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Connexions extrinsèques

2.2. Hippocampe et mémoires déclaratives

2.2.1. Rôle de l’hippocampe dans le codage neuronal de l’environnement

L’hippocampe joue un rôle crucial dans la mémoire spatiale, chez l’Homme (Kahana et al. 1999 ; Ekstrom et al. 2005) comme chez l’animal (Moser et coll., 2008 ; Lech et Suchan 2013 ; Aggleton 2014).

Dans une tâche aquatique virtuelle basée sur le célèbre test aquatique de la piscine de Morris utilisé chez le Rongeur, Astur et collaborateurs ont mis en évidence (2002) que des patients souffrant de lésions du lobe temporal médian (quel que soit le côté altéré) présentent des problèmes lors de l’acquisition mais également lors du rappel de ce type de tâche. L’expérience la plus célèbre est sans nul doute celle de Maguire et collaborateurs (2000 et Maguire et coll., 2003). Ils ont étudié la taille de l’hippocampe de chauffeurs de taxis Londoniens, plus ou moins expérimentés, par IRM. Ils ont mis en évidence qu’un chauffeur très expérimenté possède un hippocampe d’une taille plus importante qu’un chauffeur novice. Ainsi, les auteurs ont trouvé une corrélation entre le nombre d’années d’expérience professionnelle et le volume de l’hippocampe droit, mettant en évidence le rôle prépondérant de cette structure dans la navigation et la mémoire spatiale. Aussi, les patients amnésiques atteints de lésions hippocampiques présentent également des troubles dans les tâches de mémoire spatiale (Kessels et coll., 2001).

Si l’hippocampe est crucial dans le fonctionnement la mémoire spatiale, c’est notamment en raison de la présence de cellules spécialisées dans le codage neuronal de l’environnement au sein des lobes temporaux médians (cf. Figure 31).

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Figure 31 : Les cellules spécialisées dans le codage de l’environnement. Illustration du champ

d’activité (formes bleues) d’une cellule de lieux, de grille et de bord lorsque l’animal est placé dans un environnement et peut s’y déplacer librement.

Les cellules de lieux

O’Keefe et Dostrovsky (1971) ont découvert des cellules hippocampiques présentant un schéma d’activité bien spécifique chez le Rat. Lors de l’exploration libre d’un environnement, certaines cellules (mais pas toutes) présentent une activité neuronale reliée uniquement à l’emplacement de l’animal dans l’espace (quelle que soit la trajectoire empruntée par l’animal pour y accéder). Ces auteurs venaient de découvrir les « cellules de lieux », c’est-à-dire des neurones qui codent pour un endroit en particulier de l’espace (cf. Figure 31). Des cellules présentant les mêmes propriétés ont également été observées chez l’Homme (Ekstrom et coll., 2003). Le champ d’activité de ces cellules de lieux (c’est-à-dire la partie de l’environnement dans laquelle la cellule décharge le plus) présente des caractéristiques spécifiques. Il peut être de formes variables, diffère d’une cellule de lieu à l’autre, est formé rapidement (quelques minutes) mais peut rester stable pendant des semaines tout en présentant une flexibilité importante en cas de modifications environnementales (Moser et coll., 2008).

Les cellules d’orientation de la tête

La région hippocampe contient d’autres types de cellules permettant de coder l’environnement parmi lesquelles les cellules d’orientation de la tête. C’est ce que Ranck (1985) a découvert dans le présubiculum dorsal (publication en 1990 : Taube et coll.). Ces

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neurones présentent une activité électrophysiologique qui dépend de l’orientation de la tête de l’animal et non de sa position dans l’espace. Ces cellules joueraient le rôle de boussole.

Les cellules de grille (grid cells)

En 2005, Hafting et collaborateurs font la découverte de cellules qui s’activent régulièrement, sur plusieurs points dans l’espace, formant une grille, un maillage de l’environnement (cf. Figure 31).

Les cellules de bordure

Solstad et collaborateurs (2008) ont caractérisé les cellules de bord dans le cortex entorhinal. Ces cellules présentent une activité spécifique lorsque l’animal est à proximité d’un mur, d’une limite de l’environnement (cf. Figure 31).

