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III. Peptides antimicrobiens

3. Peptides antimicrobiens synthétisés par les archées : les archéocines

3.2. Halocines

La production d’halocines est une caractéristique très répandue chez les archées halophiles (Rodríguez-Valera et al., 1982 ; Meseguer at al., 1986 ; Torreblanca et al., 1994), mais elles peuvent également être produites par certaines bactéries halophiles (Atanasova et al., 2013). On rencontre comme dans le cas des bactériocines, un problème de nomenclature, halocine signifiant PAMs produits par des micro-organismes halophiles. Seules des halocines d’archées ont été isolées jusqu’à maintenant. Les halocines peuvent être soit des peptides soit des protéines.Actuellement17halocines ont été identifiées,la plupart du temps partiellement et dans certains cas la souche productrice n’a même pas été identifiée. Cependant, on peut remarquer que de nombreuses halocines ont été isolées à partir de souches du genre

Haloferax. (Tableau 2). Pour certaines de ces halocines, la stabilité à une température élevée

(thermostabilité) a été étudiée ainsi que la conservation de leur activité en diminuant la concentration en sels et leur spectre d’activité. Cependant, à partir des données de la littérature, il est difficile de comparer le spectre d’activité des différentes halocines, car les souches cibles, les niveaux de purification des halocines et les tests antimicrobiens diffèrent suivant les études. On considère qu’une halocine est thermosensible lorsqu’elle perd son activité après un traitement de 10 min à 60 °C et qu’elle est thermostable lorsqu’elle conserve

28 Halocine Souche productrice Lieu Masse moléculaire

(kDa)

Stabilité en absence

de sel Thermostabilité

A4 (U1) archée halophile TuA4 Tunisie 7,435 oui oui

C8a Natrinema sp. AS7092 Chine 7,4 oui oui H1 Haloferax mediterranei M2a Espagne 31 non non

H2 archée halophile GLA22 Espagne ND ND ND

H3 archée halophile GAA12 Espagne ND ND ND

H4a Haloferax mediterranei R4 Espagne 34,9 non non

H5 archée halophile MA220 Espagne ND ND ND

H6/H7 Haloferax. gibbonsii Ma2.39 Espagne 3 oui oui

H17 Haloferax sp. SWI17 Algérie 30 ND ND

HA1 Haloferax larsenii HA1 Inde 14 non oui

HA3 Haloferax larsenii HA3 Inde 13 non oui

KPS1 Haloferax volcanii KPS1 Inde ND non oui R1 Halobacterium salinarum GN101 Mexique 3,8 oui oui

archée halophile S8a Etats-Unis 3,6 oui oui

Halobacterium salinarum ETD5 Tunisie 8,589 NDb NDb S14 Halobacterium salinarum ETD5 Tunisie 14 NDb NDb

Sech7a Haloferax mediterranei Sech7a Slovénie 10,7 non oui

SH10 Natrinema sp . BTSH10 Inde ND ND ND

S8a

a : halocine dont les séquences protéiques et nucléotidiques sont connues, b : non déterminé car la souche produit 2 halocines ND : non déterminé

son activité après un traitement de 10 min à 80 °C (Tableau 2). Les halocines considérées comme stables en absence de sels sont celles qui conservent leur activité dans l’eau (Tableau 2).

Tableau 2. Principales caractéristiques des halocines

Les données de ce tableau proviennent de Shand et Levya, 2007 ; Pašić et al., 2008 ; Kavitha et al., 2011 ; Karthikeyan et al., 2013 ; Kumar et Tiwari, 2017a et 2017b ; Mazguene et al., 2018 ; Ghanmi et al., 2020.

