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1.4 : LOCALISAT10N DE LA POPULATION SALARIÉE

1.5. LA TYPOLOGIE DE L'HABITAT À ALGER

1.5.3. L'habitat précaire

L'habitat précaire qui caractérise l'Algérois et les villes d'Algérie dans leur ensemble, est un phénomène ancien. Il se manifeste sous Forme de bidonvilles ou de gourbis dispersés, imbriqués dans le tissu urbain.

Les bidonvilles algérois présentent une forme spatiale opposée à celle d'un tissu urbain structuré et équipé. Nés vers les années 1926-1930, les bidonvilles algérois vont peu après connaître un développement rapide, pour atteindre, à la fin de l'année 1945, un seuil critique (Descloîtres, 1961). L'ampleur de ce type d'habitat est due, d'une part, à l'afflux des populations des campagnes vers les villes, d'autre part, à l'insuffisance de la production de logements. Ne pouvant répondre aux besoins des populations, les villes se sont vues déformées et occupées d'une façon anarchique et la saturation a été rapidement atteinte. La ville d'Alger ne fut pas épargnée. Deux types de bidonvilles se distinguent dans l'Algérois. Le premier type concerne le bidonville urbain et le second, le “suburbainˮ (développé à la périphérie de l'agglomération).

Le bidonville urbain occupe un territoire enserré dans le tissu urbain dense de la ville. En ce qui concerne l'agglomération d'Alger, ce type de bidonville se rencontre surtout dans les quartiers centraux, tels que Belcourt avec le bidonville de “Mahiédineˮ et El-Madania avec celui de “Nador-

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Scalaˮ, de “El-Amalˮ ou de “Aboulkerˮ... (Descloitres, 1961).

Le deuxième type se trouve localisé dans les communes périphériques d'Alger, suivant généralement la localisation des activités (notamment industrielles). Ainsi, la prolifération des bidonvilles se faisait surtout vers l'Est de la Capitale, là où les emplois existaient, dans les quartiers réservés aux Algériens.

Citons la cité PLM et la cité “indigèneˮ à El-Harrach et à Hussein-Dey, où l'exemple le plus parlant est Oued-Ouchayah. Cependant, leur développement se faisait également à l'Ouest de l'agglomération (notamment à El-Biar, Ben-Aknoun ou à Bouzaréah en raison de l'extension d'Alger vers le Sud-Ouest qui a entraîné une activité dans le secteur du bâtiment permettant la création d'emplois.

Cet habitat précaire qui ne se développe réellement, qu’après la Seconde Guerre mondiale, et qui est la conséquence de la famine qui a caractérisé la majorité des régions algériennes, connût un développement de plus en plus rapide pendant les années de guerre de libération pour atteindre un seuil critique au lendemain de l'Indépendance.

Jusqu'en 1954 et même 1962, la localisation des bidonvilles se faisait principalement dans les secteurs algériens et non dans les secteurs européens. Ainsi, dans les secteurs tels que Climat-de- France, El-Madania, El-Harrach, Hussein-Dey ou Bouzaréah centrent la majeure partie des bidonvilles algérois. Dans certains quartiers, Climat-de-France ou El-Madania par exemple, les populations vivant dans les bidonvilles représentent une proportion importante de la population résidente.

La carte n°10 confirme largement ces observations. En fait, la partie Est de l'agglomération qui semble être la mieux appréciée offre de grandes possibilités quant à la localisation d'un habitat précaire. L'élément naturel qui constitue le facteur essentiel dans la localisation de cet habitat est l'oued Harrach. Celui-ci, qui établit une rupture importante dans l'urbanisation, offre de grandes surfaces de terrains à l'implantation des bidonvilles. De plus, l'Est constitue un nœud important de la Capitale. Il contrôle, en effet, tous les mouvements qui s'effectuent entre la Capitale et les régions orientales et entre celles-ci et la partie occidentale de l'Algérie.

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Et comme les migrations vers la Capitale sont, dans leur grande majorité, originaires de l'Est du pays (car plus pauvre), El-Harrach et Hussein-Dey sont les lieux d'accueil des nouveaux arrivants. Après 1962, on retrouve les mêmes tendances, avec, d'une part, densification et agrandissement des bidonvilles existants, d'autre part, implantation de nouveaux bidonvilles dans ces mêmes quartiers. Il y a en outre appropriation des quartiers “aisésˮ et non touchés avant l'Indépendance par ce type d'habitat. Les terrains sur lesquels s'implantent les bidonvilles appartiennent soit au secteur public, soit aux particuliers et sont généralement non-oedificandi.

