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Hypercontractivité et inégalité de Sobolev logarithmique

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5.4 A la recherche de la meilleure constante

5.4.2 Hypercontractivité et inégalité de Sobolev logarithmique

Dans le second cas, il suffit de majorerp(1−p) logp(13p) pour obtenir :

I(A)≥ 1

√2 log 12logn µp(A)(1−µp(A)). Or 12 <1−0.289. On obtient donc, dans les deux cas possibles :

I(A)≥ logn

√2 log 12µp(A)(1−µp(A)), En utilisant le lemme 5.1.1, on conclut donc :

∀ε∈]0,1

2], p1−ε−pε ≤Clog 1−εε logn , avecC= 2√

2 log 12≤7.03.

Cette démonstration n’est pas aisée à optimiser. Elle laisse pourtant le choix, notamment, des exposants q et q0, et il n’est pas impossible que des exposants judicieux mènent à de meilleures valeurs pour la constante C. Nous allons néanmoins découvrir un chemin bien plus pratiquable pour obtenir l’amélioration recherchée.

Remarque:

Dans leur article sur la percolation de premier passage [8], Benjamini, Kalai et Schramm améliorent le résultat principal de Talagrand dans [62] dans le cas où p= 12. Il est facile de généraliser leur résultat à unpquelconque, en utilisant la bonne constante d’hypercontractivité qui découle de la proposition 5.4.11. On peut alors obtenir une version du théorème 5.4.1 où la constanteCvaut 2. Dans les chapitres suivants, nous montrons comment obtenir une meilleure constante.

Remarquons que la preuve de Benjamini, Kalai et Schramm est plus simple que celles de Friedgut et Kalai, ou Bourgain et Kalai, mais qu’elle utilise toujours la décomposition de l’indicatrice deAsur la base(rS)S⊂{1,...,n}.

§ 5.4 A la recherche de la meilleure constante. 81 pourΩ = {0,1}n, B pourra être l’ensemble des fonctions deΩ dansR, muni de la norme k.k. C’est le cas qui nous intéressera. On pourra prendre aussiΩ =Rn, etB=Cb(Rn,R), muni encore de la normek.k. On supposera toujours que la fonction 1I, constante égale à 1, appartient àB.

Définition 5.4.3 On dit qu’une famille (St)t0 d’opérateurs linéaires sur B est un semi-groupe de Markovsi :

(i) S0 =Id ,

(ii) pour toute fonctionf ∈ B, t7→Stf est continue surR+ , (iii) pour touss, t≥0, St+s =St ◦Ss ,

(iv) St 1I = 1I etStf ≥0pourf ≥0, (v) pour toute fonctionf ∈ B, kStfk ≤ kfk.

Définition 5.4.4 Lorsque la fonction 1t (Stf −f) admet une limite dans B lorsque t tend vers 0, on note Lf cette limite. On appelle alorsgénérateur infinitésimall’opérateur L ainsi défini.

On définit alors l’hypercontractivité de la manière suivante :

Définition 5.4.5 Etant donnée une fonction strictement croissanteq, deR+dans[q(0),+∞[, on dit qu’un semi-groupe(St)t0 est hypercontractif de fonction de contraction q, si pour toute fonctionfdeB, et toutt >0,

kStfkq(t) ≤ kfkq(0). Cela revient donc à dire queStest une contraction deLq(0)T

BdansLq(t)T

B. Evidemment, une telle définition n’est intéressante que siLq(0)T

B n’est pas vide. Elle traduit alors une certaine capacité du semi-groupe à “lisser” les fonctions.

La propriété d’hypercontractivité d’un semi-groupe a un un lien étroit avec l’existence d’une inégalité de Sobolev logarithmique. Pour définir ce qu’on entend par là, commençons par définir l’entropie d’une fonction relativement à une mesureµ.

Définition 5.4.6 Soit(E,F, µ)un espace probabilisé. On appelleentropied’une fonctionf mesurable, par rapport àµ, la quantité, toujours positive, suivante :

Entµ(f) :=

Z

E

f(x) logf(x)dµ(x)− Z

E

f(x)dµ(x) log Z

E

f(x)dµ(x).

Une inégalité de Sobolev logarithmique est alors définie par une certaine majoration de l’en-tropie.

Définition 5.4.7 Soit L un générateur infinitésimal de mesure invarianteµ(c’est à dire que µest invariante par le semi-groupe de Markov associé à L). On dira que µsatisfait à une inégalité de Sobolev logarithmique de constantecsi, pour toute fonctionf ∈ D(L),

Entµ(f2)≤c Z

−fLf dµ . Le termeR

−fLf dµ est appelél’energie def associée au générateur L.

