• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 3 TECHNIQUES DE MICROFABRICATION

3.5 Gravure au plasma

3.5.3 Gravure au plasma : interactions plasma – surface

La gravure au plasma est un procédé permettant de graver à la fois par réactions chimiques dues à l’adsorption des espèces réactives du plasma et physiquement (ou mécaniquement) à l’aide de bombardements ioniques. La gravure est provoquée lorsque les radicaux libres et ions du plasma interagissent avec la surface d’un matériau.

Cette section se restreint uniquement aux interactions entre un plasma et la matière qui mènent directement à la gravure.

3.5.3.1 Interactions radicaux libres – surface et synergie ions – radicaux

Le principe fondamental de la gravure chimique par un plasma est la transition de l’état solide de la matière vers l’état gazeux amorcée principalement par l’adsorption des radicaux libres, même si les ions peuvent aussi y contribuer [18]. Trois étapes sont requises pour engendrer la gravure chimique suite au contact entre les radicaux libres et la surface d’un matériau : adsorption, formation d’un produit de gravure volatil et désorption de ce produit. La présence d’ions catalyse ces réactions grâce à une synergie ions – radicaux. Ces réactions sont présentées à la Figure 3.12 et expliquées par la suite.

a)

b)

Figure 3.12 : Gravure par radicaux libres a) sans assistance par les ions et b) avec assistance par les ions. De gauche à droite : adsorption, formation d’un produit de gravure volatil, désorption.

1. Adsorption

L’adsorption est l’adhérence de radicaux libres à la surface. Elle est facilitée lorsqu’un grand nombre de sites d’adsorption s’y retrouvent. Ce nombre de sites d’adsorption peut augmenter suite au bombardement d’ions de haute énergie qui produisent des aspérités surfaciques à l’échelle atomique ou qui retirent par pulvérisation une couche non-volatile inhibitrice, libérant des liaisons pendantes. [44], [48]

2. Formation d’un produit de gravure volatil

Suite à l’adsorption, des liaisons atomiques se créent entre les radicaux libres et les atomes de la surface pour former une molécule. Si les conditions ambiantes le permettent, cette molécule est apte à transiter vers l’état gazeux et donc à subir la désorption. Dans certains cas, la formation de ces molécules à l’état gazeux peut être catalysée par le bombardement ionique en réduisant l’énergie d’activation des réactions chimiques. [26, p. 179], [44], [48]

3. Désorption

À l’inverse de l’adsorption, la désorption est le retrait d’une substance à la surface : le produit de gravure volatil, c’est-à-dire la molécule formée à partir des radicaux et des atomes surfaciques, se déloge de la surface et diffuse. Les ions peuvent faciliter, voir amorcer la désorption par collisions avec la molécule restée ou redéposée en surface. [44], [48]

Le choix de la composition chimique du gaz pour une gravure au plasma est fait en partie en fonction de la volatilité des produits de gravure [51]. Par exemple, pour la gravure de silicium, les gaz à base de fluor sont préférés étant donné la haute volatilité de la molécule SiF4 formée [43].

Voici un exemple de gravure chimique par radicaux libres : plasma SF6 – surface Si [18].

( ) ( ) ( ) (3.26)

Les indices (s), (g) correspondent respectivement aux états solide et gazeux.

Dans cet exemple, il n’est pas nécessaire que les quatre radicaux libres soient adsorbés au même atome de Si. Le produit volatil (SiF4, mais peut aussi être du SiF2 [52]) peut aussi être formé dans

le cas où deux atomes de Si voisins sont fluorés par deux radicaux libres chacun [18] :

( ) ( ) ( ) ( ) ( ) (3.27)

De surcroît, comme mentionné à la fin de la description de chaque étape d’interactions décrites précédemment pour une gravure chimique par les radicaux libres, il existe une synergie ions – radicaux qui accélère la gravure au plasma. Cette synergie a été démontrée dans l’expérience de Coburn et Winters publiée en 1979 [53] en séparant les trois natures de la gravure sèche : chimique, physico-chimique et physique. L’expérience a démontré que la synergie entre les ions et les radicaux libres dans la gravure au plasma mène à un taux de gravure 10 à 30 fois supérieur à celui d’une gravure sèche strictement chimique ou physique [18].

3.5.3.2 Interactions ions – surface

Les radicaux libres ne sont pas les seuls à pouvoir engendrer une gravure chimique : les ions de faible énergie agissent comme espèces réactives et peuvent aussi être adsorbés. À haute énergie, les ions pulvérisent le matériau et provoquent plutôt une gravure de nature physique.

Le caractère physique (ou mécanique) de la gravure plasma est explicitement gouverné par les ions qui interagissent avec la surface d’un matériau et qui brisent de façon purement mécanique les liaisons atomiques. Toutefois, les ions peuvent aussi contribuer chimiquement à la gravure, soit par catalyse des réactions entre les radicaux libres et la surface (section précédente : 3.5.3.1) ou par adsorption à la surface. La nature de l’interaction entre les ions et la matière dépend de l’énergie cinétique des ions (énergie de bombardement; voir Figure 3.13) [54].

Figure 3.13 : Interactions ions – surface pour différents intervalles d’énergie des ions. 1. Ions de faible énergie ( )

À la surface d’un matériau, les ions agissent comme des espèces réactives, de façon similaire à des radicaux libres, et peuvent participer à la gravure chimique. Le principe de gravure répond alors aux mêmes lois qu’énoncées à la section 3.5.3.1.

2. Ions d’énergie élevée ( )

Une énergie suffisante permet aux ions de briser les liaisons atomiques à la surface et de provoquer la gravure physique. Comparativement à la gravure chimique, la gravure physique est généralement très peu sélective et plus lente [44].

3. Ions d’énergie très élevée ( )

Dans le cas d’ions d’énergie trop élevée, la surface devient « invisible » au sens où ceux-ci passent au travers et se logent dans les interstices du matériau. L’utilisation d’ions très énergétiques est d’ailleurs une approche utilisée pour le dopage de matériaux par implantation ionique.

𝑬 𝟏𝟎 𝒆𝑽

𝟏𝟎 𝒆𝑽 𝑬 𝟏𝟎𝟎𝟎 𝒆𝑽

À haute pression, la nature de la gravure par plasma est davantage chimique que physique à cause de l’énergie des ions qui est réduite par les collisions. Par contre, à basse pression ou sous l’influence d’une source d’excitation électromagnétique suffisamment puissante, les ions ont une énergie plus élevée. On parle dans ce dernier cas de gravure ionique réactive (RIE, section 3.5.4), dont une des variantes est la gravure ionique réactive profonde (DRIE, section 3.5.4).