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teurs nicotiniques d’insecte

I.3.9 Hypothèse de travail

Chez les vertébrés, les récepteurs nicotiniques sensibles à l’α-bgt sont princi- palement homomériques formés des sous-unités α7 ou α9 alors que les récepteurs sensibles à la mécamylamine sont de type hétéromérique α3β4. Comme nous l’avons vu précédemment, les sous-unités α7 de vertébrés sont les plus anciennes d’un point vu phylogénétique et sont très proches des sous-unités d’insectes et notamment des sous-unités α7 d’insectes. La sous-unité α3 humaine est, quand à elle, très proche de la sous-unité Amelα8 (ex-Apisα3). Il paraît donc probable que les deux antagonistes utilisés agissent, comme chez le vertébré, sur des récepteurs nicotiniques ayant des compositions en sous-unités différentes chez l’abeille. Nous faisons donc l’hypothèse que les 2 types de récepteurs pour lesquelles nous connaissons les processus cognitifs qu’ils sous-tendent pourraient être formés de sous-unités nicotiniques différents : les récepteurs formés de sous-unités Amelα8 participeraient au processus de rappel et les récepteurs formés de sous-unités Amelα7 participeraient à la formation de la long terme (Figure16).

I.4

ARN interférents

L’absence de lignées mutantes chez l’abeille, comme il en existe chez la droso- phile, nous oblige à trouver des solutions alternatives pour étudier la fonction d’une protéine. Nous avons vu aussi que l’utilisation d’antagonistes nicotiniques ne per- met pas d’identifier la nature moléculaire des récepteurs nicotiniques chez l’insecte. La technique de l’interférence d’ARN qui a pu être mise en œuvre chez l’abeille, nous a permis de déterminer le rôle de différentes sous-unités nicotiniques dans l’ap- prentissage et la mémoire olfactive et de faire des hypothèses sur la composition moléculaire des récepteurs qu’elles intègrent. Le chapitre qui suit relate le principe de l’interférence d’ARN et l’utilisation qui en a été faite chez l’abeille.

I.4. ARN interférents 29

Figure 16 – L’hypothèse de travail établie postule que les récepteurs sensibles à l’α-bgt sont activés lors d’un apprentissage en plusieurs essais et sont impliqués dans la formation de la MLT. Les récepteurs insensibles à l’α-bgt sont impliqués dans les processus de rappel (Gauthier et al 2006 ; Dupuis et al 2012). D’après les données disponible chez le vertébré, nous faisons l’hypothèse que les récepteurs nicotiniques impliqués dans le rappel pourraient être formés de sous-unités Amelα8 et que ceux nécessaires à la formation de la LTM pourraient être formés de sous-unités Amelα7.

I.4.1

La découverte

Les mécanismes d’interférence d’ARN ont été une découverte fortuite lorsque Jorgensen et son équipe voulurent amplifier la synthèse d’un pigment d’une plante. Dans ce but, ils ont réalisé une plante transgénique sur-exprimant une enzyme per- mettant la synthèse du pigment en question. Contre toute attente, les plantes ne présentaient pas une couleur plus prononcée mais une absence totale ou partielle de coloration. L’enzyme qui devait être surexprimée était réprimée totalement ou en partie (Napoli et al 1990).

Quelques années plus tard, Wassenegger et collaborateurs (1994) montrèrent que l’introduction d’ARN double-brins au sein de cellules chez Arabidopsis thaliana conduisait à la méthylation de l’ADN correspondant, ce qui permet une régulation de l’expression du gène ciblé.

Au courant de l’année 1998, l’efficacité de l’interférence d’ARN a été montrée chez le nématode Caenorhabditis elegans une expérience destinée à réduire spécifiquement l’expression d’une protéine (Fire et al 1998). Etant donné l’importance capitale de cette découverte, les auteurs de l’expérience A. Fire et C. Mello ont reçu le Prix Nobel de Médecine en 2006.

