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SPATIALITÉS OLFACTIVES CONTEMPORAINES

1/ GIUSEPPE PENONE

Giuseppe Penone naît le 3 avril 1947 à Garessio, bourg italien aux confins du Piémont et de la Ligurie. Après des études de comptabilité, il entre aux Beaux-Arts de Turin où il choisit la sculpture. Un professeur de modelage y façonne un buste – addition et soustraction d’argile –. Pour Penone, soudain, c’est une évidence : l’essentiel n’est plus l’élaboration du visage mais l’empreinte des mains du sculpteur, ces mains en négatif, le geste et son empreinte. Une découverte qui l’inscrit bientôt dans le courant de l’Arte Povera (Art Pauvre) dont il est le plus jeune représentant. À l’instar notamment de Luciano Fabro, Jannis Kounellis, Mario Merz ou Michelangelo Pistoletto, il s’agit de se dépouiller volontairement «des acquis de la culture pour atteindre la vérité du corps et de ses perceptions premières». Le critique d’art Germano Celant remarque ses dessins et, en 1969, la première exposition de Giuseppe Penone se déroule à Turin, Galerie Sperone, haut-lieu de l’art moderne italien du 11 au 22 décembre. Dès lors, Giuseppe Penone enchaîne les expositions dans des galeries prestigieuses et les musées du monde entier et répond à des commandes publiques.

Sa connaissance parfaite des rythmes et des états de la nature, acquise dès l'enfance par l'artiste sur les terres cultivées par sa famille à Garessio, écrit l’historien de l’art Didier Semin, et jointe à un savoir paysan. Se ressaisissant du projet des avant-gardes plutôt urbaines du début du XX° siècle, mais imprégné de l'histoire de l'art comme on ne peut l'être qu'en Italie ont permis à Giuseppe Penone de produire les objets sans doute les plus singuliers et les plus captivants du monde de l'art contemporain....

Nature et art se mêlent étroitement dans ses créations, à la découverte d’une mémoire enfouie au cœur du matériau. Travailler avec des éléments ou matériaux naturels, dit Penone, signifie dialoguer avec des

éléments de la réalité qui nous entoure, tant celle d’aujourd’hui que celle de nos ancêtres dont nous partageons les mêmes émotions et sensations. Cette communion de valeurs avec le passé permet de nous identifier avec la culture, l’art et la poésie qui nous ont précédés. Cycles de l’existence, mort et renaissance. Végétal, aquatique, minéral, peau et cerveau. De quoi l’homme, dans ses diversités culturelles, est-il fait ? Comment est-il relié à l’univers ? Penone suggère des réponses, une réflexion sur la sculpture et sur ses matériaux qui passent par l’argile, la pierre, le bois, le bronze, le dessin, la gravure, et par les mots – il est aussi un extraordinaire poète à l’écoute de la pulsion du verbe.

Giuseppe Penone (1947 - )

Respirare l'ombra (Respirer l'ombre)

Centre Pompidou, Paris 1999 - 2000

Peau de feuilles

Ensemble de 2 sculptures en Bronze oxydé (Battaglia et Corti,

Le sculpteur veut engager une réflexion sur les correspondances existantes entre nature et culture. Fondamentalement «l’artiste ne crée pas», mais il «s’interroge sur les limites de l’expérience»; il détourne la matière vivante car il ne se considère pas comme un «créateur», mais comme un «révélateur». Giuseppe Penone a rejoint un mouvement émergé à la fin des années 60, fondé par un critique d’art italien, Germano Celant. L’Arte Povera prône la prévalence du geste créateur sur l’objet fini, et le lien direct qu’il peut y avoir entre les matériaux naturels: «je ne cherche pas à modeler un arbre avec des formes autres que les siennes, (…) la ‘beauté’ arrive naturellement après le geste, je ne la poursuis pas» déclare savamment Giuseppe Penone. L’artiste «insuffle l’esprit à la nature»: «je montre l’invisible qui existe» dit l’artiste. C’est l’intervention de l’artiste qui est privilégiée.

Giuseppe Penone se livre à un véritable hymne à la nature. Amoureux de sa beauté il essaie d’en pénétrer les secrets. Le poète cherche à se rapprocher au plus près des origines du monde. L’artiste convoque les cinq sens à cette exploration du monde sensible. Il donne par exemple chair à l’air, dans cette œuvre Respirare l’ombra, soit «Respirer l’ombre», est un assemblage de feuilles de lauriers, très odoriférantes, entassées dans des cubes grillagés, et qui tapissent entièrement une sorte de crypte naturelle et, sur l’un de ces cubes est accrochée une cage thoracique en bronze dont les bronches sont des assemblages de feuilles de lauriers. Il faut alors se souvenir de cette course poursuite d’Apollon amoureux de la nymphe Daphné, laquelle se volatilise et échappe au Dieu en se transformant en feuille de laurier. Présence fluide, présence qui échappe, mémoire de présence, Penone explore là l’inspiration mythologique des métamorphoses: «je voulais visualiser l’air qui nous entoure chaque fois que l’on respire» dit l’artiste. Par cette œuvre, l’artiste entend exprimer

la matérialité de ce qui est volatile. Dans une empathie infinie, il se met à l'écoute du monde physique, en restitue la charge et la présence. Il nous amène à entrer dans le champs de l'invisible, à découvrir avec nos sens, à nous interroger sur les apparentes insignifiances et les évidences. Qu'il s'agisse des "arbres", du "souffle", des "empreintes", il nous amène de l'autre côté du réel et notre conscience se modifie face à ce regard du dedans. Son travail sur la respiration évoque la notion du vide et du plein, conscience du souffle, de son espace, de sa vitalité par la matérialisation de son volume. La réalisation de cette œuvre dans une pièce, n’est pas anodine et participe à l’expérience et la lecture de cet art. L’enfermement qu’apporte la pièce à cette œuvre, permet d’en condenser son odeur, et la préserve. L’odeur du laurier embaume toute la pièce et le public se voit immerger dans une ambiance olfactive aux notes chaudes, végétales, aromatiques, faisant écho à la nature, à la vie, à l’homme qui sera matérialisé par une sculpture en bronze doré intitulée «Les poumons», fixée au mur, à l’une des cages de laurier. Les deux sculptures présentes au milieu de la pièce sont une deuxième œuvre signée Giuseppe Penone et s’intitule «Peau de feuilles». Ces deux structures en bronze oxydé participent à la compréhension de cette pièce dédiée à l’artiste au Centre Pompidou. Elles apporteront de la hauteur ainsi que du mouvement qui viendront contre balancer et dynamiser ce tapissage végétal statique.

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