• Aucun résultat trouvé

La position de l’étant dans le long processus hérité de l’oubli de l’être

3) L’héritage d’Aristote

Dans l’œuvre de Heidegger, l’héritage d’Aristote est plus visible que celui de Platon (voir l’épigraphe de notre conclusion) étant donné que la dissertation qui éveille la recherche philosophique du jeune Heidegger était un commentaire sur Aristote. Dans ce chapitre héritage, ce n’est pas cette dissertation qui va nous intéresser de prime abord mais une petite note renvoyée en bas de page de

Etre et Temps, page 226 ; le paragraphe 44 traite du « phénomène originel de la

vérité ». Le renvoi porte sur La Métaphysique Livre Θ, 10 et l’Ethique à

Nicomaque Livre VI, 6 : problème que nous avons déjà signalé dans Le Sophiste

de Platon.

Aristote annonçait que la vérité ne devait plus être cherchée du côté du jugement mais de celui de la raison intuitive. Ici, comme dans Le Sophiste, il s’agit encore de façon sous-entendue, de la question de la vérité. L’œuvre de Heidegger s’achevant par l’Ereignis, ne se justifierait que parce que cette appropriation de « l’événement » est événement et avènement de la vérité de l’être. Cette conclusion n’a pu être possible que par la position de la recherche de cette vérité que Heidegger découvre chez Aristote. « L’objet de la science est

démontrable. 88 » C’est-à-dire empirique. Or, ce que nous cherchons, l’être, n’est pas de l’ordre de l’empirie, « il reste donc que c’est la raison intuitive qui (le) saisit 89 » Cette affirmation est fondamentale en phénoménologie ; ce fut également d’ailleurs la position de Husserl à propos de la réduction eidétique. La note du traducteur éclaire mieux ce point de départ, et annonce pour ainsi dire, l’origine de l’ontologie : cette note précise ; « le νοῦς seul est apte à saisir les principes […] les principes ne sont pas connaissables par la discussion et échappent à l’emprise de la science et de la sagesse qui fait, l’une et l’autre, appel à la démonstration : le νοῦς, qui seul les saisit à l’aide de l’intuition, est donc lui-même principe des principes 90 ». Cette vision de l’être comme principe des principes illumine toute l’œuvre de Heidegger, de la phénoménologie à l’ontologie fondamentale. Mais il y a plus dans le cadre de cet héritage ; le temps que Heidegger donne à l’être. Ce temps, il l’a dû à Aristote.

« Dans le cadre de l’élaboration fondamentale de la question de l’être qui va suivre, il est impossible d’exposer en détail l’interprétation temporale des soubassements de l’ontologie antique – surtout au stade où elle est la plus pure et atteint à la scientificité la plus haute, c’est-à-dire chez Aristote. Au lieu de cela, elle donnera une explication du traité d’Aristote sur le temps, qui peut être choisi, étant donné sa vertu discriminatoire, pour mesurer en sa base et ses limites la science antique de l’être.

Le traité d’Aristote sur le temps est la première interprétation d’ensemble de ce phénomène que nous ait livré la tradition. Il a déterminé pour l’essentiel toute conception ultérieure du temps, y compris celle de Bergson […] la conception kantienne du temps se meut dans les structures dégagées par Aristote, ce qui veut dire que l’orientation ontologique de Kant – quelles que soient les

88 Aristote, Ethique à Nicomaque, 1141 b35 89 ibidem, 1141 a5

différences introduites par la nouveauté du questionnement, demeure en son fond grecque 91 ».

La suite de ce texte – héritage avoué – est très enrichissante ; Heidegger y parle de « la preuve irréfutable que la question du sens de l’être est incontournable ». Preuve est donc donnée que Heidegger n’a rien inventé. Son travail « fait ainsi la démonstration du sens dans lequel elle (la désobstruction) parle d’une répétition de la question de l’être 92 ».

Le paragraphe 1 de Etre et Temps s’intitule « nécessité d’une franche répétition de la question de l’être » Si donc Heidegger veut répéter la question, c’est la preuve que quelqu’un l’a posée avant !