La voie de l’interférence par ARN est largement répandue chez les plantes et les animaux. Elle permet de réguler, de manière post-transcriptionnelle, l’expression d’un gène. Il a été montré que chez les plantes, ce mécanisme pouvait être efficace pour lutter contre les infections virales. Chez les animaux, il est probable que cette voie agisse également pour lutter contre la mobilité des transposons et l’accumulation de séquences répétitives d’ADN (Almeida & Allshire 2005).

I.4.2

La voie moléculaire de l’interférence

Depuis la découverte de l’interférence d’ARN, les mécanismes moléculaires mis en jeu ont largement été étudiés et sont assez bien décrits (pour revue voir Hannon, Carthiew & Sontheimer 2009). Lorsqu’un ARN double brin (en anglais « double strand RNA » ; dsRNA ) est dans le cytoplasme, il est découpé en fragments de

I.4. ARN interférents 31

21 à 23 paires de bases appelés siRNA (en anglais « small interfering RNA ») par une enzyme nommée Dicer. Ensuite, une association se forme entre les siRNA et le complexe protéique RISC (en anglais « RNA Induced Silencing Complex »). Ce complexe est activé par l’ATP qui permet la dissociation des 2 brins complémentaires du siRNA. Le brin anti-sens servira de guide pour atteindre l’ARNm cible portant la séquence nucléotidique complémentaire. Le complexe siRNA/RISC se fixe sur l’ARNm et ceci induit soit une destruction de l’ARN soit un arrêt de la traduction de celui ci en protéine (cf. figure 17).

Certains éléments essentiels de la voie de l’interférence sont retrouvés au sein du génome de l’abeille, comme par exemple les gènes codant pour l’enzyme Dicer-1 ou les enzymes Argonautes 1 et 2 du complexe protéique RISC (Consortium 2006). En 2006, Aronstein et collaborateurs ont pu montrer que le canal transmembranaire SID-1 nécessaire à l’entrée des dsRNA dans le cytoplasme est présent chez l’abeille et que le gène correspondant est surexprimé après une injection de dsRNA (Aronstein et al 2006).

I.4.3

De l’utilisation des ARN interférents chez l’abeille

Par le fait même du mode de reproduction de l’abeille domestique, il est impos- sible d’obtenir des lignées mutantes à l’égale de celles des drosophiles dont on connaît la prodigieuse utilité pour étudier in vivo la fonction d’une protéine, d’une cellule, d’un réseau neuronal ou d’un structure cérébrale. Afin de pallier cette absence de mutant, l’interférence d’ARN est un outil de grande puissance. La première étude ayant mis en l’œuvre l’utilisation de cet outil biomoléculaire chez l’abeille fut celle conduite par Fiala et collaborateurs (1999) sur la Protéine Kinase A. Cette équipe a réalisé des injection d’ODN (OligoDesoxyriboNucleotides) antisens, qui sont des séquences d’ADN, chez l’adulte pour réduire l’expression de la protéine kinase A dans le but d’en étudier la fonction in vivo au cours d’un conditionnement olfactif appétitif du PER.

Plus tard, Beye et collaborateurs (2002) ont utilisé avec succès des ARN double- brins (dsRNA) sur des oeufs. Ils ont pu, par cette technique, réduire l’expression

Figure 17 – Schéma simplifié du mécanisme de l’interférence d’ARN. Abb : RISC : RNA Interference Silencing Complex ; dsRNA : double strand RNA ; siRNA : small interferent RNA ; R : Ribosome ; voir le texte pour plus de détails

