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Histoire de la culture du riz

Figure 1.1 – Rizières du Yunnan - Sud-Est de la Chine

La culture des graminées remonte à environ 9000 ans avant J.C (Mazoyer et Rou- dart (2013) ; Mazoyer et Roudart (2002)), c’est-à-dire durant la période du Néolithique. Cependant, les premières traces de la culture du riz ont été retrouvées en Asie, principa- lement en Chine (dans la province du Hunan) ainsi qu’au Nord de l’Inde (sur les bords du Gange) 6000 et 3000 ans avant J.C. (Gourou (1984)). Des études récentes montrent des signes de domestication aux alentours de 5000 ans avant J.C. dans la vallée du fleuve Yangtze, dénommé Fleuve Bleu en français (Vaughan et al. (2008)). La culture du riz commence avec la domestication de plusieurs espèces de riz et principalement la Zizania latifolia. Cependant, très rapidement l’Oryza Sativa sera l’espèce la plus cultivée car elle présente des caractéristiques de culture bien plus accommodantes (voir la carte de la figure 1.2 pour une illustration du développement de la culture et la carte de la figure 1.3 pour une représentation de la répartition actuelle des cultures).

1.1. HISTOIRE DE LA CULTURE DU RIZ 46 La culture du riz se développe parallèlement en Afrique (le long des côtes occidentales et dans la vallée du Niger) et en Amérique du Nord (dans la région des Grands Lacs), où d’autres espèces de riz sont consommées (respectivement l’Oryza glaberrima et la Zizania1).

Ainsi, bien que le foyer asiatique soit celui où les traces de cultures sont les plus anciennes2, la culture du riz se développe parallèlement en Afrique et en Amérique du Nord au cours du Néolithique. De ces trois foyers agricoles, seule l’Oryza Sativa (le riz asiatique) s’est répandue grâce au commerce, aux modifications géopolitiques mais aussi grâce à sa relative facilité de culture. En effet, elle a des rendements plus importants et elle permet de faire des croisements plus facilement, pouvant la rendre d’autant plus productive.

Ainsi, l’Oriza Sativa arrive en méditerranée via les conquêtes d’Alexandre le Grand (356-323 Av J.C.), mais son acclimatation est lente et ce sont les Arabes qui l’intro- duisent en Espagne seulement aux alentours de 700 Ap J.C.. Il faudra encore attendre plusieurs siècles pour que la culture du riz se propage dans les pays du sud du continent. En effet, le riz arrive en Italie au XVème siècle puis en France où les premières tentatives de cultures sont infructueuses. Henri IV émet un édit, le 23 août 1593, ordonnant la culture du riz en Camargue. Ce premier essai ne fonctionne pas et il faudra attendre 1864 et l’endiguement du Rhône pour que les premières rizières soient mises en place. Cependant, il n’est pas encore question de produire du riz à grande échelle : la créa- tion de ces rizières a pour but de dessaler les sols. Pour que la riziculture française soit réellement organisée sur le long terme, il faut attendre la seconde guerre mondiale et son impact sur le commerce international, tout comme la guerre d’Indochine. Ces deux éléments poussent à la culture du riz en Camargue qui produit, aujourd’hui encore, 99% de la production française (SRF (2013)). Notons tout de même que la Guyane Française produit du riz (Dawe et al. (2010a)), même s’il semble que les réglementations euro- péennes aient des impacts négatifs car la réalité de la production sur le terrain n’est pas la même en métropole qu’en Guyane.

Les Arabes amènent aussi ce type de riz dans les provinces d’Afrique Subsaharienne (où est cultivé le riz glaberrima) entre le VIIème et le XIème siècle. Petit à petit, l’ensemble du continent africain cultive ce riz, jusqu’à Madagascar. L’histoire raconte ensuite qu’un bateau partant de Madagascar et chargé de semences de « Golden Seed Rice » (du type Oryza Sativa), fut pris dans une énorme tempête qui lui infligea de lourds dégâts. Il vint s’échouer dans la baie de Charleston, en Caroline du Sud, où les habitants vinrent accueillir les naufragés et les aidèrent à réparer leur navire. En partant, le capitaine décida de leur donner un sac de semence. C’est comme ça, dit-on, que la culture du riz asiatique est arrivée aux Etats-Unis, en 1694. Plus prosaïquement, on estime que ce sont les esclaves qui ont apporté le riz en Amérique du Nord (Maclean et Hettel (2002)).

