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Hypothèses existantes sur les processus responsables

eustatique, géodynamique et climatique

3.1.2. Hypothèses existantes sur les processus responsables

Si de multiples sources convergent pour confirmer l’existence  de  ce  haut  niveau  marin, la détermination de son amplitude diffère suivant les travaux, comme il est possible de le constater sur la Figure 53 (figure de droite). Elle va de 50 à 300 m au-dessus du niveau marin actuel selon les différents travaux. Le tableau ci-après (tableau 2) regroupe les différentes  estimations  de  l’amplitude  du  maximum  eustatique  qui  a  été  faite  suivant  les  différents travaux, en précisant la méthode qu’ils ont utilisée. ,-.-/0120! 3456789:0! ;4<! =-8>?:0! @?2A67BA87?1!:0B!:?11-0B! CA76!08!A6DE!*)''F! GAH!08!A6DE!*)(' "%+! I16A5!2J870/! ,-5A/8787?1!4?1:7A60F! KAB!:0!5/-27B7?1!B9/!6?2A67BA87?1! GAH!08!A6DE!"++% #++! I16A5!2J870/! K6AH90!3/AL0!

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Tableau 2 : Estimations de l’amplitude du maximum eustatique durant le Cénomanien-Turonien suivant les différents travaux existants

Ceci permet de mettre en évidence l’écart important qu’il existe entre les différentes  estimations,  suivant  la  méthode  utilisée.  Il  existe  jusqu’à  200  m  de  différence  entre  l’estimation de Haq et al. (1987) réalisée à partir de l’onlap côtier et celles de Miller et al. (2005) et de Sahagian et al. (1996) faites à partir du backstripping sur la marge du New-Jersey et de la plateforme russe respectivement. Les estimations réalisées à partir de l’empiètement continental sont également environ 50 à 100 m (Bond 1979 et Harrison 1990 respectivement) plus faibles que l’estimation de Haq et al. (1987).

La partie suivante est consacrée à confronter ces écarts sur les observations avec les processus évoqués pour expliquer ce maximum eustatique durant le Cénomanien-Turonien. Elle est donc consacrée à une revue des différents processus envisagés en précisant la contribution relative de chacun à l’amplitude de ce maximum eustatique.

3.1.2. Hypothèses existantes sur les processus responsables

3.1.2.1. Contexte géodynamique

Les estimations de l’âge de la croûte océanique, à partir des anomalies magnétiques,  permettent de situer le début de la dislocation du supercontinent, la Pangée, au Permo-Trias (environ  250  millions  d’années). Le  Crétacé  est  caractérisé  par  l’ouverture  de  plusieurs  océans : l’océan Atlantique Sud, l’océan Indien, l’océan circum-Antarctique et la poursuite de l’ouverture de l’océan Atlantique Nord. Ainsi le bassin océanique global se voit fractionné en  plusieurs bassins océaniques (figure 56). Ce contexte géodynamique extensif suppose une

! *#&! topographie ayant des reliefs peu élevés et peu de formation de relief par rapport à l’actuel  (figure 56).

Figure 56 : Estimation de la topographie durant le Cénomanien (C. Robin et F. Guillocheau, communication personnelle)

