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I Perte d’homéostasie de la flore commensale

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Revue bibliographique

MICI VERSUS SII : VERS UNE ETIOPATHOGENESE COMMUNE ?

A. I Perte d’homéostasie de la flore commensale

Chez les patients avec une MICI, les nombreuses mutations retrouvées soit dans des gènes codant pour des récepteurs impliqués dans la reconnaissance immunitaire de produits bactériens soit dans des gènes codant pour des protéines impliquées dans la modulation de la réponse des lymphocytes T par les cellules dendritiques sont des arguments en faveur d’une origine bactérienne au développement de l’inflammation colique. Cette hypothèse est confortée par le déséquilibre des populations bactériennes intestinales décrit chez les patients, d’ailleurs également rapporté dans le SII. Trois mécanismes peuvent conduire à une rupture de tolérance à la flore commensale : (1) une

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dysbiose favorisant l’expansion de bactéries pathogènes, (2) une translocation bactérienne excessive et (3) une perméabilisation de la barrière épithéliale conduisant à l’activation de la réponse immunitaire muqueuse.

A.I.1. Dysbiose

A.I.1.a. Flore commensale

La flore commensale est composée de plusieurs centaines de milliards de micro- organismes répartis tout le long du tractus digestif (Berg, 1996). La flore colique est très diversifiée. Elle est composée de plus de 400 espèces bactériennes dont la plupart sont anaérobies et appartiennent aux grands groupes des Bactéroïdes (genres Cytophagia,

Flavobacterium et Bacteroides) et des Firmicutes (genre Clostridium et Eubacterium). La

population bactérienne aérobie est composée essentiellement d’entéro-bactéries et de lactobacilles. Les bactéries commensales sont nécessaires au bon fonctionnement du système digestif (Guarner and Malagelada, 2003). Elles modulent l’expression de gènes impliqués dans l’absorption des nutriments, renforcent la barrière muqueuse et participent au métabolisme xénobiotique, à l’angiogenèse et à la maturation intestinale post-natale. Cette relation symbiotique est établie durant les 3 premières années de vie après la colonisation du tube digestif stérile du bébé et s’accompagne d’une maturation du système immunitaire muqueux (tolérance à la flore commensale).

A.I.1.b. Déséquilibre de la flore commensale

Un changement qualitatif dans la composition de la flore intestinale (dysbiose) pourrait provoquer un déséquilibre de la balance microbienne et activer la réponse immunitaire muqueuse dans les MICI et/ou dans le SII. Ainsi, chez les patients en rémission de MC, l’instillation d’une flore fécale autologue dans une région intestinale ne présentant pas une flore de même composition (ex. du côlon vers l’iléon) provoque une réaction inflammatoire de la muqueuse et l’apparition de lésions aiguës caractéristiques d’une rechute (D'Haens et al., 1998). De la même manière, toute action sur la flore a des effets symptomatiques : les pro- et pré-biotiques ont des effets bénéfiques (O'Sullivan and O'Morain, 2000; O'Mahony et al., 2005) tandis que les antibiotiques peuvent avoir des

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effets opposés sur les troubles digestifs selon qu’ils sont absorbables ou non par la muqueuse (Di Stefano et al., 2000; Maxwell et al., 2002).

De façon intéressante, le même profil bactérien anormal est observé dans les MICI (Swidsinski et al., 2002; Sokol et al., 2006; Macfarlane et al., 2009) et dans le SII (Balsari et al., 1982; Nobaek et al., 2000) : diminution des Lactobacilli et Bifidobacteria mais augmentation des anaérobies, Escherichia coli et Bacteroides (voir Chapitre 1).

Les modèles animaux ont confirmé la nécessité de la présence de la flore colique pour le développement de l’inflammation intestinale. En effet, le développement d’une colite spontanée chez des rats HLA-B27 axéniques ou d’une colite induite par le DSS chez la souris requiert la présence de la flore luminale (principalement des Bacteroides). L’apparition de telles colites est inhibée par un pré-traitement antibiotique mais est ré- amorçée rapidement après la colonisation par des bactéries commensales aérobies et/ou anaérobies (Hata et al., 2001; Rath et al., 2001; Elson et al., 2005).

Ces observations montrent qu’un déséquilibre de la flore colique ou tout simplement sa composition peut avoir une action sur la physiologie intestinale.

A.I.1.c. Effets physiologiques

La dysbiose conduit à une modification des proportions relatives de chaque espèce bactérienne. Le déséquilibre entre les différentes populations engendre une diminution de la bio-diversité bactérienne et une sur-production de produits bactériens néfastes. Les toxines sont capables de causer des douleurs abdominales (Pimentel et al., 2000) et les gaz résultant de l’augmentation de la fermentation des aliments peuvent contribuer au dysfonctionnement sensori-moteur de l’intestin (King et al., 1998). Si ce déséquilibre est en faveur d’espèces potentiellement pathogènes (comme dans le cas des MICI et du SII avec la sur-représentation des Bacteroides et Escherichia coli), la muqueuse intestinale peut être colonisée par les bactéries adhérentes. Plusieurs études ont ainsi souligné la présence d’antigènes bactériens (Macpherson et al., 1996) et l’augmentation du nombre de bactéries adhérentes ou intra-cellulaires dans l’épithélium colique de patients présentant une MICI (Chadwick et al., 2002; Swidsinski et al., 2002; Darfeuille-Michaud et al., 2004). La présence de bactéries pathogènes (et en particulier E. coli) peut provoquer une irritation de la muqueuse et une perméabilisation de la barrière épithéliale (Rocha et al., 2001).

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A.I.2. Bactériophages

La dysbiose peut s’expliquer par l’intervention des bactériophages. Présents en grand nombre dans tout écosystème bactérien, les bactériophages exercent une forte influence sur la diversité et la composition de la population bactérienne (Riley, 2004). Ils peuvent être impliqués indirectement en favorisant le transfert de gène et la ré- organisation du génome au sein de la population bactérienne ou directement en tant qu’agent immuno-modulateur (Gorski et al., 2006).

Une étude récente a comparé la communauté phagique totale associée à la muqueuse intestinale entre des sujets sains et des patients atteints de MC. Les résultats montrent que les patients atteints de MC présentent plus de VLP (virus-like particules) dans les zones saines mais moins de VLP dans les zones ulcérées (Lepage et al., 2008). Ces données indiquent que, dans les zones non ulcérées, les phages sont produits en plus grande quantité ou qu’ils y survivent plus longtemps. Les bactériophages pourraient donc concourir au déséquilibre des populations bactériennes sur le lieu de l’atteinte inflammatoire : l’épithélium muqueux.

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