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utilisation impropre

4.4 Utilisation impropre

4.4.4 Grands employeurs

Les grands employeurs peuvent obtenir une dispense pour leur premier engagement grâce à la poursuite d’un droit antérieur (voir point 4.4.2) ou à une croissance rapide. Dans ce cas également, l’aide financière n’est plus en rapport avec les objectifs de la mesure.

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Au cours de la période 2016-2019/3, la dispense illimitée pour un premier travailleur a été appliquée 760 fois par une entreprise qui employait 50 ETP ou plus au cours de ce trimestre53, ce qui a débouché sur des réductions de 2,5 millions d’euros.

4.5 Conclusion partielle

Il est très difficile pour l’ONSS de contrôler le respect des conditions de la réduction groupe cible pour premiers engagements et cela lui demande beaucoup de travail. L'Office y affecte 56 ETP, qui représentent un coût annuel de plus de 8,1 millions d’euros. En raison de la complexité de la réglementation, la procédure de contrôle est assez compliquée, de sorte que de nombreux cas doivent être contrôlés manuellement. En outre, l’ONSS est assez souvent confronté à des contestations devant les tribunaux. Ces affaires ont généralement une issue positive pour l’ONSS. Néanmoins, le nombre de procès intentés contre l'Office est relativement élevé, car l’existence d’une même UTE est difficile à démontrer, ce qui entraîne probablement un sentiment d’insécurité juridique auprès des employeurs.

Les contrôles manuels de l’ONSS ne couvrent pas suffisamment les risques. Premièrement, l’ONSS ne peut pas contrôler l’ensemble des réductions en raison de leur nombre élevé et du volume de travail que requièrent ces contrôles. Deuxièmement, les contrôles sont assez faciles à contourner et l’ONSS peut difficilement agir contre certaines formes d’utilisation impropre.

Ainsi, la réduction groupe cible pour le premier engagement, conçue pour stimuler financièrement les nouveaux employeurs et promouvoir l’emploi, est utilisée pour subventionner des salaires parfois très élevés ou encore de grandes entreprises. Elle peut même parfois être appliquée en respectant la réglementation à la lettre, même si aucun emploi supplémentaire n’est réellement créé. En pareils cas, la mesure n’est pas adaptée à son objectif.

L’utilisation impropre peut aussi consister à déplacer de l’emploi existant vers une nouvelle entreprise afin de pouvoir prétendre aux réductions et ainsi d'éluder les cotisations sociales. Il n’est pas exclu que l’amélioration de la viabilité des entreprises constatée au chapitre 2 s’explique en partie par ce phénomène : des entreprises existantes rentables sont converties en un nouvel employeur, ce qui augmente artificiellement le taux de survie et la croissance de l’emploi.

53 D’après la définition européenne, une entreprise est petite lorsque (entre autres) le nombre d’ETP est inférieur  à 50. 

Chapitre 5

Conclusions et

recommandations

5.1 Conclusions

Afin d’améliorer la compétitivité des PME et de favoriser la création d’emplois au sein de ces dernières, le gouvernement a instauré une dispense illimitée des cotisations patronales pour le premier travailleur en 2016. Les employeurs qui engagent un premier travailleur au cours de la période 2016-2020 obtiennent ainsi une dispense totale des cotisations sociales pour une durée illimitée. L’arrêté royal ayant introduit cette dispense illimitée est venu à échéance fin 2020.

La Cour des comptes a examiné l’évolution de l’emploi et de la viabilité des entreprises depuis l’introduction de la dispense illimitée, l’évolution du coût de la mesure et la capacité de l’ONSS à détecter et à combattre le recours irrégulier et impropre à la réduction groupe cible pour premiers engagements.

La Cour estime qu’il est difficile d’apprécier l’effet direct de cette mesure sur l’emploi.

Depuis son introduction, peu d’employeurs supplémentaires, voire aucun n’a procédé à un premier engagement en comparaison de l’évolution relevée avant l’introduction de la mesure. Le nombre d’employeurs qui appliquent la réduction pour le premier engagement et le volume de travail qui en résulte n’augmentent pas plus rapidement que dans le cadre des réductions forfaitaires accordées pour l’engagement du deuxième au sixième travailleur.

Certains éléments indiquent toutefois que la viabilité des employeurs s’est améliorée.

Depuis l’introduction de la dispense totale, davantage d’employeurs demeurent actifs et l’emploi augmente légèrement plus vite auprès des employeurs qui appliquent la mesure.

Il n’est pas exclu que l’amélioration de la viabilité soit due en partie à un glissement de l’emploi existant vers de nouvelles entreprises. Par ailleurs, la viabilité et l’évolution de l’emploi peuvent aussi être influencées par l’effet d’autres mesures, comme le tax shift, ou par la conjoncture économique.

Le gouvernement a sous-estimé le coût des réductions groupe cible. Le coût supplémentaire engendré par l’ensemble des réductions groupe cible pour premiers engagements au cours de la période 2016-2020 avait été estimé à 509 millions d’euros, mais atteint en réalité probablement plus d’un milliard d’euros. L’introduction de la dispense illimitée semble peu efficiente en termes de coûts : bien que le coût (cotisations sociales réduites) ait fortement augmenté, le volume de travail n’a pas augmenté dans la même proportion. Le coût par ETP en 2018 dépasse ainsi déjà celui de 2015 de 68,6 %. Des indications montrent que le coût plus élevé peut s’expliquer par le fait que la dispense est de plus en plus souvent appliquée à des salaires plus élevés.

