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Les graphes conceptuels sont introduits par J. Sowa (1984) et appartiennent à la famille des réseaux sémantiques. Ces réseaux modélisent les connaissances sous forme de graphes orientés et étiquetés (ou, plus précisément, de multi-graphes, car rien n’exclut que deux nœuds du graphe soient reliés par plusieurs arcs), dans lesquels les nœuds sont associés à des concepts et les arêtes à des relations. Le système de représentation proposé par J. Sowa allie une certaine souplesse, par laquelle il se rapproche de l’efficacité descriptive du langage naturel, et de la rigueur, grâce à laquelle il est possible de mettre en œuvre des procédures inférentielles.

« Conceptual graphs (CGs) are a system of logic based on the existential graphs of Charles Sanders Peirce and the semantic networks of artificial intelligence. They express meaning in a form that is logically precise, humanly readable, and compu- tationally tractable. [ . . . ] conceptual graphs serve as an intermediate language for translating computer-oriented formalisms to and from natural languages. With their graphic representation, they serve as a readable, but formal design and specification language31» (J. Sowa32).

Comme nous le verrons dans le chapitre 5, section 1, à propos de notre application, le modèle des graphes conceptuels se prête bien à des présentations graphiques des connaissances. La brève présentation que nous faisons ici est inspirée du livre de D. Kayser (1997) qui s’inspire lui-même de l’exposé très complet de M. Chein et M.-L. Mugnier (1992).

Le modèle des graphes conceptuels se décompose en deux parties :

1. Une partie terminologique dédiée au vocabulaire conceptuel des connaissances à représen- ter, c’est-à-dire les types de concepts, les types de relations et les instances des types de concepts. Il faut noter que le terme concept est utilisé dans ce formalisme pour désigner

30« Dans une approche orientée "logique", le langage de représentation est souvent une variante de la logique du

premier ordre et raisonner revient à contrôler la conséquence logique. Dans les approches non-logiques, souvent fondées sur l’utilisation d’interfaces graphiques, les connaissances sont représentées au moyen de structures ad hoc et le raisonnement se fait par des processus également ad hoc manipulant ces structures. »

31« Les graphes conceptuels (CGs) forment un système logique fondé sur les graphes existentiels de Charles

Sanders Peirce et sur les réseaux sémantiques de l’intelligence artificielle. Ils expriment le sens sous une forme précise d’un point de vue logique, lisible par un humain et manipulable par une machine. [ . . . ] les graphes concep- tuels servent de langage intermédiaire pour traduire des formalismes liés à l’utilisation d’un système informatique d’après les langues naturelles. Avec leur représentation graphique, ils servent de langage de modélisation et de spécification à la fois lisible et formel. »

les instances des types de concepts, qui correspondent à la notion classique de concept. Cette partie concernant la terminologie correspond à la représentation du modèle concep- tuel mais intègre également des connaissances sur la hiérarchisation des types de concepts et de relations.

Le niveau terminologique du modèle comprend trois ensembles disjoints : l’ensemble des types de concepts (noté Tc), l’ensemble des types de relations (noté Tr) et l’ensemble des

marqueurs individuels (noté M).

– Un type de concepts rassemble les caractéristiques communes à plusieurs concepts. Les concepts sont des instances de leur type de concepts. Par exemple, ce qui peut être vu comme le concept « Patient » dans une ontologie sera représenté par un type de concepts « Patient » dans le modèle des graphes conceptuels, et la patiente désignée sous le nom de Madame X sera une instance du type de concepts « Patient ». Une re- lation de spécialisation peut être définie sur l’ensemble des types de concepts. Ainsi, le type de concepts « Prélèvement » peut être vu comme un sous-type du concept « Inves- tigationBiologique ». Il existe donc une hiérarchie Tc de types de concepts représentée

par une relation de spécificité organisée en treillis33.

– Les types de relations représentent les relations qui peuvent exister entre les différents concepts, c’est pourquoi à chaque type de relations est associé une signature qui spécifie les types de concepts définis dans l’ensemble des types de concepts existants. Formel- lement, il faut définir, pour chaque type de relations, la signature qui lui est associée, c’est-à-dire le n-uplet des types de concepts les plus généraux pouvant être liés par ce type de relations. L’arité de la signature est également l’arité du type de relations. Par exemple, le type de relations « diagnostiquer » est d’arité 2 et sa signature est (Per- sonnelMedical ;Pathologie). Les types de relations sont également hiérarchisés par une relation de spécialisation.

– L’ensemble des marqueurs individuels permet d’identifier les concepts, c’est-à-dire les instances des types de concepts. Par exemple, la patiente Martine Dupont sera identifiée par le marqueur « Martine Dupont » associé au type de concepts « Patient ». Chaque marqueur est associé au type le plus spécifique de l’instance qu’il désigne.

Ces trois ensembles constituent ce qu’on appelle le support qui va régir l’ensemble des graphes conceptuels portant sur un même domaine de la connaissance. Un support se défi- nit ainsi : S = (Tc; Tr; M), les 3 ensembles Tc, Tr et M étant disjoints et les ensembles Tc

et Trétant partiellement ordonnés. Chaque nœud de relation est étiqueté par un élément de

l’ensemble Tr. Chaque nœud de concept reçoit donc un double étiquetage : un élément de

l’ensemble Tcet un marqueur pris dans l’ensemble M.

