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3. SIX ENJEUX CLÉS

3.4. Les relations avec les gouvernements

3.4.2. Les gouvernements à Ottawa

Passons maintenant à la reconnaissance de l’économie sociale relevant de l’État fédéral en reprenant succinctement des éléments d’un texte plus approfondi (Vaillancourt et Thériault, 2008). Pour suivre l’évolution de ce qui s’est passé du côté des gouvernements fédéraux, partons de l’évolution des gouvernements depuis 1993 :

• Jean Chrétien a été à la tête de plusieurs gouvernements majoritaires du PLC pendant 10 ans, soit de 1993 à décembre 2003 ;

• puis, à la suite du départ volontaire de Chrétien, Paul Martin a été élu chef du PLC et dirigé deux gouvernements libéraux à l’intérieur d’une courte période de 26 mois. Le premier gouvernement de Martin était majoritaire (de décembre 2003 à l’automne 2005). Le deuxième, à la suite des élections de l’automne 2005, était minoritaire et s’est terminé en janvier 2006 ; • de janvier 2006 à octobre 2008, Stephen Harper dirige un gouvernement minoritaire du PCC51 ; • les élections du 14 octobre 2008 marquent le début d’une nouvelle période.

Quelles ont été les politiques de ces divers gouvernements fédéraux au sujet de la reconnaissance de l’économie sociale ?

1. Pendant les 10 années des gouvernements majoritaires du PLC dirigés par Jean Chrétien (de 1993 à 2003), le concept d’économie sociale n’était pas utilisé dans le discours et les politiques publiques. Cela ne veut pas dire qu’il n’y avait pas, en continuité avec des initiatives prises sous les gouvernements antérieurs, des politiques et des mesures pour reconnaître certaines composantes spécifiques de l’économie sociale, notamment les coopératives et les 51

Les deux gouvernements minoritaires qui se sont succédé au fédéral, soit le deuxième gouvernement libéral de Martin et le gouvernement conservateur de Harper ont signifié, dans une certaine mesure, une participation complexe au pouvoir d’un total de cinq partis politiques. Cela inclut le NPD, le Bloc québécois et les Verts, en plus du PLC et du PCC.

associations anciennes et nouvelles (comme les organismes de charité et le développement économique communautaire [DEC]). En 1999, le gouvernement de Chrétien a lancé le Voluntary Sector Initiatives (VSI). Il y consacre un budget de 94 millions de dollars pour une période de cinq ans (1999 à 2004). Le VSI visait la reconnaissance de la composante associative de l’économie sociale, notamment le volet non marchand des associations. Mais sur le plan du discours du VSI, le lien avec l’économie sociale n’était pas fait, comme c’est souvent le cas dans la « US Legacy » du tiers secteur ou du Non-Profit Sector (Evers et Laville, 2004 ; Vaillancourt 2006)52.

2. Pendant les 26 mois des deux gouvernements de Martin, l’économie sociale occupe une place importante dans le discours officiel et dans les engagements budgétaires. Deux initiatives de politiques publiques ont eu des implications concrètes pour l’essor de l’économie sociale. En premier lieu, il y a le programme du Early Learning and Child Care (ELCC) qui est annoncé en 2004 et lancé dans le budget de février 2005. Le gouvernement y engage cinq milliards de dollars en cinq ans. Il s’agit d’un programme de partage de coûts qui veut respecter les compétences des provinces tout en spécifiant que la source d’inspiration est le modèle québécois des CPE qui confère une place privilégiée à l’économie sociale. En deuxième lieu, il y a le programme annoncé dans le budget de 2004 pour soutenir spécifiquement l’économie sociale pendant cinq ans. Budget consacré: 132 millions de dollars. Dans cette enveloppe, il y a des mesures pour soutenir des initiatives d’économie sociale dans diverses régions du Canada. Il y a aussi un volet de 15 millions de dollars pour soutenir la recherche en partenariat sur l’économie sociale au Canada. Cette enveloppe dédiée à la recherche sera transférée pour des fins de gestion au Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) (Vaillancourt et Thériault, 2008).

3. Le nouveau gouvernement conservateur de Stephen Harper, arrivé au pouvoir en janvier 2006, n’utilise pas le concept d’économie sociale dans son vocabulaire ni dans ses politiques publiques. Il ne se sent pas lié par les engagements du gouvernement Martin. C’est ainsi qu’il a résilié les engagements pris avec les provinces qui avaient signé une entente dans le cadre du programme Early Learning and Child Care (ELCC) sur les garderies, sauf pour ce qui concerne les deux premières années. En ce qui a trait au programme spécifique de cinq ans sur l’économie sociale, le gouvernement Harper a fait marche arrière. Toutefois, la partie de 15 millions de dollars pour la recherche partenariale a été sauvée, dans la mesure où l’enveloppe budgétaire a été transférée au CRSH. Pour le reste, les sommes prévues pour des projets de développement en économie sociale dans diverses régions du Canada sont retenues, à l’exception d’une somme prévue pour la Fiducie du Chantier de l’économie sociale au Québec (Mendell et Rouzier, 2006)53.

Comment expliquer cette évolution en dents de scie du côté de l’État fédéral ? Voici quelques pistes.

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En conséquence, le VSI a été vu subjectivement, de l’intérieur comme de l’extérieur, comme n’ayant pas de lien avec l’économie sociale. Pourtant, objectivement, elle en avait. Certains ont commencé à le comprendre après son démantèlement en 2004.

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Les ententes initiales entre le Chantier de l’économie sociale et le gouvernement fédéral prévoyaient, au départ, sous le gouvernement Martin, une contribution financière de 28,5 millions de dollars de Développement économique Canada. Par la suite, sous le gouvernement Harper, la participation fédérale a été maintenue, mais ramenée à 22,8 millions de dollars. (Voir l’encadré 3; Chantier de l’économie sociale, 2006a; 2006b; K. Lévesque, 2006).