Comme nous pouvons le voir dans le tableau 2, il existe 2 catégories d’halocines. Celles dont la masse moléculaire est ≤ 10 kDa sont thermostables et leur activité antimicrobienne persiste en milieu faiblement salin. Celles dont la masse moléculaire est proche de 30 kDa sont thermolabiles et leur structure tridimensionnelle nécessite une forte concentration en sels. Les halocines HA1 et HA3 de masse moléculaire de 13-14 kDa ont des propriétés intermédiaires (thermostabilité, mais instabilité en absence de sels). Les halocines C8 (Li et al., 2003, Besse et al, 2017), H4/H1 (Meseguer et Rodríguez-Valera, 1985 ; Platas et al., 2002), H6 (Torreblanca et al., 1989), HA1 (Kumar et Tiwari, 2017a, HA3 (Kumar et Tiwari, 2017b), S8 (Price et Shand, 2000, Ghanmi et al., 2020) et Sech7a (Pašić et al., 2008), ont été purifiées à partir de surnageants de culture. Seules trois halocines ont été caractérisées au niveau de leurs séquences protéiques et nucléotidiques : l’halocine C8 (Sun et al., 2005), l’halocine H4 (Cheung et al., 1997) et l’halocine S8 (Price et Shand, 2000).

L’halocine C8 (HalC8) est produite par la souche de Natrinema sp. AS7092 préalablement nommée Halobacterium sp. AS7092, isolée du lac salé Chaidan en Chine (Li et al. 2003). HalC8 est sensible à l’activité de la protéinase K mais pas à celle de la trypsine,

29 résistante à la chaleur après un traitement d’1 h à 100 °C. HalC8 conserve son activité après un stockage pendant 1 an à 4 °C. Son activité est indépendante de la présence de NaCl (Tableau 2). HalC8 est également capable de résister à l’action de solvants organiques comme l’acétonitrile, l’éthanol, l’isopropanol et le méthanol (Li et al., 2003). HalC8 est donc un peptide extrêmement stable. Après séquençage par la méthode d’Edman des 15 résidus N-terminaux de HalC8, deux amorces nucléotidiques dégénérées ont permis d’amplifier par PCR un fragment de 44 pb puis de générer une sonde ARN grâce à l’ARN polymérase T7. Cette sonde s’hybride avec un fragment de restriction par BamH1 de 6,3 kb du génome de la souche AS7092. Le séquençage de ce fragment a permis de montrer que HalC8 est codée par le gène

halC8 de 849 pb (Sun et al., 2005). La comparaison de la traduction du gène halC8 avec la

séquence en acides aminés N-terminale de HalC8 montre que cette halocine est un peptide de 76 acides aminés avec une masse moléculaire de 7441,63 Da et qu’elle est donc synthétisée sous forme d’un précurseur de 283 acides aminés (Sun et al., 2005). Une halocine A4, encore nommée U1 produite par une souche non identifiée TuA4 a été isolée d’une saline en Tunisie (Shand et Levya, 2007). Sa masse moléculaire est de 7435 Da et elle présente des caractéristiques physico-chimiques proches de celles de HalC8 (Tableau 2). Sa séquence N-terminale montre une forte identité avec celle de HalC8. Il est donc fort possible que l’halocine A4 soit un variant de HalC8 (Besse et al., 2015).

L’halocine H4 (HalH4) est la première halocine ayant été caractérisée (Rodríguez-Valera et al., 1982). Elle a été purifiée à partir de la souche de Hfx. mediterranei R4, préalablement identifiée comme Halobacterium mediterranei R4 (Rodríguez-Valera et al., 1983), isolée dans la saline d’Alicante en Espagne (Meseguer et Rodríguez-Valera, 1985). L’activité de HalH4 est sensible à l’activité de la protéase de Streptomyces griseus et disparaît totalement après un traitement de 30 min à 80 °C, ou si la concentration en sel est inférieure à 50 g.L-1 (Tableau 2) (O’Connor et Shand, 2002). Après purification de HalH4, la séquence N-terminale des 10 premiers acides aminés a été déterminée et une digestion par la trypsine a été réalisée. La séquence N-terminale et la séquence de 2 peptides trypsiques ont été utilisées pour dessiner des amorces dégénérées (Cheung et al., 1997). Un fragment de 150 pb a été amplifié, puis utilisé pour sonder une banque plasmidique. Le gène halH4 code le précurseur ProH4 de 359 résidus qui conduit à une halocine mature de 313 résidus avec une masse moléculaire de 34,9 kDa (Cheung et al., 1997). L’halocine H1 présente des caractéristiques physico-chimiques proches de celle de HalH4 (Tableau 2). De plus, il n’existe pas d’inhibition croisée entre ces 2 halocines (Rodríguez-Valera et al., 1982) ce qui laisse donc supposer que ce sont une seule et même halocine (Besse et al., 2015).