Ce texte, à nos yeux, est fondamental car il dévoile en un bref clignotement, non seulement la raison suffisante de Etre et Temps, mais bien plus, le projet de l’ontologie fondamentale et donc toute l’œuvre de Heidegger. On y voit, entre les lignes, que la science antique de l’être (ontologie) était déjà liée au temps. Le traité Etre et Temps est donc une sorte d’épistémologie avant la lettre de la Physique d’Aristote.

En effet, le livre ∆ auquel remonte la note du texte de Etre et Temps que nous avons citée, est une analyse du temps. Les différentes approches, les difficultés inhérentes à l’existence du temps montrent bien la complexité de sa définition, déjà chez Aristote. « Faut-il, écrit-il, placer le temps parmi les êtres ou parmi les non-êtres ? 93 » Une telle question n’a pu être sans marquer profondément Heidegger et nous pensons même que l’ouverture accordée à cette question, à savoir poser le temps comme l’horizon de l’être était une astucieuse réponse et une magistrale résolution de la question que posait Aristote. Si le temps est l’horizon de l’être, il existe sans être, ni être, ni non- être. Il fait être l’être. Il tisse l’être. Il l’appelle et l’apprivoise. Il ne peut l’apprivoiser que s’ils (être et temps) sont co-originaires. Nous avons vu avec la

91 Martin Heidegger, Etre et Temps, Op. cit., p.26. 92 Ibid. , p.26.

parole d’Anaximandre que l’être était ce qui se donnait comme absent dans la présence qui est présente. Le temps devient alors le lieutenant innommé qui

dans l’être, fait passer ce qui est caché dans la lumière de la présence (le

phénomène en grec) Le temps fait entrer dans son retrait ce que le phénomène a et est de plus précieux et ne le montre pas ; mieux, ce que le phénomène montre en cachant et cache en montrant. Ce « jeu phénoménologique » se passe dans et avec le temps : c’est sans doute ce qui a amené Aristote à approfondir son étude sur le temps et lui à consacrer un traité. Le livre cité analyse effectivement les parties du temps, l’instant du temps, la nature et le mouvement du temps. Mais, ce qui, pour Aristote, n’est qu’une simple étude critique du problème du temps deviendra prolégomènes et fondement de toutes les études ultérieures, « quelles que soient les différences introduites par la nouveauté du questionnement », y compris donc celles de Heidegger lui-même.

Si le temps, comme le dit Aristote, « n’est pas composé d’instants 94 », voilà de même que chez Heidegger, « les différents moments, passé, présent et futur sont proscrits » (infra) Une fois de plus, ceci tranche radicalement avec ce que nous avons appelé la conception vulgaire du temps : le mouvement. Parlons- en. Ce que Heidegger n’explicite pas dans son œuvre mais qu’il tient d’un bout à l’autre d’Aristote, c’est l’analyse du temps comme mouvement. Or ce mouvement chez Aristote est au centre de son ontologie et de sa théologie.

A ce moment précis où nous parlons de l’héritage de Heidegger, à ce moment précis où nous surprenons Heidegger lisant Aristote, il a dû se heurter à un terrible choix à faire : l’ontologie d’Aristote sert principalement la théologie et l’être constamment nommé Dieu. (On y voit la théologie astrale d’Aristote) Mais par la suite, de l’être chez Heidegger, bien que aristotélicien, il n’y aura, de façon explicite aucune affirmation de ce genre, ce qui nous réconforte dans le choix du thème « les silences de Heidegger »

93 Aristote, La physique,∆, 217 b31 94 Ibid., ∆ 218 a6

En effet, sur la question de l’être chez Aristote entendu comme οὐσία et comme παρουσία, nous le disions tantôt, Aristote a déjà accolé l’être au temps, ce qui n’a pas échappé à Heidegger qui va revenir plusieurs fois sur cette conception. A quelques différences près, on retrouve la remarque suivante dans