2. Une partie assertionnelle dédiée à la représentation des assertions du domaine de connais- sances étudié. Les faits, représentés au niveau assertionnel, utilisent le vocabulaire décrit par le support S et sont présentés sous la forme de graphes particuliers : les graphes concep- tuels.

33Un treillis est défini comme étant le graphe d’une relation R sur un ensemble T, telle que pour toute paire t0

et t00 d’éléments de T, il existe deux éléments de T notés respectivement t0∧ t00et t0∨ t00, tels que (t0∧ t00)Rt0,

3 – Formalismes pour la représentation des connaissances 51

Un graphe conceptuel est défini comme étant un multi-graphe fini, non-orienté et biparti34,

composé de sommets « concepts » et « relations ».

– Chaque sommet concept est composé d’un type de concepts et d’un marqueur individuel. Un nouveau marqueur, le marqueur générique35 (noté?) est ajouté à l’ensemble des mar-

queurs M.

– Chaque sommet relation a un type de relations. Un graphe conceptuel est forcément défini sur un support S donné et les arêtes du graphe ne peuvent relier qu’un sommet concept à un sommet relation.

La figure 3.9 exprime la phrase « La patiente Martine Dupont est atteinte de diabète et elle est soignée par un médecin de l’hôpital. » dans le formalisme des graphes conceptuels. Par convention, les rectangles symbolisent les concepts et les ovoïdes, les relations. Les chiffres indiqués sur la figure représentent l’arité de la relation.

FIG. 3.9 – Exemple de graphe conceptuel.

Le processus de raisonnement lié aux graphes conceptuels s’appelle la projection36. Il s’agit d’une opération qui permet de déterminer si un graphe est plus spécialisé ou plus général qu’un autre. M. Chein et M.-L. Mugnier (1992) démontrent qu’il existe une projection d’un graphe conceptuel G dans un graphe conceptuel H si et seulement si H est une spécialisation de G tel que (H ≤ G). La figure 3.10 représente un exemple simplifié de cette opération de projection.

34Un graphe biparti a ses sommets répartis en deux groupes et chacune de ses arêtes lie un sommet de chacun

des deux groupes. J. Sowa propose un certain nombre d’exemples de graphes conceptuels à l’adresse web suivante : http://www.jfsowa.com/cg/cgexampw.htm.

35Le marqueur est dit générique lorsqu’on connaît son type mais pas son identifiant. Par exemple, le sommet

concept « Hôpital :?» dans la figure 3.9.

FIG. 3.10 – Exemple de projection du graphe conceptuel G dans le graphe conceptuel H, (H ≤ G).

J. Sowa définit un opérateur, noté φ, qui transforme chaque élément du formalisme des graphes conceptuels en un élément équivalent de la logique des prédicats du premier ordre. Nous ne détaillerons pas ici ce processus. Simplement, tout graphe conceptuel bien formé G peut être transformé en une formule bien formée φ (G) appartenant à la logique des prédicats par l’appli- cation de règles. Par exemple, le graphe de la figure 3.9 est équivalent à la formule suivante : ∃x∃y∃z(Patient(MartineDupont) ∧ Diabete(x) ∧ Medecin(y) ∧ Hopital(z)∧

estAtteintDe(MartineDupont, x) ∧ estSoignePar(MartineDupont, y) ∧ localiseDans(y, z)). La correspondance entre les opérations de généralisation sur les graphes conceptuels et l’in- férence logique montre qu’étant donné deux graphes G et H, si G ≤ H, alors φ (S), φ (G) ` φ (H). En outre, si G et H sont deux graphes conceptuels bien formés et sous forme normale, c’est-à- dire que deux sommets concepts n’ont jamais le même marqueur individuel, et si φ (S), φ (G) ` φ (H), alors G ≤ H. Ainsi, le formalisme des graphes conceptuels est doté d’une sémantique lo- gique complète. Il est également doté d’une sémantique ensembliste détaillée par M.-L. Mugnier et M. Chein (1996)

D. Kayser (1997) reprend une critique courante de la représentation des connaissances à l’aide de graphes. Les graphes conceptuels n’expliquent pas avec assez de précision ce que re- présentent véritablement leurs nœuds et leurs arcs. Il paraît facile, en effet, de tracer quelques ronds et rectangles reliés et d’affirmer que cela représente les connaissances d’un certain do- maine. Dans les cas simples, la signification de ces figures semble claire et l’on peut en donner une traduction logique. Mais, ce à quoi l’on parvient ainsi est, d’après D. Kayser, relativement rudimentaire. À partir de ces considérations, il est tentant d’introduire des connaissances plus précises et raffinées, en ajoutant de nouvelles conventions d’expression. Cependant, il paraît évident que les procédures inférentielles se complexifient à mesure qu’on augmente le niveau d’expressivité des représentations. De plus, il faut également gérer les problèmes de décidabilité

3 – Formalismes pour la représentation des connaissances 53

et de temps de calcul qui peuvent rapidement devenir prohibitifs.