La variation du volume des bassins océaniques au cours du temps (tectono-eustatisme) a été dans un premier temps avancée comme étant le contributeur majeur des cycles de transgression/régression de premier ordre et donc du maximum eustatique du Cénomanien-Turonien (e.g. Hays and Pitman 1973 ; Vail et al. 1977a; Kominz 1984 ; Miller et al. 2005). Les  variations  de  l’âge  moyen  de  la  lithosphère  océanique,  du  volume  et  de  la  longueur  globale des dorsales engendrent une variation du volume des bassins océaniques conduisant à une variation du niveau marin global pouvant atteindre 200 m sur des millions d’années (c.f.  chapitre 1). Une telle variation correspondant en amplitude et en résolution temporelle aux grandes variations eustatiques du premier ordre, le tectono-eustatisme apparaît être un candidat idéal pour expliquer ces variations observées. Cependant il y a un débat sur le ou les paramètres à l’origine de la variation de volume des bassins océaniques au cours du temps et  ainsi de l’amplitude du maximum eustatique durant le milieu du Crétacé. Une augmentation de la vitesse moyenne des dorsales durant le Crétacé moyen aurait pu être envisageable pour expliquer l’amplitude du maximum eustatique. Kominz 1984 ont estimé une vitesse deux fois plus rapide que la vitesse moyenne actuelle, suivis par les travaux de Larson 1991) Cependant, par la suite, l’existence de l’augmentation de la vitesse d’expansion moyenne et sa  nécessité pour expliquer cette amplitude ont été remises en cause ( Heller et al. 1996 ; Rowley 2002 ; Cogné and Humler 2004 ; Cogne and Humler 2006 ; Cogné et al. 2006 ; Korenaga 2007). De même, la longueur globale des dorsales est estimée peu variable au cours des temps géologiques (Rowley 2002 ; Cogné and Humler 2004 ; Cogne and Humler 2006). Un processus autre que la dynamique des dorsales est alors considéré : le rapport entre l’âge et la  surface du plancher océanique global en fonction de la phase d’agrégation ou de dislocation  d’un  supercontinent  (Heller and Angevine 1985 ; Cogné et al. 2006 ; Cogné and Humler

! *#'! 2008).  Un  âge  moyen  de  la  lithosphère  océanique,  inférieur  à  l’âge  moyen  actuel,  peut  conduire à une diminution du volume du bassin océanique global (c.f. chapitre 1). L’ouverture  de plusieurs bassins océaniques durant le milieu du Crétacé et la subduction du plancher océanique de la Téthys d’une partie du Pacifique, ont pu contribuer au rajeunissement global  de la  lithosphère océanique et contribuer ainsi à l’augmentation du niveau  marin eustatique  durant cette période, de l’ordre de 100  50 m (Heller and Angevine 1985 ;Cogné et al. 2006 ; Cogné and Humler 2008). Récemment Seton et al. (2009) suggèrent que, durant le milieu du Crétacé,  l’augmentation  du  niveau  marin  eustatique  s’explique  par  la  contribution  à  la  fois  d’une augmentation de  la  vitesse d’expansion et d’un rajeunissement de  l’âge  moyen de  la  lithosphère suite à la dislocation de la Pangée.

Les estimations de l’impact d’une variation du volume du bassin océanique global sur  le niveau marin eustatique, soit à cause de la dynamique des dorsales, à un rajeunissement de la lithosphère océanique ou une contribution des deux, sont du même ordre de grandeur suivant les travaux, à savoir de l’ordre de 100 à 150 m pour le milieu du Crétacé (e.g. Heller and Angevine 1985; Heller et al. 1996 ; Miller et al. 2005 ; Cogné et al. 2006 ; Müller et al. 2008). Suivant ces estimations, ce processus expliquerait alors 40 à 60% de l’amplitude du  maximum eustatique déterminée par Haq et al. (1987) et 100% de l’amplitude estimée par  Miller et al. (2005).

La mise en place des grandes provinces magmatiques (plateaux océaniques) engendre une diminution du volume du bassin océanique global (c.f. chapitre 1). Le volume total et la chronologie de leur mise en place présentent des incertitudes (Müller et al., 2008) mais la mise en place de plateaux océaniques durant le Crétacé a possiblement contribué à l’augmentation  du  niveau  marin  de  l’ordre  de  60  m  à  100  m  pour  le  milieu du Crétacé (Hardebeck and Anderson 1996 ; Müller et al. 2008 respectivement).