Le lien étroit entre hypercontractivité et inegalité de Sobolev logarithmique est donné par le théorème suivant, dû à Gross [36].

Théorème 5.4.8 Soit(St)t0un semi-groupe de Markov admettantµpour mesureréversible (cf. [66] p. 121). Alors, les deux propositions suivantes sont vérifiées :

(i) S’il existe une constantec >0telle que le semi-groupe(St)t≥0soit hypercontractif de fonction de contractionq(t) = 1 +e4tc, alors, la mesureµsatisfait à une inégalité de Sobolev logarithmique de constantec.

(ii) Siµsatisfait à une inégalité de Sobolev logarithmique de constantec > 0, alors pour tout q(0) > 1, le semi-groupe(St)t0 est hypercontractif, de fonction de contraction q(t) = 1 + (q(0)−1)e4tc.

Si on repense maintenant à la démonstration du théorème 5.2.1, on s’aperçoit que la suite d’opérateurs (Pε)ε]0,1] définie dans le lemme 5.2.2 forme un semi-groupe de Markov, de mesure stationnaireµ, si on le reparamètre en tempst= log 1ε. Nous allons construire l’ana-logue de ce semi-groupe pour toutp ∈ [0,1]. On définit le semi-groupe(Tt)t0 sur {0,1} d’un processus Markovien de saut binaire, qui passe de 0 à 1 avec tauxp et de 1 à 0 avec taux1−p. Son générateur est le suivant (voir par exemple [66]) :

Hf(x) :=

(1−p)(f(0)−f(1)) six= 1,

p(f(1)−f(0)) six= 0. (5.4.12) L’opérateurTt est égal àexptH, et on peut ainsi exprimer le noyau de transition de(Tt)t≥0. Pour toute fonctionf de{0,1}dansR,

Ttf(x) = X

y∈{0,1}

f(y)Kt(x, y), avec :

Kt(x, x) =et+ (1−et)bp(x),

Kt(x, y) = (1−et)bp(y)six6=y .

Il est facile de voir quebpest une mesure symétrique et invariante pour ce semi-groupe, c’est à dire que :

∀f, g, Z

gTtf dbp = Z

f Ttg dbp .

Puis, on obtient le semi-groupe(Tn,t)t0 sur{0,1}n, obtenu à partir du précédent “par ten-sorisation”. Si on noteLi le générateur associé au semi-groupe (Tt)t0 agissant seulement sur lai-ème variable des fonctions de{0,1}ndansR, on prend pour générateur de(Tn,t)t≥0 l’opérateurLdéfini comme la somme de Kronecker desLi(cf. [66]) :

L= Mn

i=1

Li .

§ 5.4 A la recherche de la meilleure constante. 83 Ainsi,(Tt)t≥0 a pour noyau de transition :

Kn,t((x1, . . . , xn),(y1, . . . , yn)) = Yn

i=1

Kt(xi, yi), et on a, pour toute fonctionf de{0,1}ndansR,

Tn,tf(x) = X

y∈{0,1}n

f(y)Kn,t(x, y).

Nous réunissons dans la proposition suivante les propriétés immédiates des opérateursLi et L. Lorsqu’une fonctionf est décomposée sur la base(rS), on voit notamment apparaître le rapport entre l’énergie def associée au générateurLet la quantitéP

S|S|α2S, fondamentale dans les théorèmes 5.2.1 et 5.4.1.

Proposition 5.4.9

1. Le générateur Li est décrit par : Lif(x) =

−(1−p)∇if(x) sixi = 1, p∇if(x) sixi = 0. 2. Le générateur Li est décrit par :

Lif =−

f− Z

f dbp(xi)

.

3. Le générateur L possède une base orthonormée de L2({0,1}n, µp) de fonctions propres qui est constituée des fonctionsrS définies par :

∀x∈ {0,1}, r(x) =

−q

1p

p si x= 1 q p

1p si x= 0 .

∀x∈ {0,1}n, rS(x) =Y

i∈S

r(xi). La fonction proprerS est associée à la valeur propre|S|. 4. Pour toute fonction f = P

SαSrS de {0,1}n dans R, l’énergie de f associée à L vérifie l’égalité :

E(−fLf) =X

S

|S|α2S .

Démonstration:

1. C’est immédiat, vue la définition du générateurHen 5.4.12.

2. Montrons cela pouri= 1. On a :

f− Z

f dbp(x1)(x)

= −p(f(x)−f(1, x2, . . . , xn))−(1−p)(f(x)−f(0, x2, . . . , xn)),

= −p(f(x)−f(1, x2, . . . , xn))1Ix1=0

−(1−p)(f(x)−f(0, x2, . . . , xn))1Ix1=1 ,

= −p(f(x)−f(T1(x)))1Ix1=0−(1−p)(f(x)−f(T1(x)))1Ix1=1 ,

= L1f(x),

d’après le premier point.

