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2.3 Le secteur privé et la GIEB

2.3.2 La gestion de l’eau des sites miniers, quelques exemples.

L’utilisation de l’eau est essentielle dans le processus d’exploitation minière (ICMM, 2012). Que ce soit pour permettre l’extraction du minerai (hydrométallurgie), pour l’homogénéisation du métal (pyrométallurgie) ou pour abaisser les températures, l’eau est au centre de l’exploitation minière (Ibid.). De plus, elle sert également à inonder les résidus poussiéreux, évitant ainsi la répartition de particules par le vent pouvant causer une pollution de l’air (Peres Menezes, 2004). Cependant, toute cette eau prélevée du milieu naturel peut entrer en contact avec divers éléments chimiques et une importante quantité de sédiments, puis être transportée, chauffée, etc., ce qui favorise la pollution du bassin versant dans lequel elle est rejetée.

Grâce aux discussions mondiales concernant les impacts environnementaux générés par les activités humaines, les années 1980 ont vu l’apparition de politiques environnementales un peu partout dans le monde (Peres Menezes, 2004). Ceci découle entre autres de la Conférence de Stockholm de 1972 qui abordait pour la première fois des sujets environnementaux

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pouvant être potentiellement source de conflits internationaux. On fait référence particulièrement aux pollutions de l’air et de l’eau (Ibid.). Puis, en 1992, il y eut la Conférence des Nations Unies pour l’environnement et le développement à Rio de Janeiro, qui mena à la création de l’Agenda 21. Ce dernier correspond d’une certaine manière à un guide informant chaque pays participant des démarches à suivre pour mettre en place des politiques de développement durable (Ibid.:57) Ainsi, les 178 pays présents à ce Sommet de la Terre ont instauré des politiques et des normes environnementales afin de favoriser un développement durable à l’intérieur de leurs frontières respectives. Cependant, les effets néfastes des activités humaines ne semblent pas avoir beaucoup diminués. Selon Monica Peres Menezes, qui s’intéresse à la gestion environnementale des sites miniers au Brésil et au Canada, le problème est l’absence d’un contrôle du suivi environnemental des compagnies privées, dans ce cas des entreprises minières (Ibid.), ce que confirme le rapport du Vérificateur général sur la surveillance environnementale dans les mines vu plus haut.

L’analyse que Peres Menezes (2004) a effectuée afin de comparer la gestion environnementale des secteurs miniers au Canada et au Brésil se concentre sur les aspects politiques et techniques, ceux-ci étant liés. L’une des différences remarquables entre les deux pays est que la législation environnementale pour le secteur minier est essentiellement fédérale au Brésil, alors qu’au Canada, les provinces ont davantage d’instruments légaux qui leurs sont propres (Peres Menezes, 2004). De plus, un problème que le Brésil rencontre est qu’il y a beaucoup d’exploitations artisanales, les garimpos, pour lesquelles il est plus difficile d’avoir un suivi environnemental et de faire appliquer les lois et règlements (Ibid.). Les points forts du Canada en matière de gestion environnementale des sites miniers, selon cette chercheuse, sont les investissements pour la recherche sur la caractérisation des problèmes environnementaux par rapport à l’activité minière et pour de meilleures technologies, le profil plutôt uniforme des entreprises minières au Canada et leur participation à l’application des lois, contrairement au Brésil.

Dans plusieurs autres pays, les aspects politiques et techniques ont aussi été travaillés afin de minimiser les impacts de l’activité minière sur l’environnement. Tel que mentionné plus haut, l’exploitation minière demande d’énormes quantités d’eau. Or, plusieurs mines dans le monde font face à d’importants obstacles, puisqu’elles se trouvent en milieu aride, en plus

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d’être en présence d’une démographie importante. On fait référence entre autres à la mine Minera Esperanza près de la ville d’Antofagasta dans la Sierra Gorda à proximité du désert d’Atacama, à la mine Trekkopje Uranium dans un désert en Namibie, à la mine de Cerro Verde dans la province d’Arequipa au Pérou, se situant également dans un environnement aride où la croissance de la population fait pression sur la ressource en eau, etc. (ICMM, 2012). Afin de pouvoir procéder à leurs opérations, ces entreprises minières se sont tournées principalement vers l’utilisation de l’eau salée, puisque dans ces trois exemples, les sites miniers sont relativement près de la mer. L’eau est acheminée par aqueduc jusqu’au lieu d’exploitation. En cas de non-compatibilité chimique entre le sel et les minéraux présents, ou bien pour la pérennité des installations que le sel pourrait corroder, il a fallu construire une usine de désalinisation. Dans le cas de Trekkopje Uranium Mine en Namibie, c’est la compagnie minière AREVA qui eut l’initiative, et le fournisseur national d’eau potable, NamWater, collabore pour le choix des sources et la distribution de l’eau, et utilise même cette eau pour la consommation des communautés avoisinantes (ICMM, 2012).