1. notons que le riz américain Zizania n’est botaniquement pas un riz (Charvet (2013b))

1.1. HISTOIRE DE LA CULTURE DU RIZ 47 Sources : Planisphère de JF Bradu, légendes de l’auteur Figur e 1.2 – Propagation de la culture du riz

1.1. HISTOIRE DE LA CULTURE DU RIZ 48 Sources : Donnée de 1999-2000. SP AM Harv est Choice Figur e 1.3 – In tensité de la cu lture du riz

1.1. HISTOIRE DE LA CULTURE DU RIZ 49 De ce premier foyer de culture américain, le riz se déplaça dans une grande partie des Etats-Unis, particulièrement en Arkansas où la production dépassa celle de la Caroline du Sud aux alentours de 1850-1900. Depuis lors, les Etats-Unis sont l’un des plus gros exportateurs de riz au monde alors même que leur production est marginale face à celle de l’Asie. Enfin, les Espagnols apportèrent le riz asiatique au Mexique et les esclaves portugais l’amenèrent d’Afrique au Brésil aux alentours du XVIIIème siècle. À partir des possessions espagnoles, il va se répandre sur l’ensemble du continent américain. Aujourd’hui, le Brésil est, par exemple, un grand producteur de riz.

Avant et au début de la période du néolithique, les techniques de cultures sont rudi- mentaires, voire inexistantes. Initialement cueilleurs lorsque les individus ont commencé à cultiver le riz, ils se contentaient de laisser tomber, lors de la cueillette, des grains à même le sol ou dans l’eau dans le cas du riz en submersion.

Par la suite, ils pratiquent la technique de l’abattis brûlis, qui consiste à abattre des arbres (ou la végétation existante) et les laisser sécher pendant un été. Ensuite, les agriculteurs brûlent l’ensemble et laissent les cendres nourrir le sol, déjà très riche puisqu’il n’a jamais été cultivé. Les cendres servent donc d’engrais ce qui produit une très bonne récolte.

Petit à petit, la mise en place de rizières et de systèmes d’irrigation se généralise, ainsi que les techniques de repiquage3. Ceci permet l’apparition d’une agriculture à part entière et de rendements bien plus élevés. Aux alentours de 1000 Av J.C., les civilisations hydrorizicoles de l’Asie des moussons (région indienne, sud-est du continent – allant du sud de la Chine au sud de la Thaïlande – et îles et presqu’îles telles que la Malaisie, les Philippines et l’Indonésie) ont largement contribué à l’augmentation de la population mondiale, passant de 100 millions à 250 millions en l’an 1000 Ap J.C. (Mazoyer et Roudart (2002)).

Cette agriculture en rizières ne concerne que les civilisations asiatiques et non celles d’Afrique et d’Amérique du Nord qui préfèrent respectivement le sorgho et le maïs à la culture du riz. C’est une agriculture qui est restée très longtemps rudimentaire. La mécanisation, même partielle, est très peu développée, bien que certaines gravures montrent que les paysans se servent rapidement de bœufs pour labourer les rizières.

Les rendements augmentent de manière importante, ce qui favorise l’augmentation de la densité humaine dans ces régions, mais il faut attendre la révolution verte pour que le potentiel d’une partie de l’agriculture rizicole soit exploité plus en avant. Pour insister sur le contexte de l’évolution de la production agricole, citons Pierre Gourou, dans riz et civilisation (Gourou (1984)), qui rappelle que l’évolution de l’agriculture fut longtemps très lente. Il cite une étude datant de 1836 sur les techniques agricoles du Béarn (partie des Pyrénées-Atlantiques) qui montre que les techniques de culture n’ont pas évolué depuis une autre étude effectuée 138 ans auparavant (en 1698).

3. Technique visant à faire grandir les pousses de riz dans un bassin ou une serre avec beaucoup d’engrais puis de les repiquer, c’est-à-dire de les planter, dans un bassin plus grand lorsqu’ils ont atteint une certaine maturité