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Nous avons mis au travail la notion de groupe à travers différents points de vue. Le rapport Laroque, nous a permis de situer la naissance du groupe social des personnes âgées (Cf. supra. p.17). Nous nous sommes appuyés sur ce concept dans la clinique avec une approche psychomotrice spécifique (Cf. supra p.57). Et dans la continuité, les différents apports théoriques nous on permis de présenter la pertinence du groupe à médiation corporel selon plusieurs auteurs dont Potel C. (Cf. supra p.49). Toutefois le concept de Moi-Peau de Didier Anzieu (Cf. supra p.45) nous permet de discuter la notion d’enveloppe au sein d’une institution. Pour Anzieu, la notion d’enveloppe psychique est une métaphore qui définit une fonction contenante. La figure des poupées russes illustre l’idée selon laquelle les enveloppes que nous évoquons sont contenues l’une dans l’autre : de la plus restreinte et individuelle à la plus étendue et groupale. La première est celle du résident.

La conception de la pathologie de l’enveloppe est appliquée à l’approche de la psychopathologie individuelle, elle l’est aussi pour ce qui concerne la compréhension du fonctionnement psychique groupal. Le holding et le handling (abordé précédemment en p.38 et p.47) rendent compte de concepts permettant d’expliquer comment le psychomotricien contient l’enveloppe du patient et celle du groupe. Cela correspond par exemple à la façon de s’adapter aux capacités psychomotrices des résidents à partir du le dialogue tonico- émotionnel. À partir du groupe art martial, on peut considérer que plusieurs enveloppes sont en jeux : celle de chaque résident, celle du psychomotricien, celle du groupe et enfin l’enveloppe institutionnelle. Toutes ces enveloppes interagissent l’une avec l’autre, sont contenues de la plus restreintes à la plus étendue et se frictionnent parfois les unes les autres.

Les patients psychotiques sont sensibles à l’environnement (et par conséquent, aux différentes enveloppes précitées en amont). À cet égard, l’observation du psychomotricien ne peut se limiter aux comportements et qualités psychomotrices manifestées en séances. Lorsque Monsieur G. verbalise plusieurs fois que son état psychocorporel est influencé par la façon dont il est réveillé et accompagné durant sa toilette matinale, qu’il ne comprend pas et s’oppose à son traitement médicamenteux. Et qu’en dernier ressort, il agresse une soignante quelques jours plus tard. Le regard du psychomotricien prend une dimension particulière. Ce regard porte alors sur les interactions entre le patient et les différents acteurs institutionnels. Ce Monsieur semblait manifester une certaine confiance vis-à-vis des participants des séances. Alors que Monsieur L. et Monsieur R. s’étaient invectivés en dehors de la séance au sujet d’une histoire de vol, je les ai vu en séance se serrer la main chaleureusement. La séance avait été le lieu d’une réconciliation entre les deux hommes. Du point de vue de la clinique psychomotrice, on suppose que l’enveloppe groupale a été suffisamment solide pour contenir les nombreuses attaques du cadre des résidents et autoriser par conséquent des rencontres et l’apaisement de tension interpersonnelle.

En outre, lorsque pour des raisons organisationnelles non explicitées en réunion, le réfectoire est fermée juste avant la séance. Il est à prévoir que cela aura des conséquences sur la présence des participants au groupe, certaines s’étant recouchées tandis que d’autres résidents ne sont plus dans leurs chambres. L’enveloppe institutionnelle peut mettre à mal l’enveloppe du groupe et le cadre du psychomotricien. Dans le sens inverse, lorsqu’un travail d’équipe est possible avec les personnels et que les séances s’inscrivent dans une dynamique institutionnelle : elles s’intègrent alors dans une démarche de soin dont les bénéfices peut profiter aux patients, aux personnels71 et à l’institution.

La verbalisation des états-d’âme de Monsieur G. au sein du groupe ont précédé son agression envers l’une des soignantes. Il a identifié le groupe en psychomotricité comme un espace sécurisant par opposition à l’institution en général. Il distingue le groupe de l’institution et ses acteurs. Sur le ton de l’humour il rappelle « les actes valent plus que les paroles ». On suppose que Monsieur G. pointe du doigt les limites d’une institution impersonnelle où l’organisation du temps de travail des soignants empêche ou limite la relation, le personnel est en sous-effectif et les mouvements de personnel sont élevés72. Dès lors le personnel est sur-sollicité et c’est au détriment de la disponibilité pour les patients psychotiques.

La médiation art-martial - loin de vouloir transformer les résidents en pratiquants confirmés - n’est probablement qu’un prétexte pour rechercher, évoquer ou/et trouver un état de mieux-être des résidents psychotiques. Dès lors, la clinique m’éloigne probablement d’une pratique professionnelle strictement rééducative, pour me rapprocher davantage d’une dimension thérapeutique. Le recours à ces disciplines enrichit la pratique en psychomotricité. Elles lui offrent justement une profondeur de regard plus importante permettant l’élaboration et le développement d’axes de recherches cliniques et théoriques propres. On suppose que cette démarche peut favoriser la reconnaissance de la psychomotricité en qualité de discipline des sciences humaines et médicales à part entière et non plus comme une praxie au carrefour de toutes les autres73.

72 Dans les ressources humaines, cet indicateur témoigne aussi du climat de l’institution.

73 Un carrefour est statique, seules les voies qui se croisent sont dynamiques, un carrefour est sans identité, il

prend l’identité de toutes les autres. En somme, son identité est d’être sans identité. Nous épousons toutefois le concept du carrefour psychomoteur étudié par Ajuriaguerra. Il désigne pour l'auteur une épistémologie édifiée