est donc important de pouvoir suivre, si possible en continu, les caractéristiques des cordons déposés, de manière à détecter au plus tôt l’apparition de défauts géométriques et corriger les réglages du procédé avant qu’ils ne s’amplifient.

La mesure en cours de fabrication des évolutions géométriques des cordons déposés demeure délicate, même si des techniques, à base d’imagerie optique ou thermique notamment, peuvent être développées. Ces méthodes sont cependant relativement couteuses et d’une utilisation complexe. Une alternative consiste alors à utiliser des méthodes indirectes, basées sur l’analyse de caractéristiques facilement accessibles, telles que celles issues de l’enregistrement des courant et tension au cours de la fabrication, et de tenter de les corréler à l’apparition des défauts géométriques. Les formes d’onde de courant et d’intensité ont déjà été employées pour identifier les modes de transfert et la stabilité du procédé en soudage à l’arc GMAW [153]. Cependant, dans le cas du procédé de soudage CMT, les formes d’ondes très particulières du courant et de la tension associées au cycle de transfert CMT rendent l’analyse plus complexe, le choix des variables à étudier étant multiple. Il est alors nécessaire de posséder une bonne compréhension des phénomènes pour choisir celles qui sont les plus pertinentes. Toute irrégularité dans les signaux ne conduit en effet pas nécessairement à l’apparition de défauts géométriques visibles sur les cordons.

La Figure 4.9.7 présente des exemples d’enregistrements de tension et d’intensité caractéristiques du cycle CMT. Un signal stable comme celui présenté sur la Figure 4.9.7a conduit toujours à la formation d’un cordon régulier, présentant de faibles variations de hauteur et de largeurs, avec des écarts types inférieurs à 0,1 ou 0,2 mm. Le signal de la Figure 4.9.7b montre en revanche des irrégularités traduisant une instabilité du transfert des gouttelettes de métal. Il s’agit dans le cas présent d’un réglage conduisant à une l’énergie produite durant les phases d’arc insuffisante, et certaines gouttelettes se séparent mal du fil lors des court-circuit, produisant ces irrégularités du signal. Cependant, ces instabilités de transfert ne conduisent pas nécessairement à l’apparition de défauts géométriques visibles. En effet, si les irrégularités observées ne concernent que quelques cycles de transfert isolés, les quelques gouttelettes concernées n’affectent pas la géométrie globale du cordon, le bain liquide formé lors du dépôt, avant qu’il ne se solidifie, étant constitué de plusieurs dizaines de gouttelettes mélangées. Il faut donc en général une succession d’instabilités du cycle de transfert pour produire des défauts géométriques visibles.

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Figure 4.9.7 Evolutions du courant et de la tension du procédé CMT, montrant a) un signal régulier représentatif d’un régime de transfert stable, b) un signal irrégulier indiquant un régime de transfert instable.

Plusieurs caractéristiques des signaux électriques peuvent être analysées pour tenter de mettre en évidence l’apparition de défauts. Les caractéristiques les plus accessibles sont les tensions et intensités moyennes, calculées sur une période donnée. On peut cependant craindre que ces valeurs moyennes ne soient pas suffisantes pour révéler l’apparition de défauts, car elles ne tiennent pas compte de la spécificité des formes d’ondes du cycle CMT, qui produit des variations « naturelles » des tensions et intensités.

Pour pouvoir analyser de manière plus précise les signaux électriques enregistrés, le suivi des caractéristiques de chacune des phases du cycle CMT doit être réalisé. Chaque phase du cycle CMT (phases d’arc chaud, d’arc froid et de court-circuit) peut se caractériser par son intensité moyenne, sa tension moyenne et sa durée. Rappelons que la fréquence des cycles est un peu inférieure à 100 Hz, ce qui permet donc d’obtenir pour chacune de ces caractéristiques près de 100 mesures pour chaque seconde de dépôt. Les signaux de tension et d’intensité enregistrés ont donc été traités selon l’algorithme décrit dans le chapitre 3 (cf. 3.3.2), de manière à séparer les trois phases du cycle et à calculer leurs caractéristiques, pour chacun des cycles correspondant au dépôt d’un cordon réalisé avec des paramètres procédé fixés.

L’analyse des résultats obtenus a montré que l’évolution des intensités moyennes des différentes phases au cours des cycles n’était pas la caractéristique la plus pertinente pour observer l’apparition de défauts géométriques. En effet, l’intensité des phases d’arc chaud et de court-circuit est relativement régulière à chaque cycle, et suit assez fidèlement les valeurs de consignes Iboost et Isc2. En revanche, l’intensité de la phase d’arc froid est moins régulière, mais ses fluctuations naturelles, observées sur des cordons réguliers, sont du même ordre que les variations observées dans le cas de cordons présentant de fortes irrégularités géométriques.

Les évolutions au cours des différents cycles de la tension moyenne ainsi que de la durée de la phase d’arc froid, sont en revanche des informations beaucoup plus pertinentes pour révéler la formation d’un défaut géométrique. Les figuresFigure 4.9.8 etFigure 4.9.9 montrent l’évolution de la tension moyenne et de la durée des phases d’arc froid, respectivement pour un cordon régulier et pour un cordon irrégulier présentant de fortes ondulations. On peut ainsi constater en comparant les deux figures que lorsque des fluctuations de hauteur du cordon apparaissent, sous l’effet en particulier d’une vitesse de déplacement trop élevée ou d’une énergie produite par les phases d’arc trop faible, une augmentation de la tension moyenne des phases d’arc et de la durée de la phase d’arc froid est observée dans les zones ou les cordons sont les plus hauts. La tension moyenne des phases d’arc et la durée de la phase d’arc froid diminuent en revanche lorsque le cordon forme un « creux ».

128 Le produit de la tension moyenne avec la durée de la phase d’arc froid constitue également une bonne caractéristique pour le suivi de la géométrie des cordons, car il reflète relativement fidèlement les variations de hauteur des cordons (Figure 4.9.8 et Figure 4.9.9). Ce paramètre caractérise les variations d’énergie des phases d’arc, qui dépendent principalement de la phase d’arc froid, puisque les durées et intensités des phases d’arc chaud ne varient quasiment pas.

Figure 4.9.8 Evolution de la tension moyenne, de la durée, et du produit tension moyenne x durée des phases d’arc froid, pour un cordon régulier (point de fonctionnement 7 avec une vitesse de déplacement de 500 mm/min)

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Figure 4.9.9 Evolution de la tension moyenne, de la durée, et du produit tension moyenne x durée des phases d’arc froid pour un cordon irrégulier (paramètres du point de fonctionnement 7 avec une diminution de l’intensité Iboost à 100A et une vitesse de déplacement de 500 mm/min)