Etre et Temps, dans Kant et le problème de la métaphysique et dans Qu’est- ce que la métaphysique ? « Le fait que l’étant dans son authenticité soit compris

comme οὐσία, παρουσία en un sens qui, par sa racine veut dire être présent trahit ce fait que l’être est entendu au sens d’une persistance dans l’état de présent 95 ». Dans Etre et Temps, le sens de cette remarque est plus précis : οὐσία, est entendu en référence à un mode précis du temps ; le présent (page 25). Etre et Temps peut d’ores et déjà être considéré comme une critique de l’être et du temps chez Aristote. Cependant, nous avons remarqué une chose consternante : on était déjà familier de la franche distinction qu’Aristote établit entre la philosophie première et la philosophie seconde, autrement, entre la

métaphysique et la physique. Or, sa conception du temps est élaborée non pas

dans le corpus qui sera nommé « métaphysique » mais bien ex professo dans la

Physique, où précisément, le mouvement paraît être l’unique objet. Pourquoi le

temps appartient-il, selon Aristote, à l’ordre du sensible ? C’est ce que sans doute, Heidegger va rectifier car Aristote parlant du temps, revient presque inéluctablement à l’être. Au début de la Physique, Aristote pose ce postulat fondamental : « Les êtres de la nature, en totalité ou en partie, sont mus 96 ». Ce qui veut dire en d’autres termes qu’il est propre aux êtres d’être en mouvement. Cette idée est si présente dans la Physique que Aristote, pour expliquer l’existence de l’être, est obligé de « postuler » l’existence d’un premier moteur immobile.

En effet, le mouvement qui donne vie à « l’être présent » n’est possible que parce que le premier moteur est immobile ; c’est ce qui meut sans, à son tour se

95 Martin Heidegger, Kant et le problème de la métaphysique, Op. cit., §4 96 Aristote, La Physique, 185 a12

mouvoir ni être mu. Mais cette transmission du mouvement ne livre-t-elle pas l’être à l’usure et à la dégradation ? Apparamment non puisque l’être lui-même est ce mouvement ; il est donc impérissable. Le temps qui se mouvrait ne saurait l’emporter : c’est la raison pour laquelle la science que propose Aristote pour son analyse s’appellera ontologie, une science qui est au-delà de la physique. Il n’y a sans doute pas dégradation de l’être parce que le temps chez Aristote, vu sous l’angle du mouvement, ne se conçoit que comme unité « tripartite » matière, forme, privation. Il se joue donc dans cette unité « triphasée » une continuité discontinuée ; disons une continuité

« discontenue » c’est-à-dire une continuité interne, toujours contenue. Les exemples que l’on trouve dans La Physique sont formels : l’illettré disparaît en devenant lettré, mais reste homme c’est-à-dire sujet. Même si ce sujet, devenu lettré, pouvons-nous ajouter, reste en attente de devenir autre chose, le mouvement étant le mode d’être de tous les êtres naturels. Ici, le lettré est la forme que deviendra le sujet. Le lettré n’est donc pas contenu dans l’illettré ; il est la continuité informe et inachevée. L’être est donc en attente d’être sans cesser d’être ce qui a été et ce qui est. L’être est sans être. Il est sans être s’il n’y avait pas le temps et si le temps n'entraînait pas le mouvement. Dans le livre 1, Aristote présente les différentes acceptions de l’unité qui lui permettront, dans les livres suivants de discourir sur l’être et le mouvement : « l’un s’entend en plusieurs acceptions…l’un se dit soit du continu, soit de l’indivisible 97 ». Il y a donc du continu entre l’illettré et le lettré, entre Clinias ignorant et Clinias savant ; il y a écoulement continuel des instants périodiques qui se succèdent sans que le sujet soit modifié. S’il arrivait que le sujet se modifie, on assisterait à une succession de contradictions entre « naissance » et « mort » aussi spontanée que stérile (car il y a en réalité un accord parfait entre la naissance et la mort). Le sujet est donc le « maintenant » qui maintient à égale distance la forme et la privation, la matière, (le présent qui s’apprésente continuellement, le maintenant

de l’instant) est ce que la privation (le passé) a produit et sera ce que appelle la forme (l’avenir ou le devenir) ; le devenir devenu est donc la synthèse entre matière et privation. C’est pour cette raison que dans le « continu, l’un sera multiple ; car le continu est divisible à l’infini 98 ».

