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CHAPITRE IV. EVOLUTION CRISTALLOCHIMIQUE DES LAITIERS LAC AVEC LA

B. Description de l’altération des laitiers LAC

2. Hydratation de la Larnite

Les résultats de DRX ont montré que la Larnite n’était plus présente dans les zones altérées (ou seulement à l’état de traces). Cette phase est donc altérée lors de la lixiviation.

2.1 Dans le lysimètre

La carte de répartition du Si dans la couche altérée du grain vieilli en lysimètre (Figure IV-23) indique que cet élément reste présent dans la zone altérée. Des microanalyses chimiques de cette couche d’altération ont donc été réalisées à l’aide du MEB-EDS (cercles et triangles de la Figure IV-24, analyses semi-quantitatives). Les microanalyses sont comparées à celles de grains de laitier LAC non altéré (Figure IV-24). La Figure IV-24 montre clairement une évolution du rapport atomique Ca/Si des phases silicatées : en moyenne 2.36 dans les échantillons non altérés et entre 0.6 et 1.3 dans la couche d’altération. Il existe donc une phase secondaire, amorphe ou faiblement ordonnée car non détectée par la DRX, qui piège le Si relargué lors de la dissolution de la Larnite.

L’hydratation de la Larnite est décrite dans la littérature (109) par trois réactions simultanées et se décompose en trois mécanismes distincts :

- dissolution congruente des grains de Ca2SiO4.

- précipitation de silicate de calcium hydraté (CaO)xSiO2(H2O)y (C-S-H en notation cimentière). Cette réaction intervient dès que la sursaturation par rapport au silicate de calcium hydraté est atteinte.

- précipitation éventuelle de Portlandite Ca(OH)2. Comme le rapport Ca/Si des C-S-H est inférieur à celui de la Larnite, la solution s’enrichie en Ca et sa concentration peut atteindre la sursaturation vis-à-vis de la Portlandite.

Les cercles de la Figure IV-24 correspondent donc à des C-S-H. L’image MEB-BSE de la Figure IV-25 illustre bien l’hydratation de la Larnite qui s’accompagne de précipitation de C-S-H.

0.00 0.25 0.50 0.75 1.00 0.00 0.25 0.50 0.75 1.00 0.00 0.25 0.50 0.75 1.00 % S i CSH CaCO3 C2F (Fe, Mn, % C a % Fe+Mn+Mg 77 points d'analyse % atomique

Figure IV-24 : Evolution du rapport atomique Ca/Si (semi-quantitatif) des phases silicatées lors de l’altération en lysimètre

Figure IV-25 : Image MEB-BSE montrant l’hydratation de la Larnite dans la zone altérée d’un grain de laitier LAC vieilli en lysimètre

Remarque : On parle de dissolution congruente lorsque les constituants du minéral passent simultanément en solution, leur rapport stoechiométrique en solution est identique à celui du matériau initial.

Les C-S-H sont des composés complexes et variés qui ont suscités de nombreuses études. Les travaux les plus récents (120,121) distinguent trois variétés de C-S-H selon leur rapport atomique Ca/Si : compris entre 0.7 et 1, compris entre 1.0 et 1.5 et supérieur à 1.8.

Le rapport H2O/SiO2 est encore très mal connu car il est difficile à mesurer. En effet, la forte porosité des C-S-H rend difficile la distinction entre l’eau de structure et l’eau des pores. Il s’agit de matériaux mal ordonnés à grandes distances (122). Ces composés sont difficilement détectables par DRX et les études visant à identifier leur structure se sont orientées vers l’utilisation de la spectroscopie de résonance magnétique nucléaire.

