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P HASE III : U NE PERQUISITION RATÉE

2. L’ ÉVOLUTION DE L ’ ENQUÊTE ET DU RÉSEAU PAR PHASE

2.3. P HASE III : U NE PERQUISITION RATÉE

Une stratégie planifiée par les policiers, mais avec une fin désastreuse a toutefois ébranlé les participants du réseau lors de la troisième phase. Une tentative de perquisition dans un appartement dédié à la transformation de cocaïne en crack supervisé par 22 et 41 s’est soldée par une découverte intéressante par un enquêteur. Alors qu’il pensait l’appartement vide de ses locataires, il entra et fit une brève inspection avant de surprendre 22 en train de siester dans la chambre à coucher. Effrayé, il prit la fuite avec à ses trousses le superviseur des revendeurs. Le trafiquant entra donc en contact avec son acolyte 41 afin de trouver un endroit pour relocaliser la transformation de la marchandise illicite. Cette adaptation urgente en raison des besoins des revendeurs et consommateurs n’a pas été facile pour tous et a perturbé les activités du réseau. Le sociogramme en figure 6 illustre les liens unissant les participants lors de la phase III.

Légende

Groupe I Groupe II Groupe III Groupe IV

FIGURE 6. Sociogramme de la phase III du réseau A ciblé par les enquêteurs

La troisième phase est la plus complexe des cinq de par le nombre de personnes nouvellement placées sous écoute. On note dix-neuf nouveaux individus et dix-huit « départs ». À l’observation du sociogramme, on peut davantage apprécier les trois sous-groupes identifiés par la police, soit les individus en lien avec 22, 41 et 42, les individus reliés à 2, 23 et 33 et ceux unis par 18 et 36, la nouvelle facette découverte grâce au renouvèlement de l’affidavit.

La longueur de cette phase (deux mois plutôt qu’un) et la capacité de certains individus à rejoindre plusieurs personnes font augmenter la densité (5%) et le coefficient d’agglomération (58,9%). Plus d’individus communiquent ensemble et ces derniers ont des connaissances qui s’appellent davantage.

L’augmentation des contacts entre les participants de façon générale fait diminuer la centralisation de degré du réseau (outdegree 18,98% et indegree 28,23%) et le tout se fait sentir au niveau individuel. La centralisation d’intermédiarité de 37,53%, on comprend que l’information se transite par ces individus clés en plus du fait qu’ils entretiennent de nombreux liens avec des personnes influentes dans le réseau, et ce, de façon forte.

L’apparition officielle de la cellule de trafic dirigée par 18 et 80 nécessite également une attention particulière. Présents lors des écoutes électroniques durant les phases I et II en raison des contacts entretenus avec 2, les partenaires 18, 36 et 80 sont ici mis sous écoute et rendent compte d’un sous-groupe bien connecté avec différents contacts, livreurs et revendeurs. Plutôt discrets à ce stade, on entrevoit toutefois le fait que ces individus pratiquent des activités illicites de façon indépendante tout en gardant contact avec 2, avec lequel ils effectuent des transactions (dans les deux sens). Leur présence plus marquée lors de la phase IV et leur montée en importance sera très pertinente.

Bien que 2 garde son premier rang en tant qu’informateur et informé (outdegree de 23,64% et indegree de 32,73%), on remarque que 5 disparaît des sujets les plus populaires et que 42 semble prendre graduellement sa place ainsi que celle de 41 (42 obtient des mesures d’outdegree de 21,82% et d’indegree de 20% alors que 41 obtient 21,82% et 16,36%). En effet, nouvellement sous écoute, ce superviseur des revendeurs qui semble ne pas parler régulièrement avec plusieurs individus du réseau se démarque lors de cette phase et entre en communication avec treize participants dont plusieurs occupent des positions et rôles influents (les grossistes 1 et 23, le superviseur des revendeurs 22 et le distributeur 5). Il s’agirait en quelque sorte d’une augmentation artificielle des mesures causée par sa mise sous écoute électronique lors de la phase III. Bref, après la réalisation d’analyses alternatives en supposant sa présence lors des deux premières phases, il est possible d’affirmer que 42 est un participant influent dans le réseau tout au long de l'enquête, soit dès la phase I.

Le grossiste 23 reçoit également beaucoup d’appels lors de cette phase (indegree de 23,64%). Il entretient des contacts avec la plupart des contacts de 2 (ils s’appellent quarante-neuf fois) et semble être le délégué de ce dernier. Il se voit incomber de nombreuses tâches par 2 dont donner des ordres à certains individus et s’assurer du maintien de l’ordre chez les participants.

À cet effet, 22 et 42 présentent un certain intérêt de par la position qu’ils occupent à l’intérieur du réseau à cette étape et le rôle qu'ils jouent. Tout d’abord, les deux superviseurs des revendeurs entretiennent un lien fort : ils s’appellent vingt-quatre fois durant les deux mois de l'écoute. Les hommes se consultent sur certaines transactions et se portent conseil mutuellement à différents propos. Par ailleurs, chacun entretient des relations avec des revendeurs présents pour la première fois dans les écoutes électroniques, soit 106 et 107. Ils semblent tous deux être fournis par 22 et 42 et se rapportent à eux. Enfin, les deux superviseurs des revendeurs sont en lien avec soit un ou les deux distributeurs identifiés (5 et 41) de façon forte (5 et 42 se parlent seize fois et 22 et 41, trente-quatre fois). Par conséquent, ils s’assurent d’être fournis et de fournir de façon régulière et demandent et rendent des comptes à différents individus. La phase III présente donc le réseau à sa période la plus complexe alors que les transactions prennent une place importante dans la plupart des conversations.