• Aucun résultat trouvé

Hétérogénéité de l’UEMOA et la CEDEAO : une approche par arbres de décision

Le chapitre 3 de notre thèse est une autre contribution méthodologique pour aborder la problématique des hétérogénéités au sein de l’UEMOA (élargie à la CEDEAO). En effet, le choix d’une méthode d’analyse statistique bien adaptée à une situation donnée

est un sujet délicat et important. D’une part, les logiciels statistiques actuels offrent

aux utilisateurs des solutions et des options toujours plus nombreuses et plus diversifiées. D’autre part, c’est également un sujet difficile à traiter d’une manière générale et d’ailleurs peu développé dans la plupart des ouvrages de statistique appliquée. Malgré ces enjeux, les méthodes de classification, aussi appelées de partition des données, très utilisées dans le datamining, permettent de grouper des observations (15 pays dans notre cas) dans des classes (clusters) de manière à ce que les pays appartenant à la même classe soient plus similaires entre eux comparativement aux pays appartenant aux autres classes. Le calcul de la proximité entre pays se fait sur une série de variables mesurées sur tous les pays. Parmi les méthodes de classification, nous choisissons l’arbre de décision afin de représenter les asymétries des principaux

Hamidou Diallo | Thèse de doctorat | Décembre 2018

agrégats macroéconomiques entre les pays de la zone UEMOA (ensuite étendue à la CEDEAO) pour les raisons suivantes. Il s’agit d’une méthode facile à interpréter, n’exigeant pas des spécifications et qui s’adapte au mix de plusieurs types de variables (continue, nominal, ordinal, binaire) avec la capacité de traiter les valeurs manquantes comme des entrées lors des recherches de règles de fractionnement. Nous dérivons un modèle optimal contenant une combinaison d’inputs qui ont le potentiel d’expliquer significativement la « Target variable » (variable cible).

En réponse à la question générale de cette thèse, nous construisons des classes homogènes expliquant le fait, pour un pays, d’être plus ou moins performant par rapport aux valeurs de référence en choisissant les trois variables qui représentent des objectifs habituels, directs ou indirects, des politiques monétaires ou budgétaires : la croissance économique, l’inflation et le chômage. Nous étudions deux scénarios : le premier cible un seul objectif de politique économique à la fois et le second est une combinaison des objectifs des politiques budgétaire et monétaire présente l’avantage d’avoir un mixte de politique économique.

Sur la base de cette nouvelle approche empirique, nous identifions diverses conclusions pour l’UEMOA. A travers une analyse uni-variée, nous montrons que sur l’ensemble de la période 1994 - 2015, les pays avec une situation saine du secteur

public14 sont moins performants en matière de croissance du PIB et semblent être plus

efficace en termes de maîtrise de l’inflation avec un effet positif sur l’emploi. Les pays avec une croissance de la masse monétaire élevée présentent une inflation au-dessus de la moyenne et connaissent des contre-performances en termes de baisse du chômage. Par ailleurs, nous démontrons que les pays qui connaissent une sous performance sur la croissance du PIB ont en même temps une population vivace, urbaine, un secteur financier qui soutient le crédit avec une masse monétaire élevée et une ouverture aux échanges internationaux. D’autre part, nos résultats corroborent la théorie économique en particulier le modèle de Solow (1956) et celui de la croissance endogène de Romer (1986) avec une croissance des économies de l’UEMOA appréhendée par le travail (essor démographique du continent), le capital et la productivité globale des facteurs

14 Application de la théorie keynésienne : des dépenses publiques supplémentaires et des réductions de certains impôts

dégradent le solde public et provoquent une « relance économique », c’est-à-dire une augmentation de l'activité économique et une réduction du chômage lors des périodes de faible croissance ou de récession.

Hamidou Diallo | Thèse de doctorat | Décembre 2018

pour laquelle les dépenses en matière d’infrastructures et de capital humain constituent deux composantes clés.

Au total, le défaut de croissance est corrélé positivement avec la dette, la quantité de monnaie, le crédit domestique fourni par le secteur financier, le commerce, la part de la population entre 15 et 64 ans et la population urbaine. Ces mêmes variables (à l’exception de la dette) - auxquelles s’ajoute la croissance de la monnaie - sont positivement corrélées aux défauts d’inflation et de chômage.

Les arbres de décisions que nous avons construits conduisent également à divers enseignements. Lorsque l’on combine les objectifs budgétaire et monétaire nous distinguons cinq groupes de pays. La Guinée Bissau et le Togo forment le premier groupe, le Sénégal et le Mali forment chacun un groupe, le Bénin et la Côte d’Ivoire s’établissent dans un quatrième groupe tandis que le Burkina Faso et le Niger se rassemblent dans le dernier groupe.

En revanche, lorsqu’on cible un seul objectif de politique économique (notamment l’inflation) jusqu’à cinq groupes de pays caractérisent cette zone. Le premier serait constitué du Sénégal (dans deux branches), le deuxième du Mali et du Niger, le troisième du Bénin, du Burkina Faso et de la Côte d’Ivoire, le quatrième de la Guinée Bissau (dans deux branches) et le dernier du Togo.

