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PARTIE I : EVENEMENTS INDESIRABLES MEDICAMENTEUX

2. Iatrogénie et Evènements indésirables médicamenteux

Le terme "iatrogène" vient du grec "yατροs = médecin" et "γενειν = engendrer". Initialement, le terme s’appliquait à la pathogénie d’origine médicamenteuse. En 1996, le rapport de la conférence nationale de santé en donnait une définition ciblant tous les actes médicaux : est iatrogène "toute pathogénie médicale au sens large, compte tenu de l’état de l’art à un moment donné, qui ne préjuge en rien d’une erreur, d’une faute ou d’une négligence". Le Haut Comité de Santé Publique en 1998, dans sa contribution aux réflexions sur la lutte contre l’iatrogénie, la caractérise comme "les conséquences indésirables ou négatives sur l’état de santé individuel ou collectif de tout acte ou mesure pratiqué ou prescrit par un professionnel habilité et qui vise à préserver, améliorer ou rétablir la santé"[8].

Un événement indésirable médicamenteux (EIM), synonyme d’événement iatrogène médicamenteux selon la SFPC [1] est défini par celle-ci comme un dommage survenant chez le patient, lié à sa prise en charge médicamenteuse. Un EIM résulte soit de soins appropriés, soit de soins inadaptés ou encore d’un déficit de soins. L’EIM peut se traduire, notamment par l’aggravation de la pathologie existante, l’absence d’amélioration attendue de l’état de santé, la survenue d’une pathologie nouvelle ou prévenue, l’altération d’une fonction de l’organisme ou une réaction nocive due à la prise d’un médicament. Ces EIM concernent les établissements de santé à deux titres. Une partie d’entre eux est à l’origine même de l’hospitalisation : ils résultent d’une prise en charge antérieure en milieu hospitalier ou extra-hospitalier. Une autre partie de ces EIM peut survenir pendant l’hospitalisation. Ils sont alors, le plus souvent, consécutifs aux soins

prodigués lors du séjour. Mais ils peuvent aussi résulter de soins préalables à l’hospitalisation [24].

On parle donc d’iatrogénèse médicamenteuse lorsque la thérapeutique médicamenteuse induit des effets, réactions, événements ou accidents indésirables, tant en raison des effets propres des médicaments concernés qu’à cause du contexte et des modalités de leur utilisation. L’iatrogénèse médicamenteuse représente un problème majeur de santé publique connu des pharmaciens, mais longtemps ignoré, en France notamment. [4]. La pathologie iatrogène médicamenteuse nosocomiale est un problème pour lequel la responsabilité de l’établissement hospitalier est de plus en plus souvent engagée [25]. Certaines pathologies iatrogènes sont inhérentes à l’usage des médicaments dans les conditions normales d’emploi et donc inévitables [25].

D’autres sont évitables car elles résultent d’une utilisation des médicaments non conforme aux indications et recommandations [25]. Il s’agit alors d’erreur médicamenteuse (EM) [1].

Depuis 1998, l’AFSSaPS (Agence Française de Sécurité Sanitaire de Produits de Santé) s’est engagée dans un programme d’évaluation, de prévention et de gestion des risques iatrogènes médicamenteux évitables [26].

Ces EM à l’hôpital impliquent, pour une grande part, des dysfonctionnements non intentionnels dans l’organisation du circuit du médicament à l’hôpital [25]. Parce que la traduction clinique est souvent peu visible, le risque est sous estimé et mal pris en compte par les autorités et les professionnels de santé [25].

En conclusion, la survenue d’un EIM ne signifie pas nécessairement qu’une EM a été commise dans la prise en charge du patient, ni dans l’établissement où il est pris en charge, ni en amont. Certains des EIM sont, en effet, la conséquence de risques inhérents aux processus de soins. Seuls certains de ces événements peuvent être considérés comme « évitables » et un EIM est, au contraire, jugé inévitable si la prise en charge du patient a été considérée comme satisfaisante, notamment dans l’appréciation du rapport bénéfice / risque ayant donné lieu aux décisions de soins [24].

2.2. Epidémiologie des EIM

En 2004, la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES) du Ministère de la Santé a mis en place une étude nationale sur les événements indésirables liés aux soins dans les établissements de santé. L’Etude Nationale sur les Evénements Indésirables graves liés aux Soins (ENEIS) [24] avait ainsi un double objectif :

 estimer l’incidence des événements indésirables graves (EIG) observés en milieu hospitalier et leur caractère évitable, qu’ils soient cause d’hospitalisation ou survenus pendant l’hospitalisation ;

 analyser les causes latentes de tous les événements évitables survenus pendant l’hospitalisation et de quelques événements jugés non évitables.

Dans cette étude, les événements indésirables ont été considérés comme graves s’ils étaient susceptibles d’entraîner une prolongation de l’hospitalisation, s’ils pouvaient être à l’origine d’un handicap ou d’une incapacité ou, s’ils étaient associés à une menace vitale ou à un décès. Tous les événements indésirables qui étaient à l’origine d’une hospitalisation ont été, par définition, considérés comme graves [24].

