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Le programme de recherche (évoqué supra) sur la visite papale dans l’océan Indien apparaît comme une étape clef ayant permis de poser un cadre théorique, notamment par J. Simonin, réinvesti pour des programmes ultérieurs autour de la notion d’événement !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

100 Schwartz, idem, p. 337.

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médiatique. Dans cette plaidoirie « pour une anthropologie empirique de l’événement » 102

, il s’agit d’analyser des occurrences qui, une fois médiatisées, atteignent le statut d’événements se produisant au sein des espaces publics indo-océaniques hétérogènes révélant des problèmes publics. Ces événements s’observent empiriquement en étant contextualisés socio-historiquement. Ils sont également en lien avec la sphère politique et permettent de développer des analyses relevant, à partir de ce même dénominateur événementiel, de champs sociaux multiples. Pour exemplifier ce propos, deux programmes de recherche collaborative peuvent être évoqués. Le premier concerne la crise du chikungunya (2005-2006), épidémie qui a sévi dans le sud-ouest de l’océan Indien, le second le média FreeDom (voir supra) lié à un mouvement social appelé « les événements du Chaudron », ayant donné lieu, en 1991, à des émeutes urbaines.

L’analyse de la médiatisation de la crise du chikungunya

La maladie émergente du chikungunya, transmise par le moustique aedes albopictus, est apparue dans l’océan Indien en 2005, et s’est propagée dans l’île, atteignant le stade de pandémie au début 2006. Inédite, cette crise sanitaire provoquée par l’épidémie s’est accompagnée d’une crise sociale d’envergure. Elle a surpris par son ampleur, tout particulièrement à La Réunion, un département français d’outre-mer, région ultra-périphérique européenne (RUP). En effet, les habitants se croyaient protégés par ses infrastructures de santé modernes et par un service de prophylaxie jugé alors performant. Mais, l’irruption dans l’île de ce virus particulièrement invasif renvoya au temps et à la mémoire collective des pires épidémies de l’avant-départementalisation (paludisme, choléra, grippe espagnole, etc.). En outre, elle a posé, au niveau planétaire, la question de la vulnérabilité des populations face aux nouvelles maladies émergentes (SRAS, grippe A, grippe aviaire, etc.).

Des fonds importants furent alors octroyés pour la recherche. De plus, une fois n’est pas coutume, les chercheurs en sciences humaines et sociales furent sollicités. Au-delà de l’effet cosmétique qu’on leur attribue souvent au sein de programmes de sciences dites exactes, il leur fut demandé alors de révéler les mécanismes qui avaient transformé cette crise de santé en une crise sociale, à travers notamment la mise en doute de la crédibilité de l’action des pouvoirs publics. Je participais à plusieurs programmes consacrés à la

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102 Simonin J., 1999, « Pour une anthropologie empirique de l’événement », Études de communication, n° 22, pp. 93-114.

! #$! médiatisation de la crise 103

, centrés sur l’analyse critique et comparée de différents discours médiatiques (dans leur production). La parole des protagonistes impliqués était également analysée, à la manière d’une sémiotisation des discours multiples et discordants de la crise : journalistes, élus, responsables des administrations en charge de la gestion publique, professionnels de la santé, de la communication, et bien entendu malades (ou anciens malades).

Sur le plan méthodologique, cette recherche, effectuée sur plusieurs années, me permit d’élargir et de croiser différents types de données, à partir d’un corpus conséquent, en comparant l’épidémie de cette arbovirose104 dans trois contextes (Réunion, Maurice, Seychelles) : je pus ainsi faire reposer l’analyse sur un trépied constitué de corpus de presse, d’une contextualisation socio-politique et d’entretiens d’acteurs (journalistes, élus, responsables sanitaires, professionnels de santé, associations non gouvernementales), ce qui me permit de proposer, à partir du traitement médiatique de cet événement, une catégorisation des figures du journalisme indo-océanique105

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FreeDom, l’ordinaire du journalisme

La partie réunionnaise d’un programme intitulé « l’ordinaire du journalisme »106

fut l’occasion de réinvestir collectivement des travaux menés sur l’objet du mouvement FreeDom (partie développée dans le volume 2). Radio FreeDom, qui s’inscrit dans l’histoire des médias de La Réunion comme une radio libre et un mouvement d’abord social, puis politique, a constitué un objet particulier ayant permis de solliciter un cadre théorique lié à l’espace public médiatique local.

En observant le dispositif de cette radio écoutée par 40 % des auditeurs réunionnais (ce qui la place à la première place des mesures d’audience), on constate que des acteurs auditeurs participent à la production de l’information qui en constitue la matière première éditoriale. L’ensemble du dispositif est controversé par les acteurs professionnels des autres médias, mais ses résultats, en termes d’audience et de notoriété, invitent à l’analyse. En dehors des critiques, notamment déontologiques, pouvant être formulées, force est de constater que l’écoute de FreeDom produit une certaine forme locale de lien social.

Cette distinction entre activité professionnelle et non professionnelle introduit l’idée de !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

103 Voir curriculum vitæ infra.

104 Maladie virale due à un arbovirus dont le vecteur est un moustique.

105 Idelson B., Ledegen G., (eds), 2012, Chikungunya ; la médiatisation d’une crise. Presse, humour,

communication publique, Fernelmont (Belgique), Éditions Modulaires Européennes, EME, Sciences du

Langage, Proximités.

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l’ordinaire du journalisme qui serait produit par des individus intervenant en marge d’un journalisme « pro » versus journalisme amateur ou commun. Cette forme d’intervention déjà présente dans la presse papier (avec la participation des correspondants ou les traditionnels tribunes ou courriers des lecteurs) se renforcerait depuis l’arrivée de sites collaboratifs.

Il est possible de faire éclater ce modèle clivé (ne serait-ce qu’en observant l’évolution des critères d’attribution de la Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels), et d’élargir la sphère de l’activité « Journalisme » en y incluant ces auditeurs participatifs. Dans l’exemple de FreeDom, le public est au centre du dispositif de production de l’information ; il en est le cœur, la ressource principale, la matrice constitutive. Il est sollicité à tout moment, omniprésent, il couvre – mieux que les journalistes patentés ? – l’ensemble du territoire physique ou symbolique, intervenant depuis chaque lieu-dit, chaque rue, chaque kaz (maison) de La Réunion, ou des régions du monde (via le net), pour donner des informations sur la vie ordinaire, mais évidemment en dehors des canons et des règles professionnels ; ce qui suscite des réactions de la part de plusieurs journalistes qui dénoncent une certaine « freedomisation de l’information »

2/ Difficultés et obstacles du parcours et récapitulatif des influences théoriques