L’halocine S8 (HalS8) est produite par une archée halophile extrême S8a non identifiée, isolée du Grand Lac Salé aux Etats-Unis (Price et Shand, 2000). L’activité de HalS8 est indépendante de la concentration en sel, thermorésistante (1 h à 94 °C) et résiste aux solvants organiques, donc cette halocine est particulièrement stable (Tableau 2) (Price et Shand, 2000 ;

30 O’Connor et Shand, 2002). La séquence de 36 résidus en position N-terminale de HalS8 a été déterminée (Price et Shand, 2000). A partir de cette séquence, 2 amorces nucléotidiques dégénérées de 17 et 20 pb ont permis de cribler une digestion du génome de la souche S8a. Le gène halS8 est porté par un fragment PstI/EcoRV de 2873 pb qui a été séquencé. Le gène

halS8 n’est pas localisé sur le chromosome mais sur un mégaplasmide d’environ 200 kb (Price

et Shand, 2000). D‘une masse moléculaire de 3,58 kDa, HalS8 de 36 résidus, résulterait d’un double clivage d’un précurseur de 33,9 kDa (311 acides aminés) dans les régions N- et C-terminales (Price et Shand, 2000). Récemment, une seconde forme de HalS8 a été isolée à partir d’Hbt. salinarum ETD5 isolée à partir de la saline de Sfax (Ghanmi et al., 2020). Le gène

halS8 a été amplifiée avec des amorces dessinées à partir de la séquence du gène halS8 chez

la souche S8a. Après clonage et séquençage de l’amplicon, la séquence du gène halS8 de 936 pb et la séquence N-terminale de HalS8 ont été déterminées (Ghanmi et al., 2020). Dérivant du précurseur de 33,9 kDa, cette halocine S8 possède une masse moléculaire de 8,6 kDa. Cette seconde forme de HalS8 possède la même séquence N-terminale que celle produite par la souche S8a, mais n’est pas clivée en région C-terminale. Il s’agit donc d’une halocine de 81 acides aminés possédant 8 résidus de cystéine qui pourraient être impliqués dans la formation de 4 ponts disulfure (Ghanmi et al, 2020). Par ailleurs, une halocine R1 est produite par la souche d’Hbt. salinarum GN101 isolée de la saline de Guerrero Negro au Mexique. Cette halocine présente les mêmes caractéristiques physico-chimiques que celles de HalS8 (Tableau 2, page 28) et une séquence N-terminale très proche de celle de HalS8 (OConnor et Shand, 2002). Une analyse du génome d’Hbt. salinarum sp. GN101 révèle, sur un mégaplasmide de 283 kb, un gène codant HalS8. Cette observation montre que les halocines S8 et R1 sont fortement apparentées et pourraient être codées par un seul et même gène ou par des copies multiples de ce gène (Besse et al, 2015).

La production d’halocines dépend de la croissance de leur souche productrice. Pour la plupart des halocines, le maximum d’activité est observé entre la fin de la phase de croissance exponentielle et le début de la phase stationnaire (Platas et al., 1996 ; Kavitha et al., 2011 ; Besse et al., 2015 ; Mazguene et al., 2018). Seules les halocines HA1, HA3 et Sech7a ont une activité maximum observée lors de la phase exponentielle de croissance (Pašić et al., 2008, Kumar et al., 2016, Kumar et Tiwari, 2017b).

Le mode d’action des halocines est beaucoup moins étudié que celui des autres PAMs. Il n’a été étudié que pour les halocines C8, H1, H4, H6/H7 et Sech7a. L’halocine H6/H7 agit sur la membrane de la souche cible Halobacterium halobium par inhibition de l’échangeur Na+/H+, indispensable pour le maintien de la pression osmotique intracellulaire chez la souche cible (Meseguer et al, 1995). Les quatre autres halocines entraînent des modifications morphologiques de la membrane avec perturbation de la perméabilité membranaire conduisant à la lyse des cellules (Meseguer et Rodríguez-Valera, 1986 ; Li et al, 2003 ; Shand et Levya, 2007 ; Pašić et al., 2008).

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