Les principaux résultats de cette enquête :

- 8 754 séjours ou fractions de séjours regroupant 35 234 journées d’hospitalisation en médecine et en chirurgie ont été observés ;

- 450 EIG liés aux soins ont été identifiés ;

- les EIG étaient responsables de 3 à 5% de l’ensemble des admissions en médecine et en chirurgie, soit entre 315 000 et 440 000 par an dont 46,2% (54% en médecine et 36% en chirurgie) ont été considérés comme «évitables», ce qui représente 125 000 et 205 000 admissions par an. Près de 50% des EIG ayant

motivé une hospitalisation étaient associés à des produits de santé dont 38,7% aux médicaments ;

- pendant le suivi de 7 jours par unité, au moins un EIG lié aux soins a été observé dans 66% des unités de chirurgie et dans 58% des unités de médecine. En moyenne, 6,6 EIG ont été observés pour 1000 jours d’hospitalisation (6,2‰ en médecine et 7,0‰ en chirurgie), soit une estimation entre 350 000 et 460 000 EIG,

dont 120 à 190 000 EIG qui pourraient être évitables par an. Les conséquences des EIG aboutissent, dans deux cas sur cinq, exclusivement à une prolongation d’hospitalisation. Parmi ces EIG survenus en cours d’hospitalisation, 35% ont été considérés comme évitables. (40% en médecine et 32% en chirurgie). Les EIG les plus fréquents durant l’hospitalisation étaient liés aux actes invasifs et en particulier aux interventions chirurgicales. Mais 26,7% étaient liés à des produits de santé, dont 19,5% à des médicaments ;

- la survenue d’EIG concerne surtout des patients fragiles : les patients concernés étaient en moyenne de 4 ans plus âgés que les autres patients ; 68% d’entre eux présentaient une maladie grave, 55% une situation clinique complexe.

L’étude EMIR (Effets Indésirables des Médicaments : Incidence et Risques) menée en 2007 par le réseau des CRPV a permis d’estimer globalement à 3,6% la proportion des hospitalisations dues à des effets indésirables de médicaments [26]. Le nombre annuel moyen de journées d’hospitalisation dues à un effet indésirable médicamenteux est ainsi estimé à 1 480 885 [26].

Les EIM représentent actuellement l’une des principales causes de préjudice ou de décès dans les systèmes de santé; aux Etats-Unis, il est estimé que 1.5 millions de patients subissent un préjudice d’origine médicamenteuse chaque année, plusieurs milliers en meurent, le tout pour un coût annuel d’au moins 3.5 milliards de dollars (2,7 milliards d’euros). A l’origine des EIM, on retrouve fréquemment les EM, qui surviennent souvent aux étapes de prescription et d’administration. En milieu hospitalier, les problèmes de communication entre les services jouent un rôle important dans la survenue de ces erreurs [27]. Par ailleurs, le coût de prise en charge hospitalière d’un EIM a été estimé à 3244$ (2560€) par Bates et al [28].

2.3. Prévention de l’iatrogénie

La survenue d’EIG liés aux soins, est une question importante pour le système de santé. Elle est en effet porteuse de conséquences diverses (sanitaires, assurantielles, économiques, juridiques) et constitue un critère de « performance » pour les systèmes de

soins. La réduction de ce risque iatrogéne est, d’ailleurs, l’un des objectifs associés à la loi de santé publique votée en août 2004 [24].

La réduction des accidents iatrogènes évitables, médicamenteux et non médicamenteux, a été considérée comme prioritaire dans les recommandations de la conférence nationale de santé de juin 1998. Plus récemment, la loi n°2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique [29] a fixé plusieurs objectifs quantifiés pour réduire la fréquence des événements iatrogènes médicamenteux évitables en ambulatoire et à l’hôpital (objectifs 26, 27 et 28). La prévention des affections iatrogènes est une dimension essentielle de la sécurité sanitaire au sein des établissements de santé [8].On notera également qu’un réseau européen pour la sécurité des soins - EUNetPaS, European Union Network for Patient Safety – [30] a été créé en février 2008 avec pour objectif d’améliorer la sécurité des soins autour du patient dans les 27 pays membres de l’Union, en réduisant les erreurs médicales. Ce projet, financé et soutenu par la commission européenne dans le cadre du programme de santé publique 2007, est coordonné au niveau européen par la HAS.

Dans les établissements de santé, la COMEDIMS est chargée d’élaborer des recommandations en matière de prévention de l’iatrogénie [5].

La mise en place d’une démarche qualité concertée du circuit du médicament concourt à la prévention de l’iatrogénie médicamenteuse évitable [20]. On notera que la prévention des EIM fait partie de la politique de gestion de risques pour la majorité des établissements. Des dispositifs de déclaration des EIM existent dans 70% des établissements ; 40% d’entre eux ont signé des engagements de non poursuite judiciaire pour inciter et sensibiliser les acteurs de terrain à la déclaration des EIM [23].

Les EIM sont donc fréquents et peuvent être graves. Comme nous venons de le voir, certains sont évitables, mais ce n’est pas toujours le cas. La prévention de l’iatrogénie médicamenteuse vise tout d’abord à diminuer la survenue des EIM évitables, autrement appelés erreurs médicamenteuses. Dans la suite, nous allons donc développer plus précisément la classification, l’épidémiologie et les moyens de prévention de survenue de ces EM.

3. Erreurs médicamenteuses

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