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CHAPITRE IV : CYCLOADDITION DIPOLAIRE 1,3 ENANTIOSELECTIVE DE

3. BILAN ET OBJECTIFS

4.2. Hypothèse mécanistique

L’exo-sélectivité et l’orientation faciale de la réaction en faveur des énantiomères

(3R,4S,5R) pour tous les adduits est en accord avec le mécanisme postulé par Mac Millan192

(Schéma 4-23), proposition qui est fondée d'une part sur un processus concerté, et d'autre part sur des géométries et conformations bien définies pour les partenaires de la cycloaddition.

Schéma 4-23 : Interprétation du cours stéréochimique selon un mécanisme concerté

Pour la première fois dans le cadre de ce travail208, des calculs d’énergie relative de la configuration et de la conformation de l’iminium formé au sein du milieu réactionnel ont été réalisés par le docteur Arnaud Martel. Ces calculs ont été effectués par B3LYP/6-311+G (d,p) avec une simulation du solvant (nitrométhane) par un modèle IEFPCM.

D’après les calculs réalisés, nous avons constaté que le conformère de l’iminium C est le plus stable, sa géométrie (E,E) permettant d’éviter les interactions stériques entre le groupement phényle du catalyseur et le méthyle du crotonaldéhyde qui sont rencontrées dans le conformère D de géométrie (Z,E). Ces calculs ont également mis en évidence que le groupe benzyle est déplacé au dessus de la double liaison de l’iminium, créant ainsi des interactions stabilisantes avec le phényle. Pour cette raison nous pouvons confirmer que l’approche exo par la face Re de la nitrone est favorisée par rapport à l’approche exo par la face Si.

Toutefois, cette hypothèse mécanistique fondée sur un mécanisme concerté ne permet pas d'expliquer un certain nombre de résultats et en particulier la formation d'épimère à une température où l'isomérisation thermique du dipolarophile ne peut être considérée.

Afin de mieux comprendre les paramètres influant sur le cours stéréochimique de la réaction, des calculs plus poussés visant à identifier le ou les états de transition de la cycloaddition ont été réalisés.

Les calculs ont été menés à l’aide de Gaussian 09217 au niveau M06-2X/6-311+G(d,p) utilisant la fonctionnelle de densité développée par Truhlar218. L’effet du solvant (nitrométhane) a été simulé par un modèle de cage de solvant de type IEFPCM. Les états de transition calculés ont été confirmés par des calculs de fréquence et si nécessaire par une analyse IRC. La plupart des réactions ayant été menées à -18°C, les calculs d’enthalpie ( H) et d’enthalpie libre ( G) ont été effectués pour une température de 256 K. Afin de simplifier les calculs, une nitrone modèle porteuse de groupements méthyle sur l’ester, l’azote et le carbone a été choisie.

Le profil énergétique calculé met en évidence un seul état de transition. Toutefois, le cours réactionnel met en jeu un processus en deux étapes procédant dans un premier temps par formation de la liaison C-O par addition de l’oxygène de la nitrone sur l’ène-iminium et suivi d’une cyclisation conduisant à la formation de la liaison C-C (Schéma 4-25). Aucun état de transition correspondant à un cours concerté de la réaction n’a pu être obtenu et l’état de transition correspondant à l’addition de l’oxygène de la nitrone sur l’ène-iminium n’a pas pu être obtenu, indiquant une très faible barrière énergétique vers cet intermédiaire A électroniquement plus stable (Figure 4-1). Ces éléments indiquent que l’étape limitante de la cycloaddition est la formation de la liaison C-C. Ce processus réactionnel non concerté laisse envisager la formation d’épimères lors de l’étape de cyclisation. L’intermédiaire A pouvant potentiellement conduire à la rotation de la nitrone pour former les cycloadduits épimères qui correspondent à la cycloaddition formelle du dipolarophile Z. Ces épimères seront par

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Gaussian 09, Revision D.01, M. J. Frisch, G. W. Trucks, H. B. Schlegel, G. E. Scuseria, M. A. Robb, J. R. Cheeseman, G. Scalmani, V. Barone, B. Mennucci, G. A. Petersson, H. Nakatsuji, M. Caricato, X. Li, H. P. Hratchian, A. F. Izmaylov, J. Bloino, G. Zheng, J. L. Sonnenberg, M. Hada, M. Ehara, K. Toyota, R. Fukuda, J. Hasegawa, M. Ishida, T. Nakajima, Y. Honda, O. Kitao, H. Nakai, T. Vreven, J. A. Montgomery, Jr., J. E. Peralta, F. Ogliaro, M. Bearpark, J. J. Heyd, E. Brothers, K. N. Kudin, V. N. Staroverov, T. Keith, R. Kobayashi, J. Normand, K. Raghavachari, A. Rendell, J. C. Burant, S. S. Iyengar, J. Tomasi, M. Cossi, N. Rega, J. M. Millam, M. Klene, J. E. Knox, J. B. Cross, V. Bakken, C. Adamo, J. Jaramillo, R. Gomperts, R. E. Stratmann, O. Yazyev, A. J. Austin, R. Cammi, C. Pomelli, J. W. Ochterski, R. L. Martin, K. Morokuma, V. G. Zakrzewski, G. A. Voth, P. Salvador, J. J. Dannenberg, S. Dapprich, A. D. Daniels, O. Farkas, J. B. Foresman, J. V. Ortiz, J. Cioslowski, and D. J. Fox, Gaussian, Inc., Wallingford CT, 2013.