I.5. Les objectifs de la thèse 33

Gène ciblé Méthodes Administration Stade Références

amEgrf dsRNA Orale

Larve Kamakura 2011

amInR dsRNA Orale

amS6K dsRNA Orale

irS1 dsRNA Injection Adulte Chan et al 2011

gemini siRNA Injection Adulte Jarosh et al 2011

NR1(Récepteur NMDA) dsRNA/siRNA Injection Adulte Mussig et al 2010

Krüppel

dsRNA Injection Œuf Wilson et al 2010

caudal giant

Vittelogenine dsRNA Orale Larve Nunes & Simoes 2009

notch dsRNA Injection Œuf Wilson et al 2010

Am-till

dsRNA Injection Œuf Wilson et al 2009

Am-otd-1

ultraspiracle dsRNA Injection Larve Barchuk et al 2008

complementary sex determiner dsRNA Injection Œuf Hasselmann et al 2008

feminizer

Relish dsRNA Injection Adulte Schluns et al 2007

chemosensory proteine dsRNA Injection Œuf Maleszka et al 2007

Am18w dsRNA Orale/Bain Larve Aronstein et al 2005

Vittelogenine dsRNA Injection Œuf/Adulte Amdam et al 2003

Récepteur Octopamine dsRNA Injection Adulte Farooqui et al 2003

Engrailed dsRNA Injection Œuf Beye et al 2002

PKA ODN Injection Adulte Fiala et al 1999

Tableau 3 – Tableau récapitulatif des différentes études utilisant l’interférence d’ARN chez l’abeille domestiques

de la protéine engrailed et montrer son implication dans les processus de dévelop- pement. L’année suivante, le travail de Gro Amdam montra l’efficacité de dsRNA ciblant la vitellogénine au stade embryonnaire mais également au stade adulte. La première étude montrant l’utilisation de siRNA a été effectué en 2010, les auteurs ont pu induire une réduction de l’expression des récepteurs NMDA montrant leur rôle dans la mémoire (Mussig et al 2010). Plus récemment, El Hassani et al (2012) ont également montré l’efficacité de cet outil en ciblant les récepteurs glutamate couplé à un canal chlore (GluCl) dans le cadre d’une étude fonctionnelle.

Depuis leur découverte, de nombreux travaux ont pris avantage de l’interférence par ARN dans différents domaines principalemment la neurobiologie et le dévelop- pement (cf. Tableau3).

I.5

Les objectifs de la thèse

Au cours de ce travail de thèse, le rôle des récepteurs comportant les sous-unités Amelα7 ou Amelα8 a été étudié. Le choix de ces sous-unités a été déterminé en fonc-

tion des connaissances que nous avions obtenues grâce aux études neuropharmacolo- giques, d’hybridation in situ et de PCR sur cellule unique. Ces deux sous-unités sont présentes au niveau des principales structures liées au processus d’apprentissage et de mémoire olfactive. Les expériences de PCR sur cellule unique montrent un profile d’expression différent de chacune de ces sous-unités : Amelα8 est exprimée par les cellules en culture de lobes antennaires et les cellules de Kenyon alors que la sous- unité Amelα7 est présente uniquement au niveau du lobe antennaire (Dupuis et al 2011). Enfin, l’utilisation d’antagonistes nicotiniques ayant des cibles différentes chez le vertébré montre une implication différente de 2 types de récepteurs nicotiniques dans les processus d’apprentissage et de mémoire (Gauthier et al 2006). Sur la base des expériences de pharmacologie et l’utilisation de l’interférence par ARN, ce tra- vail de thèse a pour objectif de comprendre le rôle de différents types de récepteurs nicotiniques dans les processus d’apprentissage, de formation et de restitution de la mémoire. Dans ce but, les sous-unités nicotiniques Amelα7 et Amelα8 ont été sous exprimées au cours de différentes phases de mémoire (Acquisition / Consolidation ou Restitution) dans le cadre d’un conditionnement olfactif du REP.

Deux hypothèses de travail ont été formulées afin d’orienter notre démarche expérimentale :

– Les récepteurs formés de sous-unités Amelα8 (proche de α3 humaine) et po- tentiellement ciblés par la mécamylamine pourraient être impliqués dans les processus de restitution de l’information acquise après un conditionnement associatif.

– Les récepteurs formés de sous-unité Amelα7 et potentiellement ciblés par l’α- bgt pourraient être impliqués dans les processus de formation de la mémoire à long terme.

Chapitre II

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