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Le coût par ETP des réductions forfaitaires pour l’engagement du deuxième au sixième travailleur augmente beaucoup moins vite que celui lié à la dispense pour le premier engagement. Vu que l’augmentation du coût est limitée dans le cadre d’un système de réductions forfaitaires, celles-ci sont plus efficientes que la dispense illimitée pour stimuler l’emploi. Si l’on réintroduisait la dispense forfaitaire d’avant 2016, l’ONSS estime que la mesure premiers engagements coûterait 2,8 milliards d’euros au cours de la période 2021-2024. Il estimait initialement le coût supplémentaire de la prolongation de la dispense illimitée pour la même période à 1,2 milliard d’euros (donc 4 milliards d’euros au total).

La réglementation complexe, qui donne parfois lieu à des incohérences lors de son application, rend le contrôle de l’ONSS très laborieux et contraint ce dernier à effectuer de nombreux contrôles manuellement. Ainsi, 56 ETP et 8,1 millions d’euros sont consacrés aux contrôles chaque année. Les contrôles ne couvrent pas suffisamment les risques. En raison du nombre élevé de réductions à contrôler, l’ONSS ne peut pas toutes les vérifier, ni contrôler tous les indices éventuels d’utilisation impropre. La Cour des comptes a constaté des indices d'utilisation irrégulière (employeurs qui demandent trop souvent un code de réduction particulier ou qui appliquent la réduction sans y avoir droit, etc.). Les employeurs contestent régulièrement devant le tribunal le résultat des contrôles et les annulations par l’ONSS.

En outre, les contrôles sont assez faciles à contourner et l’ONSS ne peut pas toujours agir contre certaines formes d’utilisation impropre, à savoir les utilisations conformes aux conditions, mais qui ne sont pas ou pas tout à fait en rapport avec les objectifs de la mesure (pas de véritables emplois supplémentaires, application systématique à des salaires élevés, employeurs qui cumulent de nombreuses réductions élevées, grands employeurs (autres que des PME) qui peuvent bénéficier de la mesure).

5.2 Recommandations

Le gouvernement a annoncé la prolongation, après 2020, de la dispense illimitée de cotisations patronales pour le premier travailleur, mais aussi que le système des réductions groupe cible sera évalué en 2021. Lors de l’évaluation, il pourrait être envisagé de convertir cette dispense illimitée pour les nouveaux travailleurs en un montant forfaitaire. En limitant la réduction en termes de montant et de durée, le risque d’utilisation impropre sera considérablement réduit et le mécanisme de la mesure sera conservé. En outre, le coût sera alors plus facilement maîtrisable.

Les employeurs qui ont obtenu la dispense illimitée au cours de la période 2016-2020 conserveront ce droit après 2020, quel que soit le nouveau système appliqué à partir de 2021.

La Cour recommande d’évaluer si ces dispenses illimitées doivent également être limitées, par exemple en imposant un plafond pour les salaires. Vu que cette dispense continue de s’appliquer indéfiniment, les montants peuvent devenir élevés, surtout si les salaires auprès d’un employeur et les réductions qui s’y appliquent progressent à la suite d’une croissance des activités et de l’emploi. Ainsi, des subventions salariales peuvent être accordées pour des salaires élevés auprès de grands employeurs, ce qui n’est pas en rapport avec l’objectif de la mesure.

La Cour des comptes recommande, en outre, d’adapter la réglementation de manière à entraver le contournement de la condition relative à l’emploi supplémentaire.

Enfin, le gouvernement peut aussi examiner, en cas de modification de la réglementation, si les critères de détermination d’une UTE peuvent être définis de manière plus claire.

Si la priorité est accordée à l’interdépendance sociale, comme c’est le cas dans une autre définition légale de l’UTE, cette interdépendance est plus facile à constater pour l’ONSS et à démontrer de manière univoque. En outre, cela augmenterait le sentiment de sécurité juridique auprès des employeurs. Le mode de calcul de l’emploi supplémentaire dans le cas d’une même UTE pourrait également être harmonisé avec celui de l’emploi supplémentaire auprès de l’employeur qui introduit une première demande.

L’ONSS doit affiner ses contrôles des réductions pour premiers engagements à l’aide d’analyses de risques et du datamining. Les indices d’utilisation impropre lors de certaines applications de la mesure que la Cour a transmis à l’ONSS à partir de sa propre analyse de données pourraient servir de points de repère à cet effet. L’ONSS a déjà fait savoir entre-temps qu’il continuerait à adapter sa stratégie de contrôle sur cette base.

Dans leurs réponses, le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique et le ministre des Classes moyennes, des Indépendants, des PME et de l’Agriculture, des Réformes institutionnelles et du Renouveau démocratique indiquent que les résultats de l’audit seront exploités dans le cadre de l’évaluation des réductions groupe cible prévue en 2021.

Annexe 1

Lettre du ministre des Affaires sociales et de la Santé publique

Annexe 2

Lettre du ministre des Classes moyennes, des Indépendants, des PME et de l’Agriculture

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dépôt légal D/2021/1128/05 prépresse et impression

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Cour des comptes Premiers engagements - Réduction groupe cible pour les cotisations patronales à l’ONSSjanvier 2021

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