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Y. Zhao and D. G. Truhlar, “The M06 suite of density functionals for main group thermochemistry, thermochemical kinetics, noncovalent interactions, excited states, and transition elements: two new functionals and systematic testing of four M06-class functionals and 12 other functionals,” Theor. Chem. Acc., 2008, 120, 215

conséquent nommés « exo » Z et « endo » Z. Ainsi les huit cycloadduits potentiellement formés au cours de cette réaction sont représentés dans le tableau suivant (Tableau 4-15).

Schéma 4-25 : Processus réactionnel non concerté via l’intermédiaire ène-iminium

La figure 4-2 représente le profil énergétique correspondant à la formation de l’adduit

majoritaire "exo"E Re. Sur ce graphique sont représentés les profils d’énergie électronique ( E) ainsi que d’enthalpie ( H256) et d’enthalpie libre ( G256) à 256K. Ce graphique fait apparaître dès le premier regard des profils très différents en raison d’une forte contribution du terme entropique et des termes vibrationnels. Ainsi, l’intermédiaire A calculé bénéficie d’effets de stabilisation électronique significatifs qui sont responsables des difficultés rencontrées pour la recherche du premier état de transition. Cet intermédiaire A perd son caractère d’intermédiaire réactionnel lorsque l’on prend en compte la contribution du terme entropique à 256 K dans le calcul de l’enthalpie libre. Cet intermédiaire fait apparaître une longueur de liaison C-O de 1,50 Å indiquant la formation de l’intermédiaire A tel qu’il est représenté dans le (Schéma 4-25). L’intermédiaire A bénéficie par ailleurs d’une stabilisation de l’iminium de la nitrone par interaction avec le contre-ion Cl-.

La forte influence du terme entropique défavorable sur le cours de la réaction est par ailleurs probablement responsable de la faible influence de la température sur la cinétique de la réaction. En effet, une diminution de la température de réaction contribue à abaisser dans le même temps la barrière énergétique ( G) en raison d’un affaiblissement de l’effet entropique défavorable. L’effet de l’abaissement de température sur la cinétique de réaction est ainsi quasi intégralement compensé.

Afin d’identifier les paramètres influant sur la sélectivité de la cycloaddition, le profil énergétique a également été calculé pour les produits "endo" et "exo" E Re et Si. Les profils d’enthalpies libres à 256 K sont décrits dans la Figure 4-2.

Figure 4-2 : Profil énergétique correspondant à la formation de l’adduit majoritaire "exo" E

Ces profils font apparaître un état de transition le plus bas pour le produit "endo" E Re pourtant minoritaire lors de la réaction, ce qui n’est pas en accord avec la formation du produit "exo" E Re observé si la réaction est sous pur contrôle cinétique. On observe par ailleurs une inversion des positions relatives de "exo" E Re et de l’"endo" ERe entre l’état de transition et le produit de cycloaddition. Enfin, on observe que l’énergie des produits de cycloaddition est proche de celle des produits de départ et que la barrière énergétique correspondant à l’état de transition est faible. Ces éléments suggèrent que la cycloaddition est sous contrôle thermodynamique partiel pondéré par l’étape d’hydrolyse de l’iminium du cycloadduit. Sur l’ensemble des cycloadduits formés, trois apparaissent assez proches en énergie ("exo" E Re, "endo" E Re et "exo" Z Re) et correspondent aux iminiums des trois cycloadduits observés (Tableau 4-15).

Cycloadduits "exo" E Re "exo" E Si "endo" E Re "endo" E Si "exo" Z Re "exo" Z Si "endo" Z Re "endo" Z Si G256(kJ/mol) 0.0 14,5 2,9 10,7 4,2 15,5 19,5 30,4 % à 256 K 73 - 17 - 10 - - - Tableau 4-15

On peut supposer qu’un équilibre thermodynamique s’établit entre les différents cycloadduits dans ces conditions. Toutefois, les écarts d’énergies calculés ne reflètent pas exactement les rapports diastéréoisomériques observés lors de cette cycloaddition (entrée 5,

Tableau 4-12). On peut donc vraisemblablement penser que l’étape d’hydrolyse de l’iminium

joue également un rôle dans la sélectivité observée, renforçant dans le cas présent la préférence pour le cycloadduit "exo" E Re. En effet, chaque cycloadduit présente un environnement spécifique autour du carbone de l’iminium induisant probablement des cinétiques d’hydrolyse légèrement différentes et partiellement responsables des sélectivités élevées observées dans ce cas.

4.3. Cycloaddition dipolaire-1,3 entre la nitrone dérivée d’alanine et d'autres énals