Toutes ces cellules, dont le schéma d’activité est directement dépendant de l’environnement ou de la position de la tête de l’animal dans celui-ci, sont considérées comme le substrat neuronal de l’encodage d’une représentation allocentrée de l’espace (Moser et coll., 2008).

2.2.2. Rôle de l’hippocampe dans les mémoires épisodique et sémantique

Bien que ces travaux aient été négligés jusqu’à ceux réalisés sur le patient Henry Molaison, Van Bechterew proposa dès 1900, suite à l’observation d’un patient devenu amnésique après une lésion bilatérale affectant la formation hippocampe, que l’intégrité fonctionnelle des lobes temporaux est essentielle à la mémoire.

Depuis l’étude du patient H.M., le rôle de l’hippocampe dans les processus mnésiques a fait l’objet de très nombreuses études. En 2001, Spiers et collaborateurs montrent que l’atteinte bilatérale de la formation hippocampique entraine chez l’Homme une amnésie antérograde sévère, accompagnée d’une amnésie rétrograde temporellement graduée (oubli des souvenirs personnels encodés avant l’atteinte hippocampique) de la mémoire épisodique. A noter que la sévérité de ces atteintes est variable d’un individu à l’autre. Pour Henry Molaison, l’amnésie s’étendait sur une période de 11 ans environ (Sagar et coll., 1985). Ce que nous révèle ce gradient temporel est crucial : il indique que les lobes

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temporaux médians ne sont impliqués que sur une certaine période de temps dans le stockage et le rappel de souvenirs sémantiques. Il apparait que la région hippocampique est par contre primordiale au bon fonctionnement des processus de mémorisation et de rappel d’un souvenir épisodique chez l’Homme, quel que soit son âge, ou tout du moins dans le cas de souvenirs inscrits dans un contexte spatio-temporel détaillé (Spiers et coll., 2001 ; Squire et coll., 2004).

L’hippocampe, et plus généralement le lobe temporal, a pendant longtemps été associé à la mémoire déclarative, sans qu’aucune distinction ne soit faite entre la mémoire épisodique et celle sémantique (Tulving et Markowitsch, 1998). Une étude réalisée par Vargha-Khadem et collaborateurs (1997) sur trois jeunes patients souffrant d’une atteinte bilatérale restreinte à leurs hippocampes, est venue ébranler le socle fondamental du rôle de l’hippocampe dans les mémoires déclaratives. Ces trois patients souffrent d’amnésie antérograde des souvenirs épisodiques spécifiquement. C’est-à-dire qu’ils sont incapables de rappeler des événements personnellement vécus mais présentent pour autant une scolarité classique, des performances cognitives normales. Ces enfants sont donc capables d’acquérir et de consolider des connaissances abstraites et concrètes sur le monde qui les entoure mais aucun souvenir épisodique. Cette observation, associée à l’amnésie antérograde temporellement graduée observée lors de lésions hippocampiques, sont à l’origine des différentes théories de la consolidation systémique.

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3. L

A CONSOLIDATION MNESIQUE

:

DES SYNAPSES AUX SYSTEMES

3.1. Généralités

Le processus de mémorisation comporte donc plusieurs étapes, dont celle centrale qui est la consolidation. La mémorisation engendre la création de souvenirs qui définissent ce que nous sommes et modulent nos comportements futurs en fonction de nos expériences passées. Mais ces souvenirs ne se fixent pas de manière instantanée : ils sont soumis à un processus progressif visant à les stabiliser et à en assurer le stockage à long terme. Ce processus s’appelle la consolidation mnésique (Nadel et Hardt 2010 ; Nadel et coll., 2012). La trace mnésique initialement instable, labile, va passer à un état stable, durable. La consolidation mnésique comprend deux mécanismes distincts mais dont l’interdépendance est incontestable : la consolidation synaptique, qui prend place dans les premières minutes/heures et la consolidation systémique, qui est un processus dont le décours temporel est de l’ordre des jours, voire des mois ou des années chez l’Homme.