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Depuis quelques années, le secteur privé a une place grandissante dans les musées. En effet, ce secteur économique a pris une place nouvelle au sein de l’institution muséale et ce dans de nombreux domaines, notamment ceux ayant trait à des questions économiques. Le secteur privé agit ainsi comme un mécène au secours de la culture. Toutefois, cette insertion grandissante de ce secteur tend à modifier la configuration de l’institution et risque, à terme, de transformer l’établissement muséal sans but lucratif au service de la société, en un établissement privé dont le but risque d’être de faire des profits.

a. Le secteur privé et le musée

En effet, le secteur privé tend à investir les lieux de la culture de multiples manières et le musée ne fait pas exception. Ainsi, la philanthropie privée s’est progressivement développée sous la forme de dons266. Ces dons, souvent de nature financière, permettent l’achat d’une œuvre d’art, de financer une restauration ou encore de subvenir aux besoins du musée267. D’autres dons peuvent également être la donation d’une œuvre soit sous la forme de legs, soit sous la forme de dation268.

Mais cet évergétisme des grandes puissances n’est pas sans contre-parti. En effet, les grandes entreprises ou les grandes fortunes, en pratiquant le don aux institutions culturelles s’engagent dans une démarche de don/contre-don selon la théorie de

266 TOBELEM, Jean-Michel. La gestion des institutions culturelles: musées, patr imoine, centres d’art.

Malakoff : Armand Colin, 2017. ISBN 978-2-200-61683-0. pp. 67 – 68

267 On peut citer le cas du musée d’art de Philadelphie qui a reçu en septembre 2001 un don de 20 millions

de dollars de Walter H. et Leonore Annenberg pour trois objectifs distincts : l’acquisition d’œuvres, les expositions et le catalogues, et enfin la numérisation des collections et leur diffusion sur Internet . TOBELEM, Jean-Michel. La gestion des institutions culturelles: musées, patrimoine, centres d’art . Malakoff : Armand Colin, 2017. ISBN 978-2-200-61683-0. p. 71

268 Achat, don, legs, dépôt, dation - Musée des Beaux Arts de Lyon [en ligne]. [s. d.].

[Consulté le 6 juillet 2019]. Disponible à l’adresse : http://www.mba-lyon.fr/mba/sections/fr/expositions- musee/10-ans-acquisitions/achat%2C-don%2C-legs%2C-de.

GAYDON Charlène | Master 2 ARN | Mémoire de recherche | septembre 2019

Marcel Mauss269. Ainsi, ces grands donateurs peuvent espérer plusieurs retours à partir de cette démarche, tel qu’une évolution de l’image de la société, dans le cas des grandes entreprises270, ou encore un accroissement de la notoriété du donateur dans une démarche de communication sur l’individu puisqu’avec ce don, celui-ci se retrouve associé à l’image du musée et le don est mentionné dans la presse271.

Toutefois cette mise en avant de la personne ou de la société n’est pas forcément le but recherché par le donateur qui peut préférer l’anonymat.

Mais ces dons ne sont pas que l’œuvre de personnes possédant un capital financier important. En effet, des particuliers aux revenus plus modestes peuvent également participer à cette démarche de financement de la culture sous forme de dons ou en participant, par exemple, à des campagnes de souscriptions publiques pour l’achat d’une œuvre telle que cela fut le cas pour l’achat, par le Musée des Beaux-Arts de Lyon, de L’Arétin et l’envoyé de Charles-Quint de Jean Auguste Dominique Ingres en 2013272.

b. Les risques de l’apparition du secteur privé dans l’espace muséale

Cette apparition du secteur privé dans l’environnement du musée a quelque peu transformé le musée qui doit désormais veiller à attirer ce nouveau public de mécènes afin de pouvoir continuer certaines de ses actions. Toutefois, cela pose des questions déontologiques pertinentes avec l’arrivée de ces puissances dans l’espace muséale. En effet, le musée, en cherchant à attirer ces financements et en les acceptants ne se placet-il pas dans un conflit d’intérêts en privilégiant la recherche de ses financements à leurs missions273 ? Cette question peut notamment se poser à la vue de certaines expositions présentées par des musées au moment de la réception de dons conséquents. Ainsi, on peut citer l’exemple du Guggenheim New-York qui a organisé en 2000 une exposition sur Giorgio Armani au même moment que l’arrivée d’un don de 5 millions de dollars de l’entreprise italienne274. Toutefois, ce

financement privé est aujourd’hui indispensable pour le musée qui voit certaines de ces ressources publiques se raréfier275. Toutefois, il faut veiller à ce que le musée conserve son indépendance scientifique et ne tombe pas dans une démarche de promotion des grandes entreprises.

Mais, à ce questionnement déontologique, s’ajoute un risque important pour le musée qu’est la privatisation de celui-ci. En effet, si le secteur privé prend une place de plus en plus importante au sein de l’institution muséale, le risque est une diminution de l’investissement du secteur public au point que celui-ci disparaisse

269 TOBELEM, Jean-Michel. La gestion des institutions culturelles: musées, patrimoine, centres d’art .

Malakoff : Armand Colin, 2017. ISBN 978-2-200-61683-0. p. 67

270 En effet, les grands groupes économiques, en pratiquant cet évergétisme espèrent une modification de

l’image de leur marque vers celui de protecteur ou de subventionnaire de la culture .

271 TOBELEM, Jean-Michel. La gestion des institutions culturelles: musées, patrimoine, centres d’art .

Malakoff : Armand Colin, 2017. ISBN 978-2-200-61683-0. p. 49

272 Achat, don, legs, dépôt, dation - Musée des Beaux Arts de Lyon [en ligne]. [s. d.].

[Consulté le 6 juillet 2019]. Disponible à l’adresse : http://www.mba-lyon.fr/mba/sections/fr/expositions- musee/10-ans-acquisitions/achat%2C-don%2C-legs%2C-de.