Quand la croissance du PIB est la seule cible de la politique économique, nos résultats montrent deux groupes de pays dans l’UEMOA. Le critère de différenciation que nous identifions est la population entre 15 et 64 ans en % du total (inférieure à 53% pour le premier groupe et supérieure ou égale à 53% pour le second). Sur toute la période d’analyse les pays qui connaissent une sous performance ont en même temps une population vivace. En effet, le Burkina Faso, le Mali et le Niger se sont toujours retrouvés dans le même groupe (avec le taux de défaut le plus faible 37%). Le Bénin et le Sénégal sont plus souvent classés dans ce groupe (14 fois sur 22 pour chacun). D’autre part, la Côte d’Ivoire a toujours été classée dans le second groupe (avec le taux de défaut plus élevé à 78%) pendant que la Guinée-Bissau et le Togo s’y retrouvent plus souvent (15 fois sur 22 pour chacun).

Lorsque l’on cible l’emploi comme seul objectif de politique économique, nos résultats permettent de distinguer deux groupes de pays (du plus faible au plus élevé taux de défaut) qui sont les suivants :

Hamidou Diallo | Thèse de doctorat | Décembre 2018

1. Guinée Bissau, Mali, Sénégal et Togo 2. Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire et Niger

En outre, nos résultats suggèrent que l’élargissement de l’UEMOA à la CEDEAO se traduirait par un accroissement de l’hétérogénéité existante au sein de l’UEMOA. En effet, le ciblage d’un seul objectif de politique économique serait marqué par l’établissement de :

- neuf groupes de pays pour la croissance du PIB - quatre groupes de pays pour l’inflation

- deux groupes de pays pour l’emploi.

Toutefois, la combinaison des objectifs budgétaire et monétaire, avec l’agrandissement de la zone, se caractériserait par la constitution des trois groupes de pays :

1. Burkina Faso, Côte d’Ivoire et Niger

2. Bénin, Cap-Vert, Ghana, Guinée, Libéria, Mali et Sierra Leone 3. Gambie, Guinée Bissau, Nigéria, Sénégal et Togo.

Nos conclusions plaident pour la prise en compte d’objectifs économiques combinés et d’une meilleure coordination dans la perspective de la constitution d’une seule zone monétaire en Afrique de l’Ouest avec l’adoption de la monnaie commune par tous les États membres en 2020. Nos résultats invitent également à approfondir les pistes suivant lesquelles la gouvernance macroéconomique de cette future union monétaire pourrait réduire les hétérogénéités en son sein.

Chapitre 4 – Un modèle d’évaluation de la dynamique des

hétérogénéités dans l’UEMOA et la CEDEAO

Dans le chapitre 4, nous concevons et implémentons des tests et statistiques à analyser. Il s’agit contribution méthodologique utile à l’évaluation de nos modèles de classification construits dans le chapitre précédent. Ces mesures sont de plusieurs ordres :

- taux de défaut (TD) par classe de pays - migrations entre groupes de pays

Hamidou Diallo | Thèse de doctorat | Décembre 2018

En effet, nos précédents résultats notamment sur notre approche de classification (par arbre de décision) de l’UEMOA puis élargie à la CEDEAO ayant mis en évidence les hétérogénéités aussi bien en termes de croissance économique, d’inflation que de chômage. Toutefois, nous prenons en compte l’effet dynamique ainsi que les possibles changements de dynamique dans les groupes de pays, le total de la zone et le cycle économique en nous inspirant du modèle d’évaluation de Merton (1974).

Au terme de nos investigations, il apparaît que la méthode que nous proposons constitue une grille de lecture pratique pour analyser le fonctionnement de l’UEMOA et de la CEDEAO et les dynamiques qui peuvent leur être associées.

Tout d’abord, une corrélation positive est détectée (très marginalement remise en doute dans certains groupes de pays) entre la variabilité dans les performances des groupes de pays et les changements au niveau de l’ensemble des deux zones avec, toutefois, une différence notable d’amplitude. Dès lors que la maîtrise de l’inflation par rapport à la zone est ciblée comme seul objectif de politique économique dans l’UEMOA, le ratio entre la sensibilité à l’intérieur des groupes de pays et celle de la zone s’établit à 2,942. Cette métrique passerait à 3,086 dans la perspective d’un élargissement de la zone monétaire à la CEDEAO, suggérant ainsi une légère aggravation des disparités. Le niveau de cette variabilité, différente comparativement à la zone monétaire UEMOA, est conforté à chaque fois qu’est poursuivi un seul objectif de politique économique dans l’ensemble des pays de l’Afrique de l’Ouest.

Ensuite, le profil des pays, susceptibles d’influencer la zone, change à partir du moment où l’on envisage la combinaison des objectifs des politiques budgétaire et monétaire.

Sur un autre plan, nous concluons à une variabilité des groupes de pays plus élevée à celle de la CEDEAO, qui même si elle semble démontrer le caractère hétérogène et instable des pays membres concernant les performances en termes de combinaison des objectifs des politiques budgétaire et monétaire (croissance du PIB, inflation et chômage), présente toutefois un niveau faible comparativement à la zone monétaire UEMOA. Cette conclusion abonde dans le sens d’une atténuation des fluctuations des pays en terme de performance qui résulterait de l’élargissement de l’UEMOA à l’ensemble des pays de l’Afrique de l’Ouest et plaide clairement pour une prise en

Hamidou Diallo | Thèse de doctorat | Décembre 2018

compte d’un mixte d’objectifs économiques et d’une meilleure coordination dans la perspective de la constitution d’une seule zone monétaire dans les prochaines années.

De manière plus prospective, les enseignements de nos travaux laissent entrevoir l’important défi que ces espaces économiques et monétaires devront sans doute relever.

Chapitre 5 – Cycle économique et règles de Taylor dans l’UEMOA et

Documents relatifs