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Partie IV - Discussion

B. Préservation et sources de la MO

B.2. Sources de la MO

B.2.1. Identification des sources principales de la MO

Les résultats Rock-Eval, disposés dans un diagramme pseudo Van-Krevelen en fonction de la valeur des IH et IO (Figure IV-B.4), montrent que les sédiments sont composés en majorité de MO de Type III (terrestre), et dans une proportion plus faible, de Type I (lacustre). Les échantillons possédant de forts IH (entre 250 et 700 mg d’HC/g COT) et des IO compris entre 25 et 150 mg de CO2/g COT peuvent être considérés comme appartenant à un Type II (origine marine ou mélange entre un Type I et un Type III). Sachant que, pour l’intervalle considéré (entre 100 m et 400m), il n’y a pas d’occurrence de sédimentation marine, ces échantillons semblent donc contenir un mélange de MO de Type I, lacustre et de Type III, terrestre (Espitalié et al., 1985, Figure IV-B.4).

Une contribution de MO de Type I peut cependant être discutée. En effet, les sédiments riches en cires épicuticulaires de végétaux vasculaires et donc en lipides du type n-alcane, peuvent mimer la signature de MO de Type I purement lacustre (Lüniger et Schwark, 2001). Pour vérifier la source des échantillons possédant des fortes valeurs d’IH, les échantillons riches en marqueurs algaires (les 4-méthyl-stéranes) et riches en n-alcanes d’origine végétale supérieure (les n-alcanes impairs du n-C23 à n-C33) sont mis en avant dans les diagrammes pseudo Van-Krevelen (Figure IV-B.5 a et b). Les résultats montrent que les échantillons possédant des valeurs élevées d’IH sont pauvres en

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marqueurs algaires. Cette considération nous montre qu’il n’est pas possible d’utiliser l’indice IH comme traceur uniquement algaire et nous oblige à recourir à d’autres marqueurs, comme les 4-méthyle-stéranes, pour retracer la contribution algaire.

Figure IV-B.4 Disposition des échantillons dans un diagramme pseudo Van-Krevelen, modifié d’après Espitalié et al., 1985.

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Figure IV-B.5 Disposition des échantillons riches a) En 4-méthyl-stéranes et b) En n-alcanes de végétaux supérieurs dans le diagramme pseudo Van-Krevelen.

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La contribution de matériel algaire n’est pas seulement attestée par la présence de 4-méthyl-stéranes (Volkman, 1986 ; Hauke, 1994), mais aussi par celle de MO amorphe grise (MOAg, Batten,

1996 ; Sebag et al., 2006). La confrontation entre les proportions de MOAg et les concentrations en

4-méthyl-stérane, sur les échantillons ayant bénéficié à la fois d’analyses lipidiques et de comptages palynofaciès, montre qu’il n’existe pas de corrélation entre les proportions de MOAg et de 4-méthyl-stéranes ni entre les proportions de MOAg et les valeurs d’IH (Figure IV-B.6). L’absence de corrélation n’exclut néanmoins pas que ces deux marqueurs soient utilisés comme provenant d’une source algaire : il peut en effet y avoir deux types de producteurs algaires, dont l’un produit, entre autre, les 4-méthyl-stéranes et l’autre la MOAg. Pour la suite des interprétations, ces deux indices seront utilisés et discutés pour marquer la source algaire.

Figure IV-B.6 Diagramme de corrélation a) Entre les proportions de Matière Organique Amorphe grise (MOAg) et les concentrations en 4-méthyl-stéranes et b) Entre les proportions de MOAg et les valeurs d’Indice d’Hydrogène (IH).

La contribution de végétaux vasculaires est, quant à elle, attestée par la présence de molécules spécifiques de grands groupes de végétaux supérieurs ainsi que par l’observation au palynofaciès de cuticules et de débris ligno-cellulosiques plus ou moins bien préservées. Ainsi, la présence de n-alcanes impairs à longue chaîne (supérieurs à n-C23) confirme une forte contribution de végétaux vasculaires terrestres (Eglington et Hamilton, 1967).

Parmi les végétaux terrestres, la contribution de végétaux émergés et aquatiques flottants peut être détaillée en regardant les évolutions des valeurs du Paq (cf. Partie III-A Résultats). Ces valeurs montrent la majorité des contributeurs sont des végétaux émergés et végétaux aquatiques flottants. Effectivement, d’après la classification de Ficken et al. (2000), des valeurs principalement comprises entre 0,1 et 0,65 comme celles de nos échantillons signent la présence notable de ce type de végétaux.