273 TOBELEM, Jean-Michel. La gestion des institutions culturelles: musées, patrimoine, centres d’art .

Malakoff : Armand Colin, 2017. ISBN 978-2-200-61683-0. p. 54

274 TOBELEM, Jean-Michel. La gestion des institutions culturelles: musées, patrimoine, centres d’art .

Malakoff : Armand Colin, 2017. ISBN 978-2-200-61683-0. p. 55

275 TOBELEM, Jean-Michel. La gestion des institutions culturelles: musées, patrimoine, centres d’art .

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des instances de l’institution, transformant ainsi le musée en société privée276. Cette

privatisation du musée remettrait en cause les missions du musée, notamment celle s en lien avec le domaine social277.

c. Les Géants d’Internet investissent le musée

Depuis quelques années et en parallèle à la démocratisation des nouvelles technologies et notamment celle d’Internet, de nouvelles grandes entreprises nouent des partenariats avec le musée. Ces entreprises, à l’instar de Google, Facebook et Twitter, établissent des relations avec l’intuition selon un principe simple : ils utilisent le musée pour se promouvoir et afficher une image d’agent de la culture, tandis que pour le musée, ces entreprises servent d’outil de communication à grande échelle278. A cet effet, on peut reprendre l’exemple présenté par Brigitte Juanals et Jean-Luc Minel dans leur article où ils exposent le cas d’un événement nativement numérique mis en place sur la plateforme Twitter, le Museum Week279. Cet

événement a eu lieu uniquement sur ce réseau social et il témoigne de la relation entre la société américaine et les musées. Au cours de cet événement, les musées participants sont invités à twitter sur des thèmes bien précis pendant une semaine. Ainsi, pour l’édition 2019, les musées ont twitté sur le thème des femmes dans la culture, des secrets du musée, du jeu, de la couleur, du territoire, des photos et des relations280. Le but, pour les musées, de s’associer à ces grandes sociétés d’Internet

durant ce genre d’événements est la possibilité de publicité et de médiation à grande échelle sans investir de grandes ressources. De plus, cela permet la mise en relation avec d’autres institutions de par le monde. Pour les GAFAM281, ce genre

d’événement leur offre une publicité importante et leur permet de redorer une partie de leur image en s’associant à des institutions culturelles et souvent publiques.

Mais cette mise en relation entre les GAFAM et le musée peut également s’organiser tout au long de l’année avec le développement d’applications spécifiques tel que le Google Art Project. Au sein de cette interface, Google enregistre des musées et expose certaines œuvres de leur collection. Ainsi, le Musée des Beaux - Arts de Lyon dispose d’un espace au sein de cette application où l’on retrouve des photographies de deux-cents treize œuvres des collections, ainsi que quatorze expositions en ligne et quatre visites virtuelles282. Le géant d’Internet peut ainsi

mettre en avant un ensemble de musées et de collections se trouvant sur toute la planète et ainsi étoffer son offre à ses utilisateurs tandis que, pour le musée, cette application lui permet de faire des économies, puisque c’est Google qui la développe, et lui offre une visibilité internationale et importante.

276 TOBELEM, Jean-Michel. La gestion des institutions culturelles: musées, patrimoine, centres d’art.

Malakoff : Armand Colin, 2017. ISBN 978-2-200-61683-0. p. 175

277 TOBELEM, Jean-Michel. La gestion des institutions culturelles: musées, patrimoine, centres d’art .

Malakoff : Armand Colin, 2017. ISBN 978-2-200-61683-0. p. 175

278 JUANAL, Brigitte, MINEL, Jean-Luc. Stratégies de communication et dispositif de médiation à l’ère

numérique : vers des « musées ouverts » ?, in MAIRESSE, François (dir.). Nouvelles tendances de la

muséologie. Paris : La documentation Française, 2016. ISBN 978-2-11-010308-6. p. 174

279 JUANAL, Brigitte, MINEL, Jean-Luc. Stratégies de communication et dispositif de médiation à l’ère

numérique : vers des « musées ouverts » ?, in MAIRESSE, François (dir.). Nouvelles tendances de la

muséologie. Paris : La documentation Française, 2016. ISBN 978-2-11-010308-6. pp. 174 – 186

280 Program - MuseumWeek 2019. Dans : French [en ligne]. [s. d.]. [Consulté le 6 juillet 2019]. Disponible à

l’adresse : http://museum-week.org/french/program/.

281 L’acronyme GAFAM recouvre le terme de Géants d’Internet et est constitué des initiales des cinq plus

grosses entreprises du net : Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft.

282 Google Arts & Culture [en ligne]. [s. d.]. [Consulté le 6 juillet 2019]. Disponible à l’adresse : https://artsandculture.google.com/.

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Ainsi, le secteur privé occupe une place de plus en plus importante dans le fonctionnement du musée. En effet, il permet à l’institution de subvenir à une partie de ses besoins pour lui permettre, par la suite, d’assurer le respect de ses missions. Mais cette nouvelle relation doit toutefois être contrôlée afin que le musée ne tombe pas sous le joug du secteur privé dans son organisation, voire ne devienne pas lui - même une institution privée. Toutefois, cette relation musée/secteur privé peut se dérouler dans un climat de bonne entente, à l’instar des GAFAM qui nouent de nouvelles relations avec le musée reposant sur un principe de donnant/donnant et permettant à l’institution muséale d’utiliser les ressources offertes par les nouvelles technologies et notamment par Internet.

B. Internet et web sémantique à la conquête du