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I MPACT DES FACTEURS SOCIOLOGIQUES ET CULTURELS

III. FACTEURS FAVORISANT L’ETABLISSEMENT D’UNE MALADIE VECTORIELLE

3. I MPACT DES FACTEURS SOCIOLOGIQUES ET CULTURELS

3.1. Rôle du retour à la nature

Pour qu'une maladie vectorielle se développe les trois acteurs du cycle épidémiologique (agent pathogène, vecteur et hôte) doivent être présents simultanément.

L'agent pathogène n'est transmis que s'il y a un contact entre le vecteur et l'hôte. Ce contact se fait facilement quand le vecteur se retrouve à proximité des habitations humaines, c'est-à-dire lorsqu'il est urbain ou périurbain. Les choses se compliquent pour lui quand il a un cycle sylvatique. C'est le cas des tiques du genre Ixodes ricinus, capables de transmettre la maladie de Lyme et l'encéphalite à tiques, qui sont présentes dans les forêts où à l'écotone entre forêt et pâture. Les tiques ont des moyens très limités pour se déplacer. La rencontre entre les tiques et un hôte est alors conditionnée en grande partie par la densité d'hôtes [33]. Elle dépend donc de l'importance de la fréquentation d'une forêt.

Les principales épidémies d'encéphalite à tiques en Europe de l'Est dans les années 1950 et 1960 ont été provoquées par l'exploitation commerciale des forêts infestées par les tiques [101]. L'utilisation de DDT a permis de diminuer le nombre de cas, mais l'arrêt de son utilisation en 1972 a eu un effet rebond. Des niveaux record d'encéphalite à tiques ont été enregistrés après la fin du communisme. En effet, à partir de 1992, un plus grand nombre de personnes était exposé aux piqûres de tiques dans les jardins privés et les datchas, à la périphérie des villes.

Les pays baltes ont connu des augmentations d'incidence très importantes avec la disparition du régime communiste (augmentation de 2 à 30 fois entre 1992 et 1993 en Estonie,

Après la chute du régime communiste, les demandes de travail à la fois pour l'agriculture et l'industrie ont diminuées dans les pays baltes. La transition socio-économique qui s'est opérée par la suite ne s'est pas produite de la même façon entre les différents pays: en Estonie les gens ont eu plus de succès pour trouver du travail et aller vers d'autres secteurs notamment le secteur des services, qu'en Lituanie ou en Lettonie. Dans ces deux derniers pays, plus de la moitié des personnes qui étaient employées dans l'agriculture n'étaient pas employés en 2000, comptant alors sur des revenus provenant d'autres sources que des emplois payés, en particulier des revenus provenant de la forêt [120].

En 2001, une enquête en Lettonie portant sur mille personnes montra qu'environ 69%

des adultes allaient en forêt plus ou moins régulièrement pour leur travail, pour ramasser du bois ou pour leur loisir. Ce sont surtout les populations avec les revenus les plus bas, mais aussi avec les revenus les plus élevés, qui vont en forêt. Les populations appartenant aux classes moyennes se rendent moins dans les forêts. Dans cette enquête, le ramassage des champignons et des baies était la principale raison à des promenades fréquentes en forêt. La cueillette dans le but de vendre était pratiqué par les personnes âgées, les pauvres et les personnes du monde rural, alors que la cueillette dans un but récréatif était pratiqué par les habitants de la ville les mieux payés [120].

L’augmentation de la pauvreté a poussé les gens ayant de faibles revenus à compléter leur repas avec des fruits cueillis dans les forêts infestées de tiques [11 ; 100]. La transition sociale post communisme a créé dans les pays baltes des conditions socio-économiques favorisant les contacts avec les tiques.

Les modifications actuelles concernant le temps de travail procurent aux personnes actives davantage de temps libre. Elles en profitent pour pratiquer leurs loisirs à la campagne, car le retour à la nature est une source de bien-être pour les citadins qui oublient le stress de la semaine. Beaucoup de personnes mal informées se rendent en forêt pour se promener et n'observe aucune précaution quant au risque de morsure par les tiques. En République Tchèque, l’encéphalite à tiques est considérée à ce titre comme une maladie de loisirs [53].

