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9 Analyse des données recueillies

9.3 Hypothèse 2

«Il existe un tabou lié à la sexualité qui empêche les équipes éducatives d’investir pleinement ce sujet. »

Tout d’abord, nous nous pencherons sur les arguments des éducateurs pour qui parler de sexualité dans leur pratique n’est pas un tabou. Ensuite, nous nous intéresserons aux avis des éducateurs qui semblent partagés par la question. Enfin, nous relèverons les propos émis par les éducateurs qui trouvent effectivement que parler de sexualité reste une tâche difficile. Une synthèse d’analyse de cette hypothèse sera également effectuée.

9.3.1 Un tabou absent

Six éducateurs affirment ne pas ressentir de tabou lorsqu’il s’agit de discuter de sexualité au sein de leurs équipes. Certains professionnels trouvent que c’est un sujet comme un autre. D’autres nous ont transmis que, comme ils sont souvent confrontés à des problématiques

liées à la sexualité dans le cadre de leur pratique, c’est un sujet qu’ils doivent aborder et que par conséquent, ils sont habitués à cela. Un éducateur met en avant le fait que tout doit être abordé au sein de l’équipe à partir du moment où c’est un sujet qui est important pour le jeune et son accompagnement.

Nous remarquons donc que pour la moitié des éducateurs interrogés, parler de sexualité avec les collègues n’est pas un problème.

9.3.2 Un tabou modéré

Trois éducateurs rejoignent le premier groupe ci-dessus en relevant que la sexualité ne fait pas l’objet d’un sujet tabou entre collègues directs. En revanche, ils indiquent qu’un certain tabou est présent au niveau institutionnel. Pour expliquer cela, ils nous confient que l’historicité de leur institution, à caractère religieux, induit un certain tabou général lorsqu’il s’agit d’échanger autour de la sexualité.

Un éducateur dit même que les problèmes liés à la sexualité sont mis un peu de côté, « qu’on en parle pas trop ». Un autre professionnel avance que les professionnels osent peu s’exprimer en grand groupe (au niveau institutionnel) lorsqu’il s’agit d’éléments liés à la sexualité des jeunes. Ce même éducateur relève également qu’il peut s’avérer difficile de parler de sexualité avec certains collègues car c’est un sujet qui nous renvoie à nos propres valeurs, à nos connaissances, notre éducation. Il fait également un lien intéressant entre la difficulté à parler de sexualité et le fait que le Valais soit un canton qui demeure encore très catholique.

9.3.3 Un tabou présent

Trois autres éducateurs ressentent effectivement un tabou autour de la sexualité dans leur pratique. L’un d’eux avance même qu’une minorité de professionnels aborde le thème de la sexualité avec les jeunes. Il met en avant la grande différence d’âge entre certains éducateurs pour expliquer un tabou présent. Selon lui, des professionnels d’une même équipe issus de deux générations distinctes rendraient la discussion autour de la sexualité plus complexe. Il ajoute que selon certains éducateurs, c’est le SIPE qui doit se charger de discuter de sexualité avec les jeunes.

Un autre éducateur suppose qu’il est beaucoup plus facile de parler de tout autre chose que de sexualité. De ce fait, le sujet de la sexualité est mis de côté sous prétexte que d’autres problématiques sont plus importantes. Enfin, un dernier éducateur trouve qu’il existe des divergences importantes dans l’attitude de certains professionnels lorsqu’il s’agit d’aborder la sexualité. Certains sont très à l’aise et d’autres préfèrent éviter le sujet. Ce même éducateur pense que si nous sommes au clair avec notre propre sexualité, nous aurons davantage de facilité à aborder ce thème et par conséquent, à entreprendre des démarches préventives auprès des jeunes.

Michaud (1997) est également de cet avis puisqu’il conseille aux professionnels côtoyant des adolescents d’effectuer un travail sur eux-mêmes autour du thème de la sexualité lors de

supervisions, par exemple. De cette manière, les professionnels seraient plus à l’aise d’échanger sur le sujet avec d’autres collègues et d’envisager des pistes d’actions préventives pour les jeunes.

9.3.4 Synthèse de l’hypothèse 2

Il semblerait que les éducateurs soient partagés quant à l’idée d’un tabou existant autour de la sexualité dans leur quotidien professionnel. En effet, la moitié des éducateurs interrogés n’ont aucun problème à discuter de sexualité avec leurs collègues. En revanche, l’autre moitié est mitigée. Parmi les raisons principales qui expliquent le tabou lié à la sexualité nous retrouvons :

 Des différences d’âges importantes entre les professionnels entrainant une possibilité de percevoir la sexualité autrement selon son vécu, sa génération.

 Des institutions avec un historique religieux.

 Le Valais était et reste un canton très religieux.

 Certains professionnels ne sont pas à l’aise avec leur propre sexualité. Ils ne seraient ainsi pas à l’aise d’aborder ce thème en équipe et/ou avec le jeune.

 Les grands groupes (toute l’institution réunie) effraieraient certaines personnes à s’exprimer autour de la sexualité.

A noter que des éducateurs pensent que c’est au SIPE de gérer les problématiques liées à la sexualité chez les jeunes. Nous ne pouvons cependant pas intégrer cet élément dans les raisons expliquant le tabou présent. En effet, si certains éducateurs préfèrent délaisser des tâches au SIPE en ce qui concerne la sexualité, cela ne voudrait pas dire pour autant qu’ils éprouvent une gêne à parler de sexualité. Il est possible que des professionnels ne s’intéressent simplement pas à travailler cette thématique avec les jeunes.

Pour finir, nous constatons que, parmi les éducateurs évoquant la présence d’un tabou lié à la sexualité, des exemples démontrant un manque d’investissement peuvent être relevés. Les voici :

 Parler de sexualité pouvant être tabou, les problèmes liés à celle-ci sont quelque peu mis de côté et le sujet est évité. Si les problèmes sont mis de côté, nous pouvons imaginer que peu de pistes d’actions soient proposées.

 A cause du tabou, une minorité d’éducateurs aborde le sujet avec les jeunes. Cela démontre que certains éducateurs ne sont ni à l’aise ni ouverts à parler de ce sujet. Le malaise peut empêcher les professionnels de s’entretenir avec les jeunes à ce sujet. De plus, le travail en équipe en matière de prévention s’avère ainsi complexe et peu présent.

 Certains éducateurs pensent que c’est au SIPE de gérer les questions liées à la sexualité. Même si plus haut nous avons précisé que cet aspect ne révélait pas forcément un tabou présent, il pourrait tout de même démontrer un manque d’investissement lié à une gêne camouflée.

 Le tabou lié à la sexualité incite à se focaliser sur d’autres problématiques (consommation, violence physique, etc.). Lorsque le tabou est présent, peu de choses sont donc mises en place au niveau de la sexualité et l’intérêt est déporté sur d’autres thématiques.