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Chapitre 2 : Des situations types qui engendrent différentes approches

III. Handicapés adultes en état de dégradation générale

Pour ce profil de résidents, le critère qui justifie aux yeux de soignants qu’ils entrent dans le

champ de l’étude est leur fragilité croissante due au handicap, qui rend le pronostic vital

incertain. On n’est pas ici dans une problématique de fin de vie, et les soignants expriment au

contraire que les personnes, tout comme la majorité des résidents des établissements, ne

peuvent être considérées comme en fin de vie. Cette situation conduit à récuser le fait qu’on

soit dans une démarche palliative, qui reste le plus souvent associée à la fin de vie. La

démarche mise en œuvre à l’égard des résidents dans cette situation est requalifiée en « prise

en charge de la vie quotidienne de gens qui ont un handicap grave » qui implique qu’ils vivent

en institution spécialisée. Pour autant, l’état de grande fragilité est reconnu, ainsi que les

risques de dégradation brutale et de décès qu’il implique. Mais l’établissement ne gère pas

cette question et renvoie alors vers une prise en charge extérieure.

Cas 24, homme polyhandicapé - Entretien avec le médecin

« Loïc fait partie de ces polyhandicapés graves qui n’ont plus la capacité de déglutir ; il a une sonde de gastrostomie qui a été convertie récemment en (jéjunostomie) Parce qu’il a des reflux : la sonde a été poussée plus loin dans le (jéjunum) Pour éviter les problèmes de reflux et d’encombrement bronchique. De ce fait, il a une insuffisance respiratoire, et il est maintenant sous oxygène en permanence.

Moyennant quoi, il a récupéré un meilleur éveil et un meilleur état de conscience, on le voit sourire, ce qui n’était plus le cas avant sa dernière hospitalisation et la mise en place de cette assistance respiratoire ; Mais il reste néanmoins très fragile, fait facilement des surinfections ; on doit l’aspirer plusieurs fois par jour : les infirmières l’aident à évacuer les glaires au niveau du pharynx ; il a des points d’appui ; il faut l’installer confortablement ; la nuit, dans un appareillage de nuit, le jour dans une coquille moulée en mousse épaisse pour éviter les déformations…. La question du pronostic de fin de vie, c’est très difficile à aborder…

On a fait l’expérience dans cette maison de voir partir des jeunes qui étaient pas forcément dans un état critique, au moment où ils sont décédés, alors qu’on arrive des fois à passer des caps très difficiles sans qu’ils deviennent des fins de vie. C’est vrai que le pronostic vital pour ce jeune n’est pas très long à moyen terme, mais à court terme, on peut rien dire. On n’est sûr de rien. On n’est pas dans le soin palliatif de fin de vie ; on est dans la prise en charge de la vie quotidienne de gens qui ont un handicap grave qui leur permet pas de vivre ailleurs que dans un centre spécialisé. Ca peut basculer du jour au lendemain ; on l’a vécu de multiples fois malgré l’anticipation, la prise en charge de chaque surhandicap … »

D’autres profils de résidents similaires font toutefois l’objet de prises en charge plus

construites. Là encore, c’est la méthode de travail mise en place par l’équipe, avec une

évaluation systématique de la situation des résidents sur une échelle de 1 à 4, qui déclenche la

reconnaissance de la spécificité de la situation de soins palliatifs et induit un mode de prise en

charge spécifique.

Cas 23, homme de 50 ans grabataire - Entretien avec l’infirmière cadre de santé

« C’est un monsieur qui a une cinquantaine d’années, qui est grabataire, suite à un accident de la voie publique en moto, avec son frère il y a longtemps - de mémoire, il avait moins de vingt ans - qui a donc les conséquences d’un handicap existant depuis de nombreuses années. Surtout qu’il a fait après un autre traumatisme crânien suite à une chute qui a aggravé son état en l’an 2000, qui présente à l’heure d’aujourd’hui une déformation thoracique majeure, qui est en positionnement, je vais dire d’arc de cercle, aussi bien dans son lit que dans un fauteuil, quand on arrive à l’installer sur une courte durée, et pas souvent, parce que c’est une position très inconfortable pour lui. Il est totalement dépendant, pour tous les gestes de la vie quotidienne, y compris pour l’aide au repas, avec un risque important de fausses routes, et donc ce qu’on appelle des broncho-pneumopathies d’inhalation. Et c’est ce qui fait la particularité de la prise en charge de ce monsieur et du risque que ce monsieur puisse nous quitter.

On a déjà un système dans l’établissement, qui nous permet de mettre en place ce qu’on appelle des niveaux d’intervention, qui sont codés de 1 à 4. Et ça c’est l’historique de l’établissement avec l’accueil des personnes âgées qui a permis de construire cet outil. Le médecin note si on est en niveau 1, ou en niveau 4. Pour caricaturer, le niveau 1, c’est : la personne doit pouvoir bénéficier de toute intervention médicale d’urgence en fonction de son état de santé ; donc ça veut dire pour les infirmières : appel du SAMU, intervention du médecin etc. Et quand le médecin note niveau 4, c’est qu’il a été convenu qu’on est dans le cadre des soins palliatifs ; et que donc, on gère sur place le confort et l’accompagnement de fin de vie. ».