Le développement du tourisme vert facilite l'accès aux forêts, pour visiter des réserves ornithologiques ou des parcs naturels régionaux. En outre, la cueillette des champignons ou

des baies, pour le plaisir ou pour l'argent, amène à la forêt bon nombre de personnes du printemps à l'automne [33]. Le plus grand nombre de morsure arrive en été lors de week-end sans pluie suivant une semaine pluvieuse. Une telle exposition aux morsures de tiques correspond aux personnes qui vont dans les forêts pour ramasser des champignons après la survenue de conditions climatiques favorables à la croissance des champignons [120].

Les difficultés économiques de la classe moyenne peuvent conduire les gens à ramasser du bois dans la forêt pour constituer des réserves de combustibles pour l'hiver. Ils s'exposent ainsi aux piqûres de tiques [33].

L'infestation d'une forêt n'a donc pas les mêmes conséquences épidémiologiques selon qu'elle est utilisée à seule fin de production, qu'elle soit traversée par une route fréquentée ou qu'elle serve pour les promenades. C'est pour cette raison que le nombre de personnes exposées aux morsures de tique peut varier dans des proportions très importantes entre les différentes forêts [33]. Ainsi, plusieurs catégories de personnes peuvent être considérées comme étant à risque : les agriculteurs, les personnes travaillant dans la forêt (bûcherons, gardes forestiers…), les cueilleurs, les randonneurs. Toutes ces personnes constituent un pourcentage de la population de plus en plus élevé [100].

3.2. Rôle du mode de vie

Le mode de vie joue un rôle important dans la limitation de la propagation d'une épidémie [108]. Il y a plusieurs siècles, la malaria, la dengue et la fièvre jaune étaient présentes aux Etats-Unis. Mais aujourd'hui ces maladies ont disparu, bien que les vecteurs soient toujours présents. Cela s'explique par le style de vie des habitants et la sensibilisation des populations [142]. Une étude a comparé la situation du Mexique à celle du Texas en ce qui concerne la dengue. La séroprévalence en anticorps dirigés contre le virus de la dengue était beaucoup plus élevée chez les habitants de Nuevo Laredo au Mexique que chez les habitants de Laredo au Texas, malgré un niveau d'infestation par les moustiques vecteurs plus élevé à Nuevo Laredo au Texas. Cela s'explique par le fait que les conditions de vie étaient

Les différences de comportement entre les populations peuvent expliquer des différences d’incidence d’une maladie au sein de ces populations. Les populations locales sont souvent au courant de la présence d’une maladie et connaissent les précautions qu’il faut prendre pour ne pas être infecté. En revanche, les visiteurs ont plus de risque d’être infectés par leur manque de connaissance de la maladie [136].

La forte croissance de la population mondiale s'accompagne d'une urbanisation anarchique dans les pays en voie de développement, caractérisée par des réseaux de distribution d'eau et de collecte des eaux usées déficients ou absents. Les habitants sont obligés de constituer des réserves d'eau potables qui sont facilement accessibles aux insectes.

Les insectes trouvent dans ces lieux des sites de reproduction idéaux [142]. Dans ces conditions les vecteurs, mais aussi les rongeurs prolifèrent rapidement.

De plus, ces zones urbaines regroupent un grand nombre de personnes, ce qui favorise le contact entre hôte et vecteur et donc la transmission d'un agent pathogène [128]. Cela est exacerbé par les faibles conditions d’hygiène qui peuvent exister dans les quartiers pauvres [44]. L'urbanisation incontrôlée et non planifiée peut être à l'origine de l'explosion d'une maladie vectorielle, comme ce fut le cas pour le chikungunya sur l'Ile de la Réunion. Les

« bidons villes », où les maisons sont mal fermées, permettent aux vecteurs de survivre au cours des périodes les plus froides en entrant dans les maisons.

Les perturbations climatiques et politiques peuvent engendrer la formation de camps de réfugiés. Ces regroupements temporaires de populations réunissent toutes les conditions pour qu’une maladie infectieuse émerge et se propage. La promiscuité, l’accès limité aux soins médicaux, les conditions sanitaires souvent médiocres et le mélange de population d’horizons différents favorisent la propagation d’une maladie vectorielle [136].

Les différences au niveau des structures urbaines, des maisons et du comportement humain peuvent expliquer les différences d'incidence d'une maladie entre des zones voisines.

4. Impact de la mise en place de mesures de