Ce divisible à l’infini se fait grâce au mouvement ; mouvement que Parménide refusait ou feignait de refuser. En effet, nous pouvons considérer ce livre I de La Physique comme l’introduction à la réfutation des thèses en place avant Aristote bien entendu. Il écrit « c’est précisément pour n’avoir pas fait une telle distinction qu’ils se sont égarés et cette méprise les a conduits à cette autre aberration énorme ; ils crurent qu’une autre chose n’est engendrée et n’existe, et supprimèrent la génération 99 ».

Cette distinction est parachevée dans le livre 4 ; nous disons parachevé car c’est elle que Heidegger dans Etre et Temps a qualifié de « stade où elle est la plus pure et atteint à la scientificité la plus haute » (infra)

Le renvoi de Heidegger à cette distinction a pour caractéristique, l’instant. C’est par l’instant que Heidegger réussira à fixer sa pensée sur celles collectées ça et là et à en faire un massif presque imprenable. C’est cet instant que déjà décrivait Kierkegaard dans Le concept de l’angoisse. C’est toujours lui que l’on retrouve dans les multiples possibilités d’être du Dasein. Le Dasein de Heidegger n’est pas une fiction : il est le là de la présence qui sent le temps lui pénétrer les sens. Il est le quotidien, le témoin instantané du temps ; du temps qu’il fait et du temps qui passe ; c’est dans l’instant que le Dasein sent la peur, la chute, l’angoisse, le souci : « …cura cum fluvium transiret… » (Nous reviendrons sur cette fable de la page 198 de Etre et Temps) Le souci, le soin, le monde, la curiosité, le dévoilement, la mort sont pour le Moi, l’expérience immédiate de l’étant dont l’essence est l’existence. Or, cette existence est là, hic et nunc. C’est ce sens de l’étant en tant que possible-être-vers qui a occasionné

98 ibid. , I , 2 185 b10 99 ibid., I, 8,191 b10

l’appellation existentialisme chez les premiers lecteurs de Heidegger dont Sartre, appellation dont Heidegger se défend dans la Lettre sur l’humanisme. Nous pouvons, avec recul aujourd’hui, considérer ce glissement comme dû à

l’ignorance de la source d’où a puisé Heidegger. Ils ont pris Heidegger sur le

fait, comme forclos d’héritage et ils l’ont interprété au premier degré. Or Heidegger dans la chaîne, est un maillon.

Revenons à la page 226 de Etre et Temps sur la vérité de l’être où Heidegger renvoie au livre VI de l’Ethique à Nicomaque et à La métaphysique Θ 10.Quand on commence à lire Etre et Temps, au paragraphe 10, on est frappé par le « discrédit » que Heidegger jette soudain sur toutes les sciences, de la biologie à l’anthropologie traditionnelle en passant par la directive théologique. On remarque du coup la taille de la tâche que Heidegger va affronter en s’attaquant de la sorte au pilier de toute l’acquisition qui procède de l’éclatante séparation de l’homme d’avec l’animal par cette spécificité unique : le λόγος. Rien n’aurait eu lieu dans le domaine spéculatif sans la toute première définition rationnelle de l’homme : ζῶον λόγον ἔχον . On se demande secrètement : si alors le λόγον n’est pas la détermination première de l’homme, qu’est- il donc ? Et on se souvient avoir lu cette remarque de Heidegger : « ce qui empêche de poser la question fondamentale de l’être du Dasein ou ce qui égare quand on la pose, c’est qu’on s’oriente généralement sur l’anthropologie d’origine antique et chrétienne… 100 » Ces deux origines sont, à en croire l’héritage biblique, le fondement même de l’histoire des hommes et de Dieu. « Dieu dit : créons l’homme à notre image et à notre ressemblance 101 ». Résumons : selon Heidegger et surtout selon ce qu’il veut démontrer, l’homme n’est pas d’abord cet animal rationnel ni créé à l’image de Dieu. On pourrait tenir cette position comme une révolution sans précédent. Pas tout à fait car il faut remonter chez Aristote pour en trouver l’origine. En effet, dans l’Ethique à Nicomaque,

100 Martin Heidegger, Etre et Temps, Op. cit., p. 48. 101 Gn 1, 26 (cité par Heidegger)

Aristote avait déjà mis en garde contre toutes les sciences. Il disait en substance ceci : sagesse, prudence, science (au sens de τέχνη) ne pouvaient atteindre la vérité…de l’être. « Il reste que c’est la raison intuitive qui (la) saisit 102 ». Nous avons déjà noté un peu plus haut et nous le ferons encore, le rôle que va jouer l’intuition en phénoménologie.