L'implantation des bidonvilles n'est pas gratuite. Que ce soit sur les terrains du secteur public ou privé, l'occupant paie le droit de s'installer. Mais une nette différence reste à faire entre les deux secteurs. Pour le secteur public, les bidonvilles étaient, pendant la période coloniale, placés sous séquestre de l'Office des HLM. Il paraît paradoxal qu'un organisme étatique soit propriétaire de terrains de bidonvilles et perçoive Un loyer annuel des baraques. Cette mesure a été cependant prise dans le but essentiel de lutter contre les particuliers qui profitent souvent de la pénurie pour en tirer avantages. Ces puissants entrepreneurs ont plus de pouvoir quant à l'application de l'expropriation que l'organisme gestionnaire. « Ainsi, en novembre 1948, à Mahiéddine (Belcourt) par exemple, 68 personnes possédaient 394 baraques et encaissaient pour 1 700 000 d'anciens francs de loyer par an » (Descloîtres, 1961, p.68).

La pratique actuelle des loyers au niveau des bidonvilles par les privés ou par l'Office des HLM est, dans une large mesure, comparable à celle qui a, prévalu pendant la période coloniale. Cependant,

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les HLM ne contrôlent que les emplacements. Avant d'expliquer le cas des privés, nous allons tout d'abord essayer de saisir l’évolution de ces bidonvilles dans l'espace urbain algérois.

En nous basant sur la carte de localisation des bidonvilles, nous constatons une évolution progressive de l'implantation des bidonvilles dans l'espace algérois. En allant de l'Est vers l'Ouest d'Alger, l'ancienneté des bidonvilles diminue en dehors de quelques cas spécifiques que nous avons déjà évoqués.

Les premiers secteurs sont situés à l'Est et au Sud-Est d'Alger. El-Harrach, Hussein-Dey et Kouba constituent un barrage et retiennent la majorité des migrants venus à Alger à des périodes spécifiques de l'histoire de l'Algérie.

La quasi-totalité des baraques de ces quartiers date de l'époque coloniale. Cependant, hormis ces quartiers périphériques exposés aux migrations, d'autres quartiers ont connu, à la même époque, l'implantation de bidonvilles : ce sont El-Madania, Belcourt, Climat de France, Bab-El-0ued, Bouzaréah et même El-Biar. En général tous les quartiers cités (en dehors d'El-Biar) sont des quartiers algériens ou à prédominance algérienne. Le quartier de Climat de France par exemple a servi d'exutoire au surplus de population qu'a enregistré la Casbah.

Les premières années d'Indépendance, en raison de l'exode rural vers les villes (en particulier Alger), les quartiers déjà “bidonvillisésˮ ont connu une densification et le phénomène s'est amorcé dans d'autres quartiers auparavant épargnés. C'est ainsi que les hauteurs d'Alger, jusque-là exemptes, à cause de la population européenne qui les occupait, ont vu apparaître leurs premiers bidonvilles.

La multiplication des emplacements sur l'espace urbain algérois est une conséquence directe de la crise de logements que connaissait déjà Alger pendant la période coloniale et qui s'est accentuée au fil des ans jusqu'à devenir insupportable.

L'incapacité des campagnes à faire vivre une population croissante et l'attrait des villes (en particulier la Capitale) ont provoqué un exode rural sans précédent, gonflant la population urbaine et aggravant une situation de pénurie en matière de logements.

Et, à partir des années 1970, l'ouverture de nouveaux chantiers de travaux publics, surtout dans l'agglomération algéroise, a entraîné une fois de plus la venue d'une masse d'ouvriers qui, faute de logements disponibles, ont fait appel à la baraque.

Les nouveaux bidonvilles sont, dans leur presque totalité, localisés à l'Ouest d'Alger, dans les quartiers assez aisés et essentiellement résidentiels.

Les quartiers ainsi concernés sont en priorité Birmandreïs, Ben-Aknoun, Pointe Pescade et Bologhine. Viennent ensuite El-Biar, Bouzaréah, et enfin Birkadem. Comme nous l'avons déjà signalé, ces quartiers nouvellement “bidonvillisésˮ concentrent les plus grandes opérations immobilières. L'exemple le plus typique reste Birmandreïs. Pourtant, un seul programme de logements a été réalisé. Mais la proximité de la zone des “Annassersˮ qui elle, en revanche, a connu une activité immobilière très intense ces dernières années, a entraîné une implantation de baraques importante dans le quartier de Birmandreïs.

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D E U X I È M E P A R T I E

APPROCHE THÉORIQUE DE LA RENTE FONCIÈRE DANS LE CONTEXTE