Des composés spécifiques des grands groupes de végétaux vasculaires (gymnospermes, fougères et angiospermes) ont été identifiés :

- Parmi les composés spécifiques des gymnospermes ont été identifiés plusieurs diterpènes parmi lesquels le 13-méthylpodocarpa-8,11,13-triène le 19-norabiétatriène, la simonellite et

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le totarane, l’abiéta-8,11,13-trien-7-one et le ferruginol (cf. Partie III-A-résultats). Les diterpènes sont en effet, classiquement produits par des résines de conifères (Noble et al., 1985). Quelques-uns permettent d’établir un lien taxonomique assez précis (Otto et Wilde, 2001). Ainsi, la simonellite et les squelettes de type abiétane (18-norabiéta-8,11,13-triène ou 19-norabiéta-8,11,13-triène et abiéta-8,11,13-trién-7-one) sont des dérivés d’acide abiétique retrouvés dans les Pinaceae (Simoneit, 1977; Laflamme et Hites, 1978; Simoneit et al., 1986). Le ferruginol est également un dérivé d’abiétane produit par les Taxodiacea (Otto et

al., 2001). Il est retrouvé dans les aiguilles et les résines actuelle de Taxodium (Taxodium

balticum, Otto et al., 1997) et dans les Cupressaceae (Otto et Wilde, 2001). Le totarane est proposé comme biomarqueur de Taxodiaceae, Cupressaceae et de Podocarpaceae (Otto et

al., 1997). Enfin, le 13-méthyle-podocarpa-8, 11, 13-triène a pour précurseur l’acide

podocarpique, produit par les Podocarpaceae et quelques espèces du genre Pinus (Otto et

Wilde, 2001) ;

- La contribution d’angiospermes est marquée par la présence de triterpènes pentacycliques. En effet, à l’exception des hopanes, les triterpènes pentacycliques sont communément produits par les angiospermes (Cranwell et al. 1984; Lohmann, 1988). Les des-A-triterpènes, les composés aromatiques #32 à #45 et les composés cétones #52 à # 55 ont été assignés à la famille des triterpènes pentacycliques (cf. Partie III-A-résultats). Certains composés sont communs à l’ensemble des angiospermes : c’est par exemple le cas de la β-amyrénone et de l’α-amyrénone. D’autres composés comme la miliacine sont plus spécifiques. Ce composé appartient à la famille des éthers méthyliques de triterpènes pentacycliques qui sont couramment retrouvés dans plusieurs genres de la famille des Graminae (Ohmoto et al.,

1970 ; Jacob et al., 2005). La présence de miliacine dans des échantillons aussi anciens, si elle

est validée, est d’une importance considérable. En effet, la miliacine n’a pour le moment été décrite que dans des échantillons datant de moins de 20 000 ans (Jacob, 2003). Les Graminae sont pourtant connues depuis le Crétacé (Prasad et al., 2005), mais de façon anecdotique avant l’émergence et l’explosion des Graminae à métabolisme en C4 au Miocène. Le calendrier de cette émergence est très discuté. Certaines études proposent qu’elle ait lieu à la transition entre le Miocène supérieur et le Pliocène, et notamment du fait de l’aridification impactant cette transition (Edwards et al., 2010). D’autres auteurs proposent que ce soit le brutal changement climatique Eocène-Oligocène qui ait joué un rôle prépondérant dans l’émergence de ces plantes (Urban et al., 2010). Le δ13C de la miliacine (-27,6‰ ; Partie

III-A-Résultats) est intermédiaire entre celui de la miliacine extraite de Chionochloa sp. (-33‰),

une plante au métabolisme en C3, et de la miliacine extraite de Panicum miliaceum (-23‰), une plante en C4 (Jacob et al., 2008). Cela exclut donc une contamination des échantillons par de la miliacine extraite de P. miliaceum, abondante à l’ISTO. Cette découverte pourrait donc constituer la plus vieille occurrence d’un biomarqueur moléculaire spécifique de Gramineae. Elle ne permet pas, en revanche, d’appuyer l’ancienneté des Gramineae en C4 jusqu’à l’Eocène…

- Les fougères sont attestées par la présence de composés à squelette de type fernène (des-A-fernène, ferna-7,9(11)-diène et un des isomère du fernène). Ces composés sont principalement produits par les fougères (Ageta et al., 1968; Paull et al., 1998) mais également, dans de rares cas, par des bactéries (Brassell et Eglington, 1983 ; Volkman,

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1986 ; Jaffé et Haussmann, 1995) et par des Gramineae (Ohmoto et al., 1970). La bonne

corrélation entre ces trois composés peut laisser penser qu’ils ont une source commune. La mauvaise corrélation entre les marqueurs bactériens (les hopanes) et les fernènes nous permet également d’exclure les bactéries comme producteurs de fernènes, à moins que ces derniers soient les produits d’une autre souche bactérienne (Figure IV-B.7). Une attribution des fernènes aux fougères avait été proposée dans une étude de sédiments lacustres d’âge Paléocène-Eocène (Garel et al., 2014). L’onocérane peut également être un produit de dégradation de molécules produites par les fougères (Pearson et Obaje, 1999) bien que

Jacob et al. (2004) l’attribuent au genre Ononis (Fabaceae).

Figure IV-B.7 Diagramme de corrélation entre les fernènes et les hopanes.

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