Après cette découverte, après ce long pont jeté par dessus l’histoire chronologique entre les recherches ontologiques et phénoménologiques de Heidegger, les positions d’Aristote sur l’être, on ne pourra plus s’étonner que Heidegger ait tu son héritage hébraïque. Son silence obéit à un ordre, pourrions- nous dire, aristotélicien. Il était nécessaire et même logique que Heidegger mît une parenthèse sur ce qu’il a appelé lui-même la déthéologisation. La longue période qui s’étend de la fin de l’antiquité au XXème siècle, fortement marquée on le sait, par la chrétienté et la scolastique vers la fin du Moyen Age, cette période donc a complètement occulté la véritable question de l’être. Aristote, passé le magiter de l’Eglise et christianisé pouvons-nous dire, post mortem, a remis entre les mains des Pères de l’Eglise l’arme redoutable qui a achevé d’occulter l’être : la question de l’être elle-même (les cinq preuves ontologiques de Dieu chez Saint Anselme et Saint Thomas). Près de 15 siècles où il ne s’est, comparativement à l’antiquité, presque rien passé de proprement philosophique si ce n’est quelques ratiocinations et quelques élucubrations sans grande ni féconde portée. Que quelques bravoures aient pu ou voulu s’émanciper, elles ne trouvèrent que balises, partout : magiter dixit. Ce maître qui a déjà tout dit, c’est Aristote. Pas l’Aristote philosophe, mais l’Aristote récupéré. Quelques-uns, comme Duns Scot à qui Heidegger consacre sa thèse d’habilitation, sont encore des porte-voix d’Aristote. Cependant, il convient ici de restituer la position exacte de Duns Scot, ce qui vaudrait à nos yeux le choix de Heidegger. Duns Scot (1266-1308) peut être considéré comme un philosophe –certes – un théologien de rupture. Rupture d’avec la scolastique dont l’aristotélisme

vermoulu était encore ravivé par Thomas d’Aquin (1225-1274) ; rupture avec la tentative du retour au platonisme incarné par Bonaventure (1221-1274)

Pour Duns Scot, le but de l’intellect n’est ni l’essence abstraite de la réalité empirique, ni Dieu lui-même mais l’être, entendu de façon univoque. (La fortune de ce petit mot unique sera grande tant chez les ontologistes comme Heidegger que chez les empiristes logiques de la première heure comme Wittgenstein).

Présenté sous cet angle, Duns Scot à nos yeux passe pour être le premier philosophe critique de la raison ; critique de la raison au sens où celle-ci ne pouvait atteindre les questions métaphysiques ni l’opaque question de l’essence divine. La raison qui s’y risque est pure prétention. Seule la foi, engagée à bon escient peut comprendre les choses qui sont au-delà de la connaissance sensible. Il y a donc, comme on le voit, un clivage net et irréductible entre raison et foi (on retrouvera cette même démarche chez Kant en pleines Lumières et également portée à son faîte chez Heidegger dans l’Introduction à la

métaphysique) aussi bien que disséminée dans son œuvre.

Et cette thèse d’habilitation sur les catégories chez Duns Scot, qu’a-t-elle de significatif dans la jeune carrière de Heidegger ?

Tout d’abord, les catégories de Duns Scot ne figurent pas explicitement parmi les dix recensées par Aristote (substance, qualité, quantité, relation, lieu, temps, position, possession, action et passion) et qui sont fondamentalement des attributs qui, grammaticalement, ne valent rien par eux-mêmes. Ensuite, les

Documents relatifs