Les entreprises qui sont en présence d’une forte population doivent partager les sources d’eau avec celle-ci. Des consultations et des tables de concertation avec les stakeholders ont eu lieu pour tous les projets miniers faisant partie de l’étude « Water Management in mining : a selection of case studies » de l’ICMM (2012). On met effectivement l’accent sur l’importance de la participation des parties prenantes en écrivant en majuscules dans l’introduction du document : « ENGAGEMENT WITH STAKEHOLDERS IS ESSENTIAL » (Ibid.:8). Cet engagement varie en importance d’un site à l’autre. Cela va jusqu’à la participation de la société civile au comité de surveillance environnementale dans le cas de la mine de Cerro Vanguardia S.A. en Argentine, où l’entreprise AngloGold Ashanti voulait améliorer ses relations avec la communauté. Ces engagements avec les parties prenantes ont aidé à l’amélioration de la gestion des eaux pour les mines de cette étude. Par exemple, la compagnie Rio Tinto recycle l’eau utilisée pour l’usine de transformation d’Argyle Diamond Mine dans l’ouest de l’Australie depuis 2005, ayant donc réduit sa consommation d’eau de 95%. L’eau qu’elle récolte en drainant le site d’exploitation peut même être consommée comme eau potable par la population (Ibid.). Ces avancées environnementales et sociales

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(concertation et partage) sont issues d’une prise de conscience environnementale et des pressions sociales, qui ont mené à des discussions entre les parties prenantes.

En comparaison avec les exemples plus haut, les mines de notre étude dans la région de la Côte-Nord se trouvent en territoire peu peuplé dans un climat où l’eau est abondante. Ces avantages favorisent-ils une négligence dans la gestion des eaux? En expliquant la place prépondérante que prend l’industrie minière canadienne sur le marché international, Peres Menezes mentionne la période durant laquelle les ressources semblaient inépuisables et où l’on se souciait très peu des impacts environnementaux de l’exploitation :

C'est ainsi que l'industrie minière a hérité d'une image peu flatteuse, ayant laissé derrière elle plusieurs parcs à résidus miniers soumis à l'érosion éolienne et hydrique et aux processus d'oxydation conduisant à la production de drainage minier acide. À ce problème, il faut ajouter l'abandon de haldes à stériles, de fosses et autres ouvertures dangereuses, d'infrastructures mal sécurisées ainsi que de machinerie et de produits plus ou moins toxiques mal entreposés. (Peres Menezes, 2004:258).

Ainsi, la présence abondante d’eau peut être un inconvénient dans la gestion des résidus miniers, favorisant le drainage minier acide et la dispersion dans l’environnement des minerais exploités pouvant contenir des éléments toxiques, et augmenter la quantité de matières en suspension présente dans l’environnement. C’est ce que soutiennent Jacques et Poulin (2012) pour qui « le contexte géologique plus varié du Québec ajouté au climat humide rend la gestion des déchets miniers plus complexe. » (dans Crête, 2012:14).

À ce jour, le Canada est maintenant considéré comme un leader international en matière de gestion environnementale des sites miniers.

Le Ministère de l'Industrie du Canada et le Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada ont été à l’origine d’ententes avec divers pays qui se reflètent dans des projets de coopération internationale pour la minimisation des impacts sur l’environnement et par le transfert de l’expertise canadienne à d’autres pays » (Peres Menezes, 2004:259)

En effet, le Canada et ses provinces ont mis en place une législation favorisant davantage la qualité de l’environnement, puisque contrairement à l’eau et aux mines, la qualité de l’environnement est une compétence partagée entre le provincial et le fédéral. Dans les lois fédérales on retrouve la Loi canadienne de l’Évaluation environnementale qui comprend

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entre autres le Règlement sur les activités concrètes obligeant l’évaluation environnementale des sites d’exploitation (WSP, 2014). Cette loi « vise le développement durable, la responsabilité et la participation du public en ce qui concerne la prise de décision » (Peres Menezes, 2004:261). On retrouve la Loi sur la Qualité de l’environnement, la Loi sur les Eaux, la Loi sur les Mines, le Règlement sur les effluents des mines de métaux (REMM) de la Loi sur les pêches, etc. Les lois favorisent généralement les entreprises minières, mais tiennent également compte des enjeux environnementaux associés. Il reste que la réglementation et le contrôle de l’exploitation minière et de la gestion des cours d’eau sont de compétences provinciales. Plusieurs lois et règlements provinciaux sont donc également en vigueur. Par exemple, la Loi sur l’eau, la Loi sur les Mines, la Loi sur le Droit des mines, la Loi sur la qualité de l’environnement du Québec, etc.

Du côté technique, les principales façons de faire pour les sites miniers au Canada et ailleurs sont l’utilisation de bassins de décantation et d’usines de pompage pour le traitement des eaux résiduelles, l’inondation des résidus poussiéreux afin d’empêcher leur dispersion dans l’air, la pose d’une géomembrane sur les couches de résidus miniers afin de couper leur contact avec l’air et d’empêcher les eaux de pluie de ruisseler dessus, l’introduction de plantes qui absorbent les éléments actifs des résidus, par exemple dans un cas de drainage minier acide, on plantera des espèces végétales qui aiment les milieux acides, etc. (Peres Menezes, 2004).

Concernant les mines de notre territoire d’étude, il s’agit d’analyser la concertation entre les entreprises minières et leurs parties prenantes, qui sont les acteurs de l’eau affectés par leurs exploitations, ainsi que tous les acteurs impliqués dans la gouvernance de l’eau des bassins versants touchés. Nous savons qu’il y a un manque dans le contrôle et la surveillance environnementale, malgré des politiques et des techniques canadiennes et québécoises favorisant un développement durable. Il a été démontré que des engagements avec les stakeholders favorisent un comportement davantage socialement et écologiquement responsable de la part des entreprises.

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Chapitre 3 : Méthodologie

Ce chapitre détaille la méthodologie utilisée afin de répondre à la problématique de la recherche. On y retrouve donc les objectifs et l’hypothèse de recherche. Puis, des informations sur la collecte des données, les méthodes d’analyse et d’interprétation choisies et les moyens de représentation. Finalement, le cadre opératoire sert à définir le périmètre de notre recherche.

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