Pour les C-S-H ayant un rapport Ca/Si proche de 0.7, la Tobermorite (minéral naturel) est souvent Ca2SiO4 Ca/Si = 2.4 C-S-H Ca/Si = 0.9 S AF W C-S-H Zone altérée Zone non altérée AF : Ca2Fe2-xAlxO5 S : Ca2SiO4 W : FeO

C-S-H : silicates de calcium hydratés Ca : CaCO3

autres de 1.1 nm. Chaque feuillet est constitué de chaînes infinies formées de tétraèdres de Si recouvrant les deux faces d’un plan de Ca. L’espace interfoliaire ne contient que de l’eau.

Plusieurs modèles sont proposés pour décrire les C-S-H ayant un rapport Ca/Si plus élevé et sont basés sur des modifications de la structure de base de la Tobermorite afin d’expliquer l’augmentation de Ca (124).

Dans le lysimètre, l’hydratation de la Larnite ne s’accompagne pas de la formation de Portlandite car les ions Ca2+ en solution sont carbonatés et précipitent sous forme de Calcite (voir ci-dessous). Les courbes de relargage du Si en sortie du lysimètre ne sont actuellement pas disponibles. Cependant, ce résultat (la formation de C-S-H lors de l’hydratation de la Larnite) nous amène à penser que le Si est peu mobile dans le lysimètre. En effet, le Si mis en solution lors de la dissolution de la Larnite peut être en partie piégé par la formation des C-S-H.

Roadcap et al. (99) ont étudié l’altération de laitiers LAC remplissant une fosse dans un site de stockage de déchets industriels (USA, région de Chicago) et mentionnent également l’hydratation des silicates de calcium. Les laitiers LAC étudiés dans cette étude contenaient initialement de la Rankinite (Ca3Si2O7), de la Larnite (Ca2SiO4) et de la Wollastonite (CaSiO3)). Leur hydratation s’accompagnait de la formation de Portlandite (seulement dans les couches inférieures de la fosse), de Calcite et de Tridymite (SiO2), la forme stable du quartz à hautes températures. Huijgen et al. ont également étudié le mécanisme d’hydratation de la Wollastonite (CaSiO3), comme minéral naturel (125) et comme constituant d’un laitier LAC (31). Ils ont montré que la dissolution incongruente de la Wollastonite s’accompagnait de la formation d’une couronne de SiO2 amorphe qui limitait la diffusion et le relargage du Ca. On peut donc poser l’hypothèse de l’éventuelle présence de silice amorphe dans les zones altérées des grains de laitier LAC vieillis en lysimètre.

2.2 Au cours de la lixiviation dynamique

Les teneurs en Si et Ca chutent fortement dans la zone altérée du grain lixivié en CTG-Leachcrete (Figure IV-21). En laboratoire, le relargage du Si est relativement important. Sa fraction totale relarguée après 130 jours de lixiviation dynamique est proche de 17 % (voir chapitre III). La dissolution de la Larnite s’accompagne-t-elle dans ce cas de la formation de C-S-H ?

Des spectres de µ-XRF (faisceau de 10 µm, 15 kV et temps de comptage de 1000 s) sont enregistrés en pointant le faisceau incident dans la zone altérée (65 positions quadrillant aléatoirement la zone altérée). L’analyse de ces 65 spectres est réalisée par SIMPLISMA en sélectionnant les mêmes variables pures que précédemment (laitier LAC non altéré) : raies Kα du Ti, du Mn, du Si et du S (Figure IV-26) (consulter le Tableau IV-4 pour les correspondances entre les variables pures et les phases minéralogiques).

On peut comparer les spectres extraits de la Figure IV-26 avec ceux extraits précédemment (laitier LAC non altéré) (Figure IV-11).

0 0.002 0.004 0.006 0.008 0.01 0.012 1000 1200 1400 1600 1800 2000 2200 2400 Non altéré Zone altérée Energie (eV) Si P 0 0.01 0.02 0.03 0.04 0.05 0.06 0.07 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 Non altéré Zone altérée Energie (eV) Ca Si P Ca Κα In tens ité XRF (u.a. )

Figure IV-26 : Spectres extraits par l’analyse SIMPLISMA à partir de la variable pure Si caractéristiques de la Larnite (LAC non altéré et zone altérée d’un grain lixivié 130 jours en

CTG-Leachcrete)

La contribution moyenne du spectre extrait pour l’ensemble des 65 spectres de la zone altérée est plus faible que celle du spectre extrait précédemment (Tableau IV-8). Cela signifie que la phase associée à la « variable pure Si » est peu présente dans la zone altérée.

De plus, le rapport des intensités normalisées des raies de fluorescence Kα du Ca et du Si est plus faible (facteur 2 par rapport au laitier LAC non altéré). Ce résultat peut être rapproché de celui de la Figure IV-24 qui montre l’évolution du rapport atomique Ca/Si : proche de 2 dans le laitier LAC non altéré (Larnite) et proche de 1 dans la zone altérée (C-S-H).

Tableau IV-8 : Caractéristiques des spectres extraits à partir de la variable pure Si

Spectre extrait à partir de la

variable pure « Si » Contribution moyenne Rapport des intensités normalisées (Ca/Si)

Laitier LAC non altéré 1.19 × 105 13.9

Zone altérée de laitier LAC lixivié

130 jours en CTG-Leachcrete 1.72 × 104 7.3

On peut donc poser l’hypothèse que des C-S-H sont présents en faibles quantités dans la zone altérée du grain lixivié en laboratoire. Cependant, le pH de la solution lixiviante dans le réacteur du CTG-leachcrete est compris entre 8.5 et 9. Ce pH n’est pas favorable à la formation de C-S-H. En effet, les pH des solutions en équilibre thermodynamique avec des C-S-H sont plus élevés (Tableau IV-9). Il faut donc également poser l’hypothèse que le pH local, à l’interface solide/liquide dans la zone altérée, est plus élevé que celui de la solution lixiviante qui circule dans le réacteur.

* pic d’échappement du Ca

Tableau IV-9 : pH des solutions en équilibre thermodynamique avec des C-S-H

C-S-H, Ca/Si = 1.25 C-S-H, Ca/Si = 1.00 C-S-H, Ca/Si = 0.83

pH expérimental (126) 12.2 12.0 11.5

pH calculé (95) 12.3 11.0

2.3 Comportement à la lixiviation du phosphore

La quasi-totalité du P contenu dans le laitier LAC est concentrée dans la Larnite (voir partie A de ce chapitre). Nous avons vu que la Larnite était altérée lors de la lixiviation des laitiers LAC mais que le P était un élément très peu mobile (à l’échelle du laboratoire, voir chapitre III) : comment peut-on expliquer alors le comportement du P lors de la lixiviation des laitiers LAC en laboratoire ?

La carte de répartition du P (Figure IV-27) enregistrée par µ-XRF montre clairement que cet élément est retenu dans la zone altérée d’un grain de laitier LAC lixivié 130 jours en CTG-Leachcrete (voir également son profil d’intensité de fluorescence, Figure IV-21). Le mécanisme de rétention du P sera abordé plus loin (voir paragraphe 4.2).

Figure IV-27 : Cartographies élémentaires (P et Si) d’une section d’un grain de laitier lixivié 130 jours en laboratoire (voir Figure IV-20)

On peut citer les travaux de Baker et al. (127) qui ont étudié la capacité des laitiers LAC à traiter des eaux souterraines chargées en P. Ces auteurs ont montré que la teneur en P d’une solution chute brusquement dès sa mise en contact statique avec des laitiers LAC (Figure IV-28). Le mécanisme de rétention du P par les laitiers LAC, retenu et validé par ces auteurs, est la précipitation de phosphates de calcium très peu solubles à pH basiques.

Zone non altérée Zone altérée

P (Kα)

Zone non altérée Zone altérée

Figure IV-28 : pH et teneur en P d’une solution initialement concentrée en P mise en contact statique avec des laitiers LAC (BOF slag)

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