3. Grâce au deuxième point, on peut voir facilement que : LirS =−1Ii∈SrS .

Et donc,

LrS = Xn

i=1

LirS =− Xn

i=1

1IiSrS =−|S|rS .

Le fait que les fonctions rS forment une base orthonormée de L2({0,1}n, µp) se vérifie aisément, et a déjà été évoqué au début de la section 5.3.

4. D’après le dernier point, on a, sif s’écritP

SαSrS, E(−fLf) =E X

S

αSrS ×X

S

|S|αSrS

! .

Comme les fonctionsrSforment une base orthonormée deL2({0,1}n, µp), on obtient :

E(−fLf) =X

S

|S|α2S .

Dans le cas oùf est l’indicatrice d’un ensemble croissant, la propriété 5.4.9 nous permet de relier l’énergie def associée àLet la dérivée pdp(A).

Lemme 5.4.10 Sif = 1IA, oùAest un sous-ensemble croissant de{0,1}n, on a, pour tout ide{1, . . . , n}:

− Z

fLif dµp =p(1−p) Z

if dµp ,

− Z

fLf dµp =p(1−p)dµp(A) dp ,

et Z

(Lif)2p =p(1−p) Z

if dµp .

§ 5.4 A la recherche de la meilleure constante. 85 Démonstration:

D’après la proposition 5.4.9 :

− Z

fLif dµp = Z

(1−p)f(x)1Ixi=1if(x)dµp(x)

− Z

pf(x)1Ixi=0if(x)dµp(x)

.

Or,f étant une fonction indicatrice croissante, on peut voir facilement que :

∀x∈ {0,1}n, f(x)1Ixi=1if(x) = 1Ixi=1if(x), et :

∀x∈ {0,1}n, f(x)1Ixi=0if(x) = 0,

En observant que∇if(x)ne dépend pas de la coordonnéexi, on obtient :

− Z

fLif dµp =p(1−p) Z

if dµp . Ensuite,

− Z

fLf dµp =p(1−p) Z Xn

i=1

if dµp . Donc, d’après le lemme 5.1.3,

− Z

fLf dµp =p(1−p)dµp(A) dp .

Pour la dernière égalité, c’est immédiat, en notant que pour une fonctionf crois-sante,∇if = (∇if)2.

Ainsi, une inégalité de Sobolev logarithmique appliquée à f = 1IA donnerait directement une minoration de pdp(A). On a justement une telle inégalité pour le semi-groupe de généra-teurL:

Proposition 5.4.11 Soitp∈]0,1[, etf une fonction de{0,1}ndansR. On a : Z

f2logf2p− Z

f2p

log

Z

f2p ≤cLS(p) Z

−fLf dµp , (5.4.13) où :

cLS(p) =

log(1p)logp

1pp sip6= 12 , 2sip= 12 .

0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1.0 2.0

2.4 2.8 3.2 3.6 4.0 4.4 4.8

PSfrag replacements

p cLS(p)

FIG. 5.1 – Valeur de la constante de Sobolev logarithmiquecLS(p)en fonction dep.

On trouvera un graphe de la fonctionp 7→ cLS(p)à la figure 5.1. Pour démontrer la propo-sition 5.4.11, il suffit d’utiliser deux résultats dont on pourra trouver une démonstration, par exemple, dans [4]. Le premier résultat est l’obtention de l’équation (5.4.13) pourn = 1. Le second résultat est la propriété 5.4.12, connue sous le nom de “tensorisation de l’entropie”.

Cette propriété permet sans effort de passer du cas n = 1 au cas général lorsqueLest une somme de Kronecker, comme c’est le cas ici.

Proposition 5.4.12 Soient(Ei,Fi, µi, i= 1. . . , n)nespaces de probabilité et(En,Fn, µn1) l’espace produit muni de la tribu produitFnet de la mesure produitµn1⊗. . .⊗µn. On a alors :

Entµn(f)≤ Xn

i=1

Eµn(Entµi(f)),

où la notation Entµi(f)signifie que seule laiemevariable est concernée par les intégrations.

La minoration obtenue en appliquant directement la proposition 5.4.11 à f = 1I(A)n’est pas intéressante, et pour tirer pleinement parti de l’inégalité de Sobolev logarithmique, on peut écriref−R

f dµpcomme une somme d’accroissements de martingale (pour la filtration naturelle sur{0,1}n), et appliquer la proposition 5.4.11 à chaque accroissement.

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