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3-1 : Historique des démarches

L’émergence des premières théories de l’orientation professionnelle remonte au début du 20ème siècle :

« Ce n’est toutefois qu’au début du 20ème siècle, par suite de l’avènement de la révolution industrielle et de l’exode rural, que la problématique de l’orientation professionnelle, telle qu’elle pouvait se poser à de jeunes Américains en quête d’un gagne-pain dans la ville de Boston, fit spécifiquement l’objet d’un volume, « Choosing a vocation » de Frank Parsons (1909). Ce dernier y présentait alors les éléments essentiels d’une approche traits-facteurs appliquée à cette problématique. Il invitait en effet le lecteur à décider de son avenir professionnel en réfléchissant rigoureusement au rapport de convenance entre ses caractéristiques personnelles, notamment ses capacités et ses intérêts, et celles des professions considérées. » (Tétreau, 2005)

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Si l’emploi du mot vocation apparaît ici, nous renvoyons le lecteur à la partie sur les définitions du mot vocation qui présente une ambivalence lorsqu’il est employé dans la langue anglaise entre son sens de profession et son sens de l’appel (« calling »).

Mary (2012) précise l’approche traits-facteurs de Parsons :

« - Premièrement, l’individu qui cherche à s’orienter doit augmenter la compréhension qu’il possède de lui-même et notamment de ses aptitudes, capacités, intérêts, ambitions, atouts, limites et de leurs causes, au moyen de tests psychotechniques.

- Deuxièmement, il doit rassembler de l’information sur les différents métiers, tel que par exemple les conditions de succès, les avantages et inconvénients, les rémunérations, les opportunités et les perspectives d’avenir offertes.

- Enfin, Parsons préconise que l’individu fasse la synthèse des deux précédentes étapes, à travers un raisonnement juste (true reasoning) qui doit l’amener à faire un choix vocationnel réaliste en faisant coïncider ces « deux groupes de faits ». » (Mary, 2012)

Nous voyons que l’approche de Parsons consiste à améliorer sa connaissance de soi à travers des tests psychotechniques puis, en fonction des résultats, d’identifier un métier qui correspond le mieux à son profil. Cette approche semble totalement entrer dans le cadre du concept de la vocation qui intègre bien un travail sur soi, mais le paradigme est tout de même différent car la théorie de Parsons fait l’hypothèse que la personnalité est stable et que l’environnement l’est aussi. Or, nous avons vu que l’identité était un processus dynamique permanent.

Dans la lignée de Parsons, plusieurs psychologues ont développé des méthodes psychométriques permettant une analyse scientifique de la personnalité à travers notamment l’étude des intérêts professionnels. Parmi ceux-ci nous citerons ici les plus remarquables que sont Strong et Holland. Ces tests demeurent un outillage précieux pour le conseil en orientation mais doivent être pris avec recul. Ils permettent de capter les intérêts professionnels d’une personne à un instant précis et dans un contexte précis. Or le travail d’accompagnement vocationnel comme nous l’avons vu consiste à identifier une histoire de vie désirée. Ces outils doivent selon nous être utilisés comme vecteurs car ils n’ont que la vertu de permettre au sujet accompagné de réagir, c'est-à-dire de déclencher la narration du récit de vie qui permettra de définir le projet identitaire. En aucun cas, ils n’ont de vertu par les résultats qu’ils génèrent. Ce point est d’ailleurs explicitement exposé dans l’article intitulé « construire sa vie, un paradigme pour l’orientation au 21ème siècle »

Mais deux autres auteurs ont apporté une vison nouvelle à cette approche : Rogers et Super. (Mary, 2012).

Il est intéressant de voir émerger l’approche de Rogers dans la sphère du conseil en orientation professionnelle. Rogers transfert les connaissances de l’approche thérapeutique de l’école de Palo Alto :

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« Rogers (1942), s’inspirant d’un courant méthodologique jusqu’alors réservé aux entretiens thérapeutiques, défend l’idée diamétralement opposée à l’approche parsonienne selon laquelle le conseiller doit se préserver d’apposer ses propres visées à la situation de la personne qui le consulte. Sa technique consiste donc à laisser l’individu exprimer librement ce qui l’amène à se poser les questions auxquelles il se trouve confronté et qui revêtent pour lui un caractère d’importance. Le conseiller évite d’orienter l’attention du consultant sur un thème qu’il n’aurait pas au préalable abordé de lui-même, en revanche, il use de relances non-directives pour l’inciter à développer davantage sa pensée. Son rôle est donc de favoriser l’auto- élaboration, par les personnes qu’il accompagne, de leurs propres représentations, dans un climat de confiance et de respect tel, qu’il permette à celles-ci de formuler les difficultés qu’elles ne parviennent pas à surmonter en raison, explique-t- il, de blocages défensifs leur interdisant d’intégrer certains aspects du problème car ils remettent en question la structure du Soi. » (Mary, 2012)

Ainsi, même si la méthode employée diverge, Rogers poursuit bien la même finalité que Parsons : renforcer la connaissance du soi du sujet accompagné. Cette approche n’est pas sans faire écho à celle de Michael White, inventeur de la thérapie narrative que nous avons évoquée à la fin de la partie sur la dynamique identitaire.

Super quant à lui reconnaît que le parcours professionnel est une dynamique en s’inspirant de la théorie du processus de Ginzberg (1951). Super renforce l’idée d’une dynamique de l’orientation allant de l’enfance à la vieillesse (Super, 1957 ; Crites 1969 cités par Négroni, 2007, p. 172). Nous voyons ici encore des représentations communes entre les théories de l’identité et celle de l’orientation professionnelle. Cette convergence est d’ailleurs encore plus prégnante à travers « la théorie de l’activation du développement vocationnel et personnel (Pelletier et al, 1974), selon laquelle l’homme est un être intentionnel cherchant à donner sens à sa vie ; ici, le développement personnel va consister à expliciter l’expérience acquise afin de mieux saisir et réaliser ses propres intentions (Botteman, 1999, p. 11) » (Négroni, 2007, p. 173)

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I-3-2 : un nouveau paradigme pour l’orientation professionnelle :