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L’ouverture des frontières aux importations de céréales ne provoqua pas la catastrophe que ses adversaires avaient prédite. Au contraire, l’agriculture connut dans le quart

20. La classe politique était essentiellement composée de propriétaires terriens…

21. À cette date les prix sur le Continent proche oscillaient entre 25 et 35 francs.

22. Le nom – formé à partir de l’unité de mesure de la terre, l’acre – fut forgé par John Bateman (1839-1910) qui compila l’annuaire des propriétaires fonciers du Royaume-Uni possédant plus de 1 000 ha (4 éditions entre 1876 et 1883).

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de siècle qui suivit, une période faste. Cela s’explique par un concours de circons-tances favorables : bonnes récoltes, guerres de Crimée et de Sécession qui maintinrent à distance la concurrence délétère des pays neufs (Russie, États-Unis). La population agricole se stabilisa en effectifs absolus (environ un million d’emplois) – ce qui signifiait que, relativement, l’emploi agricole continuait de décroître, mais la production aug-mentait et montait en gamme du fait de la demande croissante en provenance des villes en pleine expansion, surtout en matière de produits frais à plus forte valeur ajoutée (beurre, œufs, fromage, légumes et fruits, viande de boucherie).

En 1851, le système décrit plus haut était arrivé à maturité. Aux deux extrémités de l’échelle sociale du monde agricole se trouvaient les propriétaires fonciers qui comptaient pour 1,4 % de la population agricole et les ouvriers agricoles pour plus de 60 % – une structure qu’on retrouvait dans le monde des usines. Parmi les fermiers et les éleveurs, les deux cinquièmes (100 000 personnes) produisaient sans aide extérieure et sont donc assimilables aux « paysans » continentaux qui pratiquaient une agriculture vivrière de subsistance. On les trouvait prioritairement dans les zones montagneuses et ils étaient encore assez nombreux sur les terres marginales : hauts plateaux du Pays de Galles et surtout dans les Highlands d’Écosse ; sur ces terres pauvres, les crofters écos-sais avaient un sort assez semblable aux petits paysans parcellaires du Massif central ou du Harz.

Tableau 5 – Classement des emplois dans l’agriculture britannique (Écosse exclue) en 1851

Effectifs (arrondis)

Propriétaires fonciers 16 100

Fermiers et éleveurs (et leurs familles) 254 000

Intendants de domaine 10 000

Ouvriers agricoles 700 000

Bergers 10 000

Domestiques de ferme 76 000

Jardiniers, pépiniéristes 63 100

Bûcherons 6 800

Total 1 130 000

Source : Wrigley, 2004, p. 97.

Les travaux des champs constituaient un métier rude qui réclamait des efforts phy-siques ; les horaires de travail jusqu’aux années 1940 demeurèrent sensiblement plus élevés que dans l’économie urbaine (supérieurs bien souvent à 70 heures par semaine).

Même si, dans les campagnes, les hiérarchies sociales et la déférence traditionnelle

vis-à-vis de ses supérieurs, créait une situation de subordination des ouvriers agricoles, cette  subordination n’était qu’économique et n’impliquait pas une situation de dépen-dance personnelle ; d’ailleurs chaque année bon nombre d’ouvriers changeaient de comté ou d’employeur à la recherche d’une situation plus enviable – comme les last labourers cités plus haut qui migraient régulièrement du sud du bassin de Londres vers l’East Anglia au nord en fonction de la date des récoltes et de l’attractivité des salaires.

Sur les premiers clichés photographiques (années 1870), les vues des villages anglais ne semblent guère diff érentes de celles réalisées à la même époque sur le Continent.

Les uns et les autres se trouvaient dans l’obligation de fournir un travail ardu pour des salaires qui, comme sur le Continent, furent toujours inférieurs à ce qu’off raient les emplois dans l’industrie. Le fait qu’ils n’étaient pas propriétaires (ils étaient généralement logés par l’employeur) les rendait plus mobiles (cf. supra) et les mettait dans une position de moindre dépendance vis-à-vis des us et coutumes communautaires qui, s’étant subs-titués aux obligations du régime seigneurial, empêchèrent nombre de paysans européens pendant encore deux ou trois générations, de chercher ailleurs une vie meilleure.

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Graphique 2 – Rendements moyens de la culture du blé par hectare (1871-1900)

Au xixe siècle, les progrès des rendements agricoles furent essentiellement réalisés « à la force des bras » et grâce à la contribution, involontaire, du cheval qui devint omni-présent à la campagne comme à la ville comme principale source d’énergie (ce n’est pas un hasard si on mesura la puissance des moteurs en « chevaux-vapeur »). La méca-nisation resta extrêmement limitée jusqu’à l’invention du tracteur (1892) et sa diff u-sion après la Première Guerre mondiale. Deux machines vinrent suppléer au travail

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humain mais elles représentaient un investissement conséquent, accessible seulement aux grandes exploitations : la faucheuse mécanique (brevetée en 1831 par l’Américain Cyrus McCormick) à traction animale et la batteuse dont une première version (1784) était actionnée à la main au moyen d’une manivelle et plus tard (1834) par un manège où cheminait un cheval. À partir des années  1860 on commercialisa un  modèle de  batteuse à vapeur (donc avec un moteur mobile) mais qui n’était rentable que sur les très grandes exploitations.

Les progrès de la culture, comme l’illustrent la multiplication par trois de la production annuelle de blé (de 17,8 millions de tonnes en 1865-1869 à 57 millions en 1905/9) et les rendements en blé (graphique 2), furent réalisés par une rationalisation toujours plus poussée dans l’organisation du travail agricole et relèvent de la logique des éco nomies d’échelle : agrandissement des parcelles, bonification des sols (marnage, drainage) et utilisation croissante d’engrais (d’origine animale).

Comme le déplorait déjà Thomas More au xvie siècle, la substitution de l’agriculture vivrière par l’élevage se poursuivit de façon ininterrompue. Ce faisant, les agricul-teurs suivaient les avantages objectifs que leur offrait leur terroir : la pluviosité créait naturel lement des herbages propres à l’élevage du bétail, grand (vaches, bœufs) et petit (mouton), et n’était pas toujours adaptée à la céréaliculture. Comme l’a observé Emmanuel Le Roy Ladurie : « Une plante née sur le plateau irakien – le froment – n’aime pas tellement les étés pluvieux »…

Tableau 6 – Évolution respective des cultures vivrières et de l’élevage en Grande-Bretagne

Surface agricole

(millions d’acres) Valeur de la production (millions de £)

1870 1900 1867-1869 1894-1903

Cultures vivrières 18,3 14,7 104 62

Élevage 12,1 17,5 127 146

2.3

La « grande dépression »

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