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Si Gottfried Tritten est gratifié du titre de «Maître», c’est parce qu’il maîtrise son pinceau en expert, parce qu'il connaît parfaitem ent les règles de son art et peut les ensei­ gner comme il les a apprises. Mais Gottfried Tritten sait égale­ m ent renoncer à l’excessive habi­ leté, à la virtuosité pour retrouver la liberté, inventer d ’autres préceptes afin que l’oeuvre suscite un nou­ veau regard: non plus celui du connaisseur qui vérifie si les conventions instituées ont bien été

appliquées, mais le regard neuf de celui qui n 'a plus de repères et doit réapprendre à voir. L'œuvre chez Tritten devient ainsi son propre

m ode d ’emploi, com m e elle

devient son propre code de procé­ dure.

La diversité des «matériaux» utilisés par l'artiste est saisissante, elle tra­ duit un véritable choix esthétique et intellectuel. Des écrits de philo­ sophes, de poètes, des notes de voyages, de travail, des fragments de papiers découpés, des repro­

ductions d ’oeuvres de maîtres, des photos, les titres des tableaux voisi­ nent avec la m atière picturale à l’intérieur d ’une m êm e com posi­ tion. La disposition plastique joue sur la rencontre de plusieurs plans : celui descriptif des épures géom é­ triques et celui suggestif et mental des mots et de l’image, cela en m ettant en avant les nuances du bleu, du vert, du rouge ou du noir et une impulsion du geste qui donne aux visions une exception­ nelle tension.

L’unité dans la combinaison du tableau paraît aussi être un des principaux objectifs de Tritten qui souvent additionne ou soustrait les parties modulables des com posi­ tions, toujours en préservant l’inté­ grité de l’ensemble organisé de signes. Les éléments interchan­ geables invitent la main de l’obser­ vateur à la création, les possibilités de lecture de l'œuvre sont démulti­ pliées, de précieuses parcelles de ce qui se dérobe sont ainsi cernées. La voix que Gottfried Tritten

écoute et traduit est, avant tout, celle de la nature. Contrairem ent au com m un des mortels qui ne fait que regarder les étoiles, l’artiste prête l'oreille à leur silence pour pénétrer leur secret. Il s ’agit pour lui d ’explorer les correspondances afin d ’accéder à l’harm onie cachée de l’univers. La m ontagne, faisceau d ’énergies convergentes, est un des symboles de sa recherche. Révélation d ’une intériorisation née d ’une préoccupation de per­ fection et de liberté, elle a perdu

petit à petit son apparence. A la pyramide magique a succédé le T de Tao; la méditation esthétique de

Tritten dépasse désormais le

dom aine de la peinture pour atteindre celui des réflexions uni­ verselles. Son message est celui d ’une pensée soucieuse de retrou­ ver le secret d ’une réconciliation entre l’hom m e, la nature et le cos­ mos.

J ean -M arc M alb ois

A la Fondation Louis-Moret et au M anoir de Martigny du 2 5 juin au 11 septem bre 1994.

Un canal oublié de m a n iè re su r p re n a n te p a r la m anie du p ro p re en o rd r e est un lieu de re n c o n tre s privilégié en to u te saison. Au p rin tem p s naissant, les roseaux de la berge n 'o n t pas en c o re rep iq u é et passent p o u r des a tta rd é s face aux plantes aq u a tiq u e s qui tapissent de verte m o u v a n c e l'o n d e paisible et som bre.

Furtivem ent, u n e o m b re grise sort du c o u v ert p ro te c te u r et a v a n c e av ec mille p ré c a u tio n s sur la berge. En q u ê te de p ro v en d e, le râle d 'e a u jo u e à cache- c a c h e av ec la végétation riveraine. Son long bec é c a rla te so n d e la vase à la re c h e rc h e de vers ou d e larves d'insectes. Il a r p e n te les lieux, l'œ il rouge attentif, et la q u e u e , aux sous- c audales b lanches bien visibles, relevée p resq u e à la verticale. A la m o in d re alerte, l'oiseau rejoint l'abri le plus p ro c h e av ec u n e ra re célérité, en h o c h a n t n e rv e u se m e n t de la q u e u e. Le c alm e revenu, le petit échassier rep re n d son activité prandia le et laisse ad m ire r ses flancs gris ardoisé striés de blanc. Le plum age bru n m o u c h e té sur le dos ainsi q u e la longueur de son b e c inquisiteur différencient aisém e n t cet oiseau de la poule d 'e a u , u n e p ro c h e c ousine qui évolue et niche sur le m ê m e canal. C e p e n d a n t, le râle d 'e a u ne se rep ro d u it pas ici. Il lui faut de grands étangs e n to u ré s de roseiières im pén étrab les p o u r bâtir son nid et élever ses jeunes. C'est u n iq u e m e n t sur les sites de nidification qu'il laisse éc la te r son cri p e rç a n t qui ressem ble au c o u in e m e n t d 'u n g oret effarouché. Celui-ci retentit souvent la nuit lorsque l'activité des râles au g m e n te . Les sujets surpris au bo rd des can au x ou dans des prairies inondées sont g é n é ra le m e n t des individus erra tiq u e s qui v iennent du n o rd de l'Europe. Cet oiseau est en fait un m ig rateu r partiel, facilem ent identifiable en vol à ses ailes c o u rte s et a rro n d ie s et à ses p attes pen d a n tes. Le râle d 'e a u m âle im m ortalisé sur c e tte p h o to g ra p h ie n'est pas le seul à

b é néficier de l'aspect e n g ag ean t d 'u n tel canal. Le m artin -p ê c h e u r, la

b e rg e ro n n e tte , le pipit et bien d 'a u tre s a n im e n t c e coin idyllique, vivant plaidoyer p o u r plus de n a tu r e dans n o tre plaine p olicée et civilisée.

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