La topographie dynamique modifie également le volume du bassin océanique global (Gurnis 1993 ; Husson and Conrad 2006 ; Moucha et al. 2008 ; Conrad and Husson 2009). Comme il l’est discuté dans le chapitre 1, les incertitudes sur la rhéologie du manteau et le manque  d’observation  du  signal  passé  de  la  topographie  dynamique  rendent  difficiles  les  prédictions de ce signal au cours des temps géologiques. Les estimations de l’amplitude des  variations eustatiques diffèrent suivant les travaux, + 100 m à 200 m pour Gurnis (1993) alors que Husson and Conrad (2006) estiment une variation plus faible,  de  l’ordre  de  +80m.  L’impact  de  la  topographie  dynamique  sur  le  niveau  marin  eustatique  est  peut-être ainsi modéré  mais  cet  impact  sur  l’eustatisme  combiné  avec  les  mouvements  verticaux  de  la  lithosphère qu’elle engendre, fait de la topographie dynamique un facteur important pour les variations du niveau marin relatif. La topographie dynamique peut générer des mouvements verticaux dont l’amplitude peut être supérieure aux variations eustatiques (e.g. Husson 2006 ; Moucha et al. 2008 ; Braun 2010). Ainsi le signal global peut être spatialement perturbé. La divagation polaire peut contribuer également à ces variations spatiales (variations du niveau marin  relatif  jusqu’à  environ 100m ; c.f. chapitre1). Toutes  les  estimations  de  l’amplitude  eustatique présentes dans le tableau 2,  ne  prennent  pas  en  compte  l’existence  de  telles  variations  spatiales.  Les  écarts  entre  les  différentes  estimations  de  l’amplitude  eustatique  durant le Cénomanien-Turonien en sont certainement le reflet. La marge du New Jersey supposée avoir été affectée par un signal de topographie dynamique en est un exemple connu (e.g. Müller et al. 2008 ; Moucha et al. 2008 ; Spasojevic et al. 2008) en contradiction avec l'hypothèse de Miller et al. (2005) sur la stabilité de cette marge.

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3.1.2.2. Contexte climatique

Les différentes reconstructions des paléotempératures atmosphériques passées, basées essentiellement sur l’analyse du rapport isotopique de l’oxygène de l’eau de mer (e.g. Barron 1983 ; Huber and Hodell 1995 ; Pucéat et al. 2003 ; Forster et al. 2007),  s’accordent  sur  l’existence d’une température globale de surface élevée durant le milieu du Crétacé, avec un maximum durant le Cénomanien-Turonien (e.g. Clarke and Jenkyns 1999; Huber et al. 2002;Pucéat et al. 2003) (figure 57 issue de Pucéat et al. 2003).

Figure 57 : Estimations des paléotempératures durant le Crétacé (Pucéat et al., 2003)

La période du Cénomanien-Turonien correspond également à une période d’importantes  accumulations  de  sédiments  riches  en  matière  organique  (correspondant  au  EAO2, Evénement Anoxique Océanique 2) à l’échelle globale (e.g. Schlanger and Juenkyns 1976 ; Herbin et al. 1986 ; Gale et al. 1993). Ceci traduit un appauvrissement en oxygène des eaux  océaniques.  Un  tel  appauvrissement  peut  s’expliquer  notamment  par  une température globale élevée des eaux océaniques et un faible gradient latitudinal de température, ce qui induit une circulation océanique lente et ainsi la préservation de la matière organique (Hays and Pitman, 1973). Ceci apporte un argument supplémentaire pour considérer le Crétacé moyen comme une période caractérisée par un climat chaud.

L’existence  de  calotte  de  glace  durant  le  Crétacé  est  fortement  discutée  (e.g.  Price 1999 ; Stoll and Schrag 1996 ; Miller et al. 2003 ; Koch and Brenner 2009 ; Galeotti et al. 2009), la part du glacio-eustatisme est ainsi difficile à évaluer sur l’amplitude totale du niveau  marin  eustatique.  Cependant,  comme  il  l’est  discuté  dans  le  chapitre  1,  la  fonte  totale  des 

! *#)! calottes actuelles conduirait à une augmentation d’environ 54 m du niveau marin global (c.f.  chapitre 1 ; Miller et al. 2005). De plus, la dilatation thermique engendrée par une augmentation de température conduirait à une faible variation du niveau marin global (inférieure à 10 mètres). Ainsi une telle condition climatique, avec une température élevée et l’absence  de  calotte  glaciaire  ne  suffit  pas  à  expliquer  l’amplitude du maximum eustatique durant le Cénomanien-Turonien.