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Chapitre I : Synthèse bibliographique : trypanosomoses glossines lutte anti-vectorielle

1.2. Généralités sur les mouches tsé-tsé

1.2.3. Lutte anti-vectorielle

1.2.3.4. Technique de l’insecte stérile

1.2.3.4.1. Historique et définition des concepts de la TIS

Historique

La technique de l’insecte stérile (TIS) est une méthode biologique de contrôle, de prévention ou d’éradication d’insectes nuisibles où des milliers d’individus stériles sont lâchés (Vreysen 2001). Elle est généralement appliquée comme une composante d’une lutte intégrée en zone isolée naturellement (îles) ou génétiquement (absence de flux de gènes entre populations) ou par une barrière artificielle (AW-IPM) (Klassen 2005a). La stérilisation d’insectes par irradiation a été développée dans les années 1950 par des entomologistes américains (Klassen and Curtis 2005b). Cette approche a été utilisée pour la première fois aux USA contre la lucilie bouchère, parasite mortel pour le bétail qui causait d’énormes pertes en viande et lait et la mort de l’animal qui survient 7 à 10 jours après en cas d’absence de traitement. Depuis les années 1950, du fait de son impact socio-économique, la TIS a été utilisée avec succès dans tous les continents pour l’éradication de nombreux insectes nuisibles afin d’assurer une production végétale et animale saine et améliorer la santé humaine.

Quelques exemples de programmes d’éradication réussis dans le monde :

- La lucilie bouchère : Cochliomyia hominivorax, est une mouche dont la larve est pondue dans les plaies ouvertes ou atteintes cutanées suffisantes, et est responsable d’une myiase. Elle a été éradiquée par lâcher de mâles stériles sur l’île Curaçao (175 km2), littoral du Venezuela

(Baumhover et al. 1955), dans toute la Floride (Meyer and Simpson 1995), du Sud et l’Ouest de l’Amérique (Bushland 1985; Klassen 1989), dans toute l’Amérique Centrale (Wyss 2000), en Lybie (Lindquist et al. 1992). L’éradication de la lucilie bouchère a permis un accroissement significatif de la production de viande et de lait de qualité.

- Les mouches de fruits : Ceratitis capitata a été éradiqué du Mexique, de la moitié du Guatemala (Hendrichs et al. 1983; Villasenor et al. 2000), des USA : la Floride et la Californie (Dowell et al. 2000; Barry et al. 2004). Bactrocera cucurbitae Coquillett (mouche de melon) a été éradiqué de Okinawa et du Japon par lâcher de mâles stériles (Yamagishi et al. 1993; Kuba et al. 1996). Dans les années 1990, Cydia pomonella (Lepidoptera: Tortricidae) a également été éradiquée en Colombie et au Canada grâce à l’application de la TIS (Dyck et al. 1993). L’éradication des mouches de fruits a favorisé une relance économique très importante par l’amélioration significative de la production des fruits et l’exportation vers d’autres pays. Notons que pour des raisons techniques (maintien d’une quarantaine effective par exemple)

33 et/ou économiques, dans de nombreux pays, des programmes de lutte intégrée par utilisation de la TIS existent avec pour but la réduction et le maintien de la population des mouches de fruits le plus faible possible pour qu’elle ne soit plus un problème économique et sanitaire à l’exportation (Hendrichs et al. 2005).

- Les mouches tsé-tsé : la lutte intégrée par lâcher de mâles stériles a été utilisée avec succès contre les glossines. En effet, au Burkina Faso dans la zone pastorale de Sidéradougou, trois espèces de glossines (G. p. gambiensis, G. morsitans submorsitans et G. tachinoides) ont été éradiquées dans les années 1980 sur 3000 km2 (Cuisance et al. 1984; Politzar and Cuisance 1984a). Dans la même période, G. p. palpalis a été éradiquée au Nigéria sur près de 1500 km2 (Takken et al. 1986). Malheureusement, l’éradication dans ces deux pays ne sera pas durable du fait d’une ré-invasion par absence d’une quarantaine des zones assainies. Dans les années 1994, par application d’insecticides sur les animaux et pose de pièges/écrans imprégnés suivi de lâcher aérien de 7,8 millions de mâles stériles, G. austeni a été définitivement éradiqué sur l’île de Zanzibar (Vreysen et al. 2000). Depuis septembre 1996, aucune glossine sauvage n’a été capturée sur l’île et la transmission de la trypanosomose est arrêtée (Vreysen et al. 2014). D’autres opérations avec utilisation de la TIS sont en cours au Sénégal et en Ethiopie avec de grands espoirs.

Définition de concepts

La TIS était jusqu’en 1990 considérée comme une technique appropriée uniquement pour éradiquer certains insectes ravageurs. Avec l’amélioration faite dans les techniques d’élevage des insectes (Parker 2005), qui améliore significativement le rapport coût-efficacité de la TIS (Caceres et al. 2004), et la restriction de l’utilisation systématique des insecticides, la diffusion des résistances à ces insecticides, l’accroissement de la demande en produits organiques sains et les difficultés à établir des mesures de quarantaine efficaces pour maintenir une zone libérée de ravageurs, la TIS est maintenant appliquée dans trois options stratégiques que sont : la suppression, l’éradication et la prévention.

- La suppression : c’est l’utilisation de mesures de lutte dans une zone infestée pour réduire la densité de la population des ravageurs (FAO 2005). L’objectif de cette stratégie est de maintenir la population d’insectes à un faible niveau de telle sorte qu’ils ne soient plus un obstacle pour l’économie et/ou la santé. La suppression nécessite une intervention continue pour maintenir la pression et c’est à ce moment que la TIS peut être appliquée pour finaliser l’éradication.

34 - L’éradication : c’est l’utilisation des moyens de lutte pour éliminer jusqu’au dernier individu, la population d’insectes nuisibles (Klassen 2005a). L’exemple classique est celui de G. austeni au Zanzibar (Vreysen et al. 2000). Toutefois, en santé publique, le terme éradication prend une dimension plus globale car elle s’entend par l’extinction du ravageur jusqu’au niveau espèce (WHO 1998b). C’est par exemple le cas de l’éradication mondiale de la variole (OMS 1980). L’éradication ne demande pas des mesures d’intervention continue une fois que le niveau zéro est atteint. La stratégie d’éradication est soit appliquée pour éliminer une population de ravageurs naturellement établie (cas de G. austeni au Zanzibar (Vreysen et al. 2000)), soit pour éliminer une espèce exotique invasive pour éviter son installation, cas de la myiase à C. hominivorax en Lybie (Lindquist et al. 1992). Une éradication ne concernant qu’une population d’une espèce et non pas l’espèce au niveau global est aussi qualifiée d’élimination.

- La prévention : c’est l’usage des mesures de lutte dans une zone indemne pour éviter l’installation d’un insecte ravageur. Elle est souvent appliquée dans les zones à risque ou les mesures de quarantaine ne sont pas